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Des jouets de construction made in Luxembourg 


La dépanneuse de l’ACL a été l’un des premiers modèles fabriqués et vendus par le quadragénaire. (Photo : didier sylvestre)

Patrick Laschette, dans son abri de jardin, fabrique des figurines et des constructions en petites briques de plastique inspirées du Luxembourg.

Dans la commune de Steinfort, à Grass, Patrick Laschette crée des modèles de jeu de construction de briques à assembler. D’allure juvénile – fabriquer des jouets serait-il le remède miracle contre le vieillissement? –, le quadragénaire a fondé sa petite entreprise, Lubrix, en février 2023. «Dans mon garage, comme Bill Gates», s’amuse-t-il. Enfin, pas tout à fait dans son garage, puisque c’est au fond de son jardin, dans un cabanon, qu’une fois ses enfants couchés, il se consacre à cette activité, après celle exercée la journée en tant qu’employé de l’État.

Enfant, il était tellement passionné par les Lego qu’il voulait après sa mort «être enterré dans un cercueil fabriqué avec ces petites briques», en rigole-t-il encore. Il a bien tenté, une fois adulte, de postuler chez le fabricant de jeux danois pour devenir designer, mais le processus de recrutement ultrasélectif ne retient pas sa candidature.

Cette déconvenue ne l’empêche pas, pendant des années, de fabriquer sur son temps de loisir des modèles de maquettes en briques empilables et de proposer leur mode d’emploi gratuitement sur des sites dédiés. Comme celui représentant Idéfix, le petit chien dans Astérix, tellement abouti qu’il le reconnaîtra plus tard proposé à la vente sur AliExpress à une trentaine d’euros…

Le Grand-Duché comme muse

Mais c’est surtout après la naissance de ses garçons, en jouant avec eux, qu’il retrouve la fascination qu’exerçaient sur lui les petites briques en plastique emboîtables. Il décide alors de faire l’acquisition d’une imprimante 3D et de fabriquer des objets de briques en 3D, une idée bien vite stoppée quand le prix de ses factures d’électricité a grimpé en flèche.

Pas tout à fait refroidi par l’expérience, lui qui se demande régulièrement si le toit de la maison devant laquelle il passe serait réalisable en Lego, il décide de se jeter à l’eau et fonde Lubrix. Ses constructions, décide-t-il, seront inspirées par le Luxembourg – un principe auquel il déroge parfois comme lorsqu’il crée un tracteur pour l’offrir à son petit neveu le jour de ses 8 ans.

Si ça marche, c’est bon, sinon je suis ruiné

Mais les particuliers ne seront pas sa seule clientèle. Il proposera aussi à des associations, des lieux culturels et des entreprises de leur créer un modèle unique. L’idée est simple : il fabrique un prototype en petites briques, comme le bâtiment d’un musée, prend rendez-vous ensuite avec ses responsables et, après d’éventuelles rectifications, ces derniers pourront mettre en vente l’objet dans leur boutique ou l’offrir comme cadeau à leurs mécènes.

Pour travailler sans que le bruit des pièces remuées empêche ses enfants de dormir, il s’installe dans l’abri de jardin et l’aménage d’une façon qui en dit long sur le propriétaire des lieux. Car il faut être drôlement minutieux, débrouillard et créatif pour faire de cette cabane un atelier aussi fonctionnel et dépaysant.

Une partie du plafond est recouverte d’hexagones en plastique aux couleurs de son entreprise, celles du drapeau national. Sur un côté de la cabane, des casiers transparents emplis de briques en plastique de diverses couleurs, de l’autre, tout le nécessaire pour empaqueter les commandes : boîtes en carton, mode d’emploi, étiquettes de livraison… Entre, fixés au mur, des tubes de néon de couleur sont allumés formant le logo de Lubrix et la phrase bau dir déng Welt (construis ton monde).

Des prix abordables

Une injonction qui prend tout sens quand le regard se pose sur les étagères sur lesquelles figurent les réalisations de Patrick Laschette. Ici la dépanneuse jaune de l’Automobile Club du Luxembourg (ACL), là des emblèmes du Grand-Duché facilement reconnaissables : la Gëlle Fra, le Lion rouge, la figurine de la petite souris Maus Ketti de la fable d’Auguste Liesch, mais aussi la skyline de la capitale. Le tout en petites briques de construction. «Attention, on n’a pas le droit de dire que ce sont des Lego, prévient Patrick Laschette, c’est une marque déposée. Cependant, tous mes modèles sont « Lego compatibles ».»

Lorsque le remuant quadragénaire a une idée, il s’installe devant son ordinateur, puis conçoit un modèle avec un logiciel de design. Il commande ensuite les petites pièces en plastique en Chine auprès de fabricants dont la production est de très bonne qualité et avec lesquels il a noué d’excellentes relations commerciales. Puis, une fois les briques reçues, il construit la maquette sortie de son imagination. Là, il procède encore à quelques ajustements et obtient le modèle définitif. Enfin, vient le moment de créer le design de la boîte en carton qui contiendra toutes les petites pièces du modèle.

Chaque petite brique ou plaque lui coûte un peu cher à l’achat – pour qu’elles soient meilleur marché, il faudrait qu’il en commande des quantités industrielles – et les boîtes en carton dans lesquelles il vend ses modèles aussi, surtout qu’il les souhaite de qualité. Pour autant, le dynamique quadragénaire veut que les prix de ses sets soient abordables. La dépanneuse de l’ACL, et ses 264 pièces, est vendue 39 euros, la petite Maus Ketti, 24,99 euros. Son objectif n’est pas de devenir riche, assure Patrick Laschette, mais de gagner suffisamment de quoi acheter de nouvelles pièces pour créer de nouveaux modèles.

Ses créations ne sont pas vraiment faites pour jouer avec, ce sont plus des objets de décoration. «J’ai un client qui m’a commandé deux sets identiques, raconte-t-il, un avec lequel il joue et le second pour le mettre dans sa vitrine.» Ces sets se vendent bien et ce qui l’étonne le plus depuis un an, ce sont les retours de ses clients, qui prennent parfois la peine de lui écrire pour le remercier, lui qui explique «vendre de la joie». Aux plus fidèles d’entre eux, il demande leur date de naissance et cette combinaison de chiffres devient le numéro de série de l’un de ses modèles.

Cette année, il tente «un gros coup» dont il ne souhaite pas parler, mais qui l’empêche parfois de dormir la nuit : «Si ça marche, c’est bon, sinon je suis ruiné», glisse-t-il dans un soupir. La traditionnelle période des vœux de début d’année n’étant pas encore tout à fait close, souhaitons-lui la poursuite de ce rêve d’enfant.