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Syndrome de Rett : «On veut en finir avec l’isolement»


Silke, Shola et Jean-Francis Covi, l'une des familles engagées pour une meilleure prise en charge des patientes Rett. (Photo : Julien Garroy)

Quatre familles montent une association pour porter la voix de leurs filles atteintes du syndrome de Rett et faire enfin connaître cette maladie au Luxembourg.

Ce n’est pas son handicap qu’on remarque en premier chez Shola, mais ses grands yeux, qui semblent avoir tant à nous dire. Malheureusement, la maladie dont elle souffre, le syndrome de Rett, l’enferme et la prive des gestes les plus simples.

D’origine génétique, il s’agit d’un trouble grave du développement du système nerveux central qui ne touche que les filles, et entraîne un polyhandicap avec déficience intellectuelle et infirmité motrice. 

Une maladie «cruelle»

«C’est cruel, car nos bébés ont l’air en parfaite santé. Jusqu’à ce qu’un jour, ils régressent subitement», explique Silke Covi, la maman de Shola.

«En quelques semaines, ma fille ne pouvait plus parler, marcher, jouer à ses jeux préférés ou manger seule. Et elle en était consciente», se souvient-elle.

Au moment où la vie bascule pour ces enfants et leur famille, l’isolement s’ajoute souvent au choc du diagnostic. «Alors que le ciel nous tombe sur la tête, il n’y a aucune association pour nous soutenir, personne pour nous guider, pas d’autres parents concernés pour nous montrer qu’il y a de l’espoir», regrette Jean-Francis Covi, le papa de Shola.

Une dizaine d’enfants diagnostiquées 

D’où la nécessité de créer cette communauté qui fait défaut depuis trop longtemps au Luxembourg.

Avec Almedina Adrovic, maman d’Ajla, 18 ans, encore plus sévèrement atteinte, et deux autres familles, ils viennent de lancer l’Association luxembourgeoise du syndrome de Rett (ALSR). «On veut tendre la main aux familles et en finir avec l’isolement.», décrivent-ils.

Almedina Adrovic, maman d’Ajla, 18 ans : «On a besoin d’un neurologue référent pour le Luxembourg».

D’après leurs informations, il y aurait une dizaine d’enfants diagnostiquées au Grand-Duché, mais sans doute bien plus de personnes concernées.

Car ces dernières décennies, le dépistage n’a pas été systématique et il est fort possible que de nombreuses femmes adultes avec un handicap mental n’aient pas été testées pour Rett. «C’est aussi pour ces raisons qu’on veut faire connaître ce syndrome», appuie Jean-Francis, président de l’ALSR.

Des médecins peu, voire pas informés

Les médecins eux-mêmes sont peu, voire pas informés : «Le neurologue de ma fille m’a carrément dit qu’il n’y connaissait rien à Rett et qu’il ne s’occuperait que de son épilepsie», déplore Almedina.

«Lors des consultations, c’est lui qui me demandait des informations sur la maladie», soupire celle qui s’est sentie extrêmement seule durant ces années de combat.

La thérapie génique, un énorme espoir

Ce que ces parents attendent – au-delà de la prise en charge du handicap qu’ils estiment globalement satisfaisante – c’est qu’un spécialiste luxembourgeois s’intéresse au syndrome de Rett, et accepte de se former auprès de pairs à l’étranger pour incarner un référent au niveau national.

À 19 ans, Shola ne prononce aucun mot, mais ses yeux parlent pour elle.

Car les choses avancent vite, et l’espoir est bien là : depuis février, une thérapie génique est à l’essai sur un groupe de patientes Rett au Canada.

Une formidable avancée. «Or, sans référent pour notre pays, on n’a aucune chance d’accéder à ce nouveau traitement pour nos filles», craint Almedina. Et tous les neurologues approchés jusqu’ici ont décliné : « »Pas le temps », disent-ils».

Un outil interactif pour communiquer

En parallèle, d’autres pistes existent pour améliorer dès maintenant le quotidien des filles Rett en leur donnant la possibilité de communiquer. Il se pourrait en effet que leur handicap mental soit parfois sur-estimé : grâce à un outil captant les mouvements des yeux, de nombreuses patientes Rett sont capables de s’exprimer et d’interagir avec leur entourage.

«Ce dispositif baptisé Tobii a fait ses preuves et est largement déployé en France et en Allemagne», indique Almedina, qui s’est battue pour que sa fille ait accès à cette technologie.

Le pays doit s’activer au plan international

«Son école, le Centre pour le développement moteur, a fini par en acquérir un. Aujourd’hui majeure, elle a quitté l’établissement et n’y a plus accès», dénonce-t-elle, précisant que le coût de ce matériel oscille entre 10 et 15 000 euros.

Jean-Francis et Almedina, président et vice-présidente de l’ALSR, sont déterminés à faire bouger les choses.

L’association espère donc pouvoir peser auprès des autorités pour équiper les patientes.

Globalement, ces familles estiment surtout qu’il est grand temps que le Luxembourg participe activement à tout ce qui se joue au niveau européen et international autour du syndrome de Rett. Cela pourrait changer l’avenir de leurs filles.

Association luxembourgeoise du syndrome de Rett, contact par mail à info@alsr.lu, par tél. au 27 93 87 65 ou au 691 19 71 00.

 

Rett : un syndrome rare

Le syndrome de Rett est une maladie génétique rare qui concerne une fille sur 10 000. Il engendre un désordre neurologique grave, causé par la mutation d’un gène sur le chromosome X.

L’enfant évolue normalement durant 6 à 18 mois, avant l’apparition des premiers symptômes : perte de l’utilisation des mains, mouvements non contrôlés et répétés des mains, perte de la marche, troubles de la communication, manifestations autistiques.

Une altération sévère du langage et un retard psychomoteur sont associés, ainsi qu’un retard mental. Certaines patientes subissent des crises d’épilepsie, des troubles respiratoires, tandis que la plupart ont besoin d’appareillages (fauteuils, corsets).

Identifié depuis 1983 seulement, on estime que de nombreuses femmes Rett ne sont pas diagnostiquées. Aucun traitement n’est disponible à ce jour, mais la recherche a prouvé qu’une thérapie génique peut corriger plusieurs aspects de la maladie. Les travaux les plus prometteurs se déroulent en ce moment à Montréal.