Deux prévenus jouent avec les faits dans l’espoir de s’en sortir à bon compte, frôlant la mauvaise foi et semblant sous-estimer l’expérience des juges. Le jeu en vaudra-t-il la chandelle ?
Le 12 juillet dernier, aux alentours de 2 h, Mohammed a sonné au domicile d’un monsieur âgé de 89 ans à Weimershof. Personne ne répond. Le Marocain de 25 ans pense que la maison est inoccupée. Il brise la vitre de la porte à l’arrière de la maison et tente d’entrer. Entendant des voix, il s’éloigne et revient une heure plus tard. Il sonne à nouveau et obtient confirmation que la maison est habitée. Il est arrêté par la police sur le boulevard J.-F.-Kennedy.
«Personne n’a répondu», s’est défendu le prévenu. «C’était au beau milieu de la nuit», répond la présidente de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Je n’avais pas d’argent. Je voulais entrer», poursuit le jeune homme. Un dialogue s’engage. «Cela ne se passe pas comme cela au Luxembourg. Vous vous attendiez à ce qu’on vous ouvre grand la porte et qu’on vous invite à entrer?» – «C’était la première fois. Je suis parti quand j’ai entendu du bruit.» – «Les cambrioleurs fonctionnent de cette façon. Pourquoi être revenu une heure plus tard et avoir sonné à nouveau?»
«Je ne voulais agresser personne»
Le prévenu prétend ne pas s’en souvenir. Sa victime présumée a pourtant alerté la police à deux reprises à une heure d’intervalle cette nuit-là, a précisé la juge coupant court à tout argumentaire de sa part. «Je ne voulais agresser personne», lâche-t-il, résigné. La représentante du ministère public a requis une peine de 12 mois de prison à son encontre pour tentative de cambriolage avec effraction. Elle a jugé «grave» qu’à peine arrivé au Luxembourg depuis deux semaines, Mohammed commette un délit. Et ce, d’autant plus que des condamnations pour des faits de vol alourdissent son casier judiciaire suisse.
«En sonnant, mon client a voulu s’assurer que la maison était vide pour n’effrayer personne. Il ne voulait pas faire de mal, c’est pour cette raison qu’il a quitté les lieux immédiatement après avoir entendu des voix.» Me El Handouz a essayé de tourner les faits à l’avantage de son client qui aurait atterri dans la rue après une rupture amoureuse. «Il avait consommé de l’alcool et du haschisch pour se donner du courage.»
Elle demande au tribunal d’assortir la peine prononcée du sursis intégral ou d’un sursis probatoire qui permette à Mohammed de suivre une cure de désintoxication ou de le condamner à une peine d’amende uniquement. Et d’ajouter que «Mohammed est en détention préventive depuis 5 mois. Il aimerait voir sa fille de 6 ans et pouvoir régulariser sa situation». Ce à quoi la parquetière a répliqué que des affaires encore en cours en Suisse témoignent de son énergie criminelle et que Mohammed étant sans ressources, une peine d’emprisonnement lui paraissait être plus appropriée.
«Je ne savais pas que la drogue se trouvait dans la voiture»
Luis est passé maître en matière de mauvaise foi, mais on ne la fait pas à l’envers à la présidente de la 13e chambre correctionnelle qui connait ses dossiers sur le bout des doigts. Le quinquagénaire a fait opposition à un jugement du 19 mai 2022 qui le condamnait à 18 mois de prison et à 2 000 euros d’amende pour avoir détenu 15 boules de drogue. Connu de la justice pour être un vendeur, le prévenu prétend que la drogue trouvée dans la console centrale d’une voiture n’était pas la sienne et demande à être acquitté.
«Je ne savais pas que la drogue se trouvait dans la voiture», insiste Luis qui avait été dénoncé par les deux toxicomanes qui l’accompagnaient le jour de son interpellation. Selon eux, le prévenu aurait essayé de la cacher en voyant débarquer la police. À la barre vendredi matin, Luis prétend avoir été accusé à tort. «Je n’en savais rien. Nous étions en route pour aller acheter de la drogue. Je n’ai jamais fait appel d’aucune de mes précédentes condamnations, mais là, je n’y suis pour rien.»
«Non Madame, ce n’est pas vrai!»
«Pourquoi ne pas l’avoir dit tout de suite à la police au lieu de faire usage du droit de vous taire et de ne pas vous incriminer vous-même?», l’interroge la présidente. «Non Madame, ce n’est pas vrai!», soutient Luis. «Vous avez signé le procès-verbal d’audition. Vous êtes habitué de la police, vous savez comment ça marche.» – «Les policiers ne voulaient rien entendre, alors j’ai dit que je préférais me taire.» – «Vous avez cinq condamnations pour vente de stupéfiants à votre actif.» – «Pour consommation, Madame.» Luis ne se démonte pas. La juge non plus : «Non, à chaque fois ce sont des condamnations pour vente.» Et pour enfoncer le clou, elle ajoute qu’«en 2012 et pour votre dernier jugement l’année dernière, vous avez été condamné en appel».
Luis a préféré se taire et écouter la représentante du ministère d’État requérir la confirmation du premier jugement. Son avocat a plaidé en faveur de son acquittement, faute de preuves que la drogue était bien la sienne. Si le tribunal devait être d’un avis contraire, il devrait ne pas le condamner à une peine de prison n’excédant pas les six mois.
Les prononcés sont fixés au 11 janvier.