Au Lënster Lycée International School à Junglinster et dans huit autres lycées du pays, des élèves passent le Dimas, un diplôme destiné à les diriger vers l’aéronautique, un secteur en manque de personnel.
Regarde, là ça serait une belle piste d’atterrissage», fait remarquer Leonardo à Christopher, en pointant du doigt une colline verte et vierge en face du Lënster Lycée International School. Une remarque on ne peut plus normale entre ces deux élèves, âgés de 16 et 17 ans et en possession du Diplôme d’initiation aux métiers aéronautiques et spatiaux (Dimas).
Instauré il y a six ans au lycée, sous la forme d’une activité parascolaire le vendredi après-midi, l’objectif du Dimas est «de motiver les jeunes et rendre accessible l’aéronautique à tous les élèves, quelle que soit la filière», explique Damir Dodic, l’un des enseignants. Initialement proposé dans quatre lycées, à partir de la classe de quatrième et moyennant 100 euros, le diplôme l’est désormais dans neuf établissements. Pour le contenu, il s’agit de 50 heures de travaux dirigés sur l’aviation, ponctuées par un examen final.
«Il faut au moins un petit savoir en mathématiques et en sciences, mais c’est très général», précise Damir Dodic qui enseigne aussi bien à des élèves de commerce que de l’école internationale. «Et j’ai du respect pour les élèves qui viennent m’écouter pendant deux heures le vendredi, alors que tout le monde termine à midi», salue-t-il. Parmi les diplômés, certains ont pourtant failli arrêter comme Jenna qui «trouvait trop secs les cours de théorie». Cette dernière s’est finalement accrochée, notamment motivée par la récompense finale : piloter un avion durant une heure.
Tous pilotes
«Pilote, pilote, pilote, pilote et pilote.» Sur les cinq diplômés rencontrés au lycée de Junglinster, tous rêvent d’être aux commandes dans le cockpit. Pour Leonardo et Jenna, l’aviation est un rêve d’enfant. Tiffany, elle, connaît le milieu via son frère diplômé du Dimas et ses parents qui travaillent à l’aéroport. Attiré par le milieu musical, Christopher s’est finalement pris d’intérêt pour le domaine, tout comme Raphaël qui a rejoint le programme notamment après avoir regardé le dernier Top Gun.
«On a regardé Top Gun tous ensemble», précise d’ailleurs Damir Dodic. Alors, le vol d’une heure en fin d’année est «le point le plus motivant» pour les lycéens, pressés de voler de leurs propres ailes, ou presque. Grâce aux 100 euros d’inscription, la participation du lycée et un partenariat avec la Luxembourg Flight Training Academy (LFTA), ainsi que le soutien du SCRIPT/MEN (Ministère de l’éducation) initiateur principal du projet, chaque élève a la possibilité de piloter un Piper PA-28 ou un Cessna 172, deux avions légers.
À l’évocation de ces noms, les futurs pilotes en herbe sourient. L’an dernier, ils ont eu la chance de toucher leur passion du bout des doigts. Accompagnés par un moniteur, certains ont même réalisé seuls le décollage. Non sans crainte.
«En montant dans l’avion, j’étais stressé mais le moniteur m’a mis à l’aise, même si en redescendant je n’étais pas trop sur mes pattes», avoue Christopher. «Ils nous demandent aussi où l’on habite afin de passer au-dessus de la maison.» Forcément, cette expérience les conforte dans leur passion. «Être pilote, c’est vraiment LE métier», rêve Tiffany, loin de s’imaginer ingénieure aéronautique.
«On attend que l’avion passe»
Bien qu’il ait travaillé comme ingénieur pour les compagnies aériennes Cargolux et Lufthansa, Damir Dodic n’a pas encore réussi à insuffler sa passion à ses élèves. «On a visité Cargolux et ça ne m’a pas intéressé, car il y a beaucoup de mathématiques. Je préfère avoir des belles vues», avoue Tiffany. «En tant qu’ingénieur ou technicien, on est sur place dans le hangar, il y a du bruit et il peut faire très froid l’hiver», lance également Christopher. Ce dernier n’exclut pas pour autant de passer temporairement par cette étape avant de devenir pilote. Un choix encouragé par son professeur.
Bien qu’ils soient encore jeunes, le rythme de vie des pilotes divise également les lycéens. «Ce qui me fait douter, c’est qu’un pilote peut manquer à la maison si on a une famille», s’interroge Christopher. «Après, chez Luxair, tu ne fais pas de longs vols, tu as du temps et des semaines de repos pour la famille», répond Leonardo, en prenant l’exemple des vols de moins de 2 heures pour Vienne ou Londres. «Avec des plus grosses compagnies comme la Lufthansa, ce n’est pas pareil si tu pars pour New York», prévient Damir Dodic.
En attendant de faire un choix, les jeunes pousses luxembourgeoises scrutent le ciel à l’aide de l’application «Flightradar24» qui permet de surveiller le trafic aérien, connaître le modèle de l’avion, sa destination, sa vitesse et bien d’autres facteurs. «Parfois, on ouvre l’application et on attend que l’avion passe devant le lycée», raconte Leonardo, pressé de les rejoindre.
Le Dimas, une demande de l’industrie
Si le Dimas a été créé afin de rendre l’aéronautique accessible, l’enjeu est surtout de répondre à un manque de personnel dans le secteur. La reconnaissance du diplôme auprès des professionnels est «l’un des objectifs principaux, car l’industrie l’exige», fait savoir Damir Dodic. «On manque de personnel à tous les niveaux et ce sont des recrues étrangères à 80 %. La tendance est croissante, c’est dommage.»
C’est pour cela que des acteurs comme Luxair, Cargolux, lux-Airport, SES (Société européenne des satellites) et Air Rescue sont partenaires du Dimas afin d’attirer des Luxembourgeois pour devenir aussi bien ingénieur, technicien ou commercial. Lors de la remise des diplômes, les représentants et les services ressources humaines des entreprises partenaires sont présents «afin de faciliter le contact, comme pour un stage par exemple».
Pour les lycéens, le Dimas est également l’occasion de se distinguer auprès des compagnies aériennes qui recrutent puis forment, à leurs frais, leurs futurs pilotes. «Par exemple, il y a une ancienne élève qui a été recrutée pour être formée par Luxair.» Pour les diplômés prêts à continuer dans le milieu, «c’est vraiment une chance», explique Tiffany. Pour cause, le prix d’une formation s’élève à six chiffres selon Damir Dodic.
Au-delà du prix, le fond du problème au Luxembourg se trouve dans l’absence de parcours de formation. «Les gens ne sont pas trop intéressés, surtout parce que ce n’est pas possible de se former ici et les gens qui se forment à l’étranger, restent à l’étranger.» Afin de commencer à y remédier, une section aéronautique, dès la classe de 2e, devrait voir le jour à la rentrée prochaine au Lënster Lycée International School. «Cela serait pour de l’aéronautique générale et aérospatiale», annonce Damir Dodic, de nouveau dans le projet.