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Le musicien Jon Batiste crée son American Symphony


L’une des scènes les plus fortes en émotion du documentaire montre Jon Batiste improviser un morceau au piano, qu’il dédie à son épouse.

Sujet du documentaire Netflix American Symphony, le musicien américain Jon Batiste expose le contraste entre son succès stratosphérique et la lutte de son épouse, Suleika Jaouad, contre une leucémie.

Estampillé Higher Ground, la société de production de Barack et Michelle Obama, et réalisé par Matthew Heineman, le documentaire American Symphony s’invite de manière intime dans la vie du couple formé par Jon Batiste, jazzman et compositeur, récompensé par cinq Grammys et un Oscar, et l’écrivaine Suleika Jaouad. «Je voulais qu’il ne montre pas seulement le processus artistique, mais également ce qui est requis pour atteindre un niveau de grandeur artistique», assure Jon Batiste. «Une leçon à laquelle nous ne nous attendions pas, c’est celle de la créativité comme mécanisme de survie», ajoute le musicien.

Le film est né comme un documentaire assez classique sur le processus de création de Jon Batiste, qui comptait composer et jouer une symphonie pour une seule soirée, en s’inspirant de musiques venant d’à travers le monde. Mais le projet s’est transformé soudainement lorsque Suleika Jaouad a appris le retour de son cancer, après près de dix ans. Le résultat filmé donne tout à la fois une histoire d’amour, une réflexion sur la maladie, une chronique de vie de famille, et un examen – sans trembler – du processus créatif lui-même.

Suleika Jaouad, une autrice à succès, tenait déjà une chronique dans le New York Times sur sa première bataille contre le cancer. Cette fois-ci, pendant sept mois, les caméras ont suivi Jon Batiste lors de répétitions, d’insomnies, de séances avec son psychologue, ou encore lors de ses visites dans les hôpitaux où était soignée Suleika Jaouad. «Permettre à la caméra d’être présente dans ces moments sacrés de nos vies, c’était de la négociation en direct», se souvient le compositeur.

Émotion brute au piano

À la même période, Jon Batiste arrivait en tête des nominations aux Grammy Awards, au nombre de onze – huit pour l’album We Are, qui gagnera la récompense de meilleur album de l’année, et trois pour la musique du film d’animation Soul (Pete Docter, 2020). Ses compositions pour le film Pixar figuraient parmi les meilleurs albums jazz de l’année, et c’est avec le prix de la meilleure bande originale qu’elles seront notamment distinguées.

Mais lorsque Jon Batiste rentre de Las Vegas avec cinq Grammys en poche, Suleika Jaouad est de nouveau à l’hôpital, luttant contre les effets de la chimiothérapie et d’une seconde greffe de moelle osseuse. Un passage fort en émotion du documentaire montre le musicien sur scène devant une salle comble lors d’un récital de piano. Il dédie le morceau suivant à son épouse avant de s’arrêter pendant une minute entière, les doigts sur les touches du piano, avant une improvisation à l’émotion brute.

Un Oscar pour les Obama ?

Le documentaire figure parmi les favoris à l’Oscar du meilleur documentaire en mars prochain. Il pourrait valoir au couple Obama son deuxième Oscar, après American Factory (Steven Bognar et Julia Reichert, 2019), le premier film produit par leur société Higher Ground. Et, pourquoi pas, un deuxième Oscar aussi pour Jon Batiste, crédité comme compositeur de la musique du documentaire.

De formation classique, issu d’une dynastie musicale de la Nouvelle-Orléans, Jon Batiste a d’abord accédé à la notoriété comme directeur musical et leader du groupe Stay Human, jouant dans le populaire talk-show télévisé de Stephen Colbert. Sa célébrité est passée à un niveau supérieur avec le succès de We Are et du film Soul, et moins de deux ans plus tard, le jazzman est nommé pour six nouveaux Grammys en 2024 avec son album World Music Radio. Est notamment nommée au Grammy de la meilleure chanson Butterfly, écrite pour son épouse lorsqu’elle était à l’hôpital.

Aux Grammys avec Suleika

Jon Batiste est le seul artiste masculin nommé dans la catégorie album de l’année, aux côtés de Taylor Swift, Olivia Rodrigo, ou encore le groupe Boygenius. Selon lui, il partage avec ces artistes un intérêt pour «la musique vraie», quand les musiciens sont «dans la même pièce, respirent le même air», plutôt que de se reposer sur la technologie et des sons produits par ordinateur.

Olivia Rodrigo remet ainsi sur le devant de la scène «un certain style « old school » d’écriture de chansons», estime Jon Batiste, tandis que Billie Eilish est «la voix de son époque» et que le trio Boygenius représente un «retour à une dynamique de groupe et une camaraderie fondée sur des valeurs partagées».

Mais pour Jon Batiste, le plus important pour la cérémonie des Grammys en février, c’est celle qui sera cette fois-ci à son bras. «Elle va bien, et elle sera capable d’assister aux Grammys avec moi», dit-il à propos de son épouse. «Pour moi, être capable de fêter cet album et cette chanson, mais aussi d’être présent aux Grammys à nouveau, avec elle cette fois… la boucle est bouclée.»

American Symphony, de Matthew Heineman. Netflix.