Elisabeth Borne se rend vendredi à Mayotte pour faire des annonces sur l’eau, le logement et la santé, dans ce département le plus pauvre de France, confronté à une grave sécheresse, une pression migratoire des Comores voisines et une insécurité croissante.
Après un accueil traditionnel à l’aéroport de Petite-Terre, la cheffe du gouvernement accompagnée par deux ministres, Aurélien Rousseau (Santé) et Philippe Vigier (Outre-mer), évoquera la pénurie d’eau, à laquelle les habitants n’ont accès qu’un jour sur trois.
C’est cette crise qui a motivé au départ ce déplacement. Mais cet archipel de l’Océan indien de 310.000 habitants, où Marine Le Pen a réuni près de 60% des suffrages à la dernière présidentielle, est aussi secoué depuis plusieurs semaines par des affrontements entre villages, qui ont conduit à l’envoi de renforts en gendarmes.
Cette visite d’une douzaine d’heures, la première d’un chef de gouvernement depuis Manuel Valls en 2015, coïncide avec le début de l’examen à l’Assemblée lundi du très sensible projet de loi immigration sur lequel Gérald Darmanin est en première ligne.
Le ministre de l’Intérieur était venu dans l’archipel en juin pour défendre l’opération policière controversée Wuambushu de lutte contre l’habitat insalubre (les bidonvilles), la criminalité et l’immigration illégale.
Développement
La lutte contre l’immigration irrégulière et l’insécurité sont des « priorités absolues », explique-t-on à Matignon.
« Pour autant la politique du gouvernement à l’égard de Mayotte ne peut pas se résumer à ces deux politiques » et porte une « vision d’ensemble pour son développement ». « Il faut davantage d’écoles, des établissements de santé de plus grande capacité, il faut pouvoir étudier », « mieux y circuler ».
Mayotte est confrontée à la pire sécheresse depuis 1997, aggravée par un manque d’infrastructures et d’investissements.
La Première ministre annoncera la poursuite de la distribution gratuite d’eau en bouteille et la prise en charge des factures « aussi longtemps que nécessaire », ainsi que la prolongation d’aides aux entreprises.
Elle confirmera la construction d’une deuxième usine de dessalement, mais qui ne produira de l’eau que début 2025, au lieu de 2024.
Elle visitera ensuite un bidonville qui doit prochainement être démantelé à Koungou, où elle annoncera la création d’une Opération d’intérêt national sur trois communes pour aider au relogement de ses habitants.
« Appel d’air »
Le sujet du logement fait débat sur l’île. Le député LR Mansour Kamardine considère ainsi que de nouvelles constructions entraîneront « un appel d’air » à l’immigration.
La moitié de la population ne possède pas la nationalité française, selon l’Insee, même si un tiers des étrangers sont nés sur l’île. Et environ 30% des logements sont de l’habitat insalubre.
Les résultats se font attendre. Les opérations contre les bidonvilles ont permis de détruire environ 700 habitats informels (ou cases) cette année, contre 1.600 en 2021. Le nombre d’expulsions d’immigrés illégaux a baissé : environ 22.000 depuis le début de l’année, contre 25.000 en 2022.
Au conseil départemental, Elisabeth Borne signera une « convention financière » par laquelle l’État apportera 100 millions d’euros en 2024 à la petite enfance, dont les dépenses explosent face à une croissance démographique de 4% par an.
Elle visitera aussi l’unique hôpital de Mayotte, qui manque cruellement de soignants, pour y annoncer son extension et sa modernisation, ainsi que de nouvelles offres de formations pour attirer les infirmiers.
« Impuissance » de l’État
Sur la sécurité, Elisabeth Borne annoncera notamment un renforcement des moyens du plan Shikandra de lutte contre l’immigration irrégulière, avec la modernisation d’ici 2027 des radars de surveillance en mer.
Reste à savoir si ces mesures seront à la hauteur des attentes des élus locaux qui demandent d’abord l’expulsion de migrants installés dans un stade de Mamoudzou.
La députée indépendante Liot Estelle Youssouffa, qui veut restreindre le droit du sol, déjà durci en 2018, met en garde contre un discours « compassionnel » qui serait mal reçu compte tenu de la « volatilité de la situation ». « La population est excédée face à la lenteur, l’apparente impuissance de la loi et des services de l’Etat pour la protéger ».
Au nom des professionnels de santé sur l’île, le médecin Jean-Marc Roussin réclame lui « l’état d’urgence » et la mise en place d’une médecine « de type humanitaire ».