Les partis de l’opposition s’inquiètent fortement des plans du nouveau gouvernement pour pérenniser le régime d’assurance pension. Une détérioration du système solidaire est redoutée.
L’accord de coalition signé par le CSV et le DP rappelle que le taux de cotisation en vigueur «sera insuffisant pour payer le volume des pensions annuelles à partir de l’année 2027».
Par conséquent, le nouveau gouvernement compte mener «une large consultation avec la société civile sur la viabilité à long terme de notre système des retraites, ceci afin de trouver un consensus à ce sujet».
Il s’agira d’une mission ardue. Les premières pistes évoquées, mercredi, en commission parlementaire par Martine Deprez, la nouvelle ministre de la Sécurité sociale, ont, en effet, provoqué l’ire de l’opposition. «La sonnette d’alarme résonne», lance Mars Di Bartolomeo (LSAP), suivi de Marc Baum (déi Lénk), n’hésitant pas à parler d’une «véritable attaque sur notre système de sécurité sociale».
En cause, l’intention du gouvernement de procéder à une «promotion accrue des deuxième et troisième piliers de prévoyance vieillisse (…), notamment par une amélioration des allègements fiscaux». Néanmoins, l’assurance obligatoire «restera le pilier du système de pension», assure la coalition conservatrice-libérale.
«Les critiques ne sont pas justifiées»
Mars Di Bartolomeo doute de cet engagement : «Même si le programme demeure très vague, il n’est pas sans dangers». Sachant que la ministre exclut «à ce stade» une hausse des cotisations, «on peut conclure que le gouvernement pense déjà à restreindre les prestations du premier pilier du système».
Le député socialiste redoute non seulement une réduction des prestations, mais aussi une augmentation de l’âge légal de départ à la retraite, actuellement fixé à 65 ans.
Le premier pilier est celui de la pension légale, reposant sur le système de cotisation obligatoire et solidaire. «Avec une dévalorisation, on se dirige tout droit vers une pension de base couvrant uniquement les besoins primaires. Pour tout le reste, les assurés sont priés de cotiser en privé. Il s’agit d’un chemin inacceptable pour nous», s’insurge de son côté Marc Baum.
«Les critiques émises ne sont pas justifiées. Renforcer les deuxième et troisième piliers n’équivaut pas à affaiblir le premier pilier, qui continuera à s’appliquer pleinement pour les personnes les moins bien loties. Il faut éviter qu’elles ne tombent dans la pauvreté», rétorque Max Hengel, le président chrétien-social de la commission de la Santé et de la Sécurité sociale.
Également membre de la majorité, Gérard Schockmel rappelle néanmoins que l’assurance pension «couvre quasiment toutes les prestations, ce qui est énorme». «Si quelqu’un peut davantage profiter des abattements accordés sur les deux autres piliers, il ne doit pas forcément profiter de cette large couverture», ajoute l’élu libéral.
D’une manière plus globale, la question du financement du système de sécurité sociale, y compris de l’assurance pension, se pose. «Ce qui me rend nerveux, c’est l’absence de réflexion sur le financement général de l’assurance pension. La digitalisation et l’intelligence artificielle vont faire que moins d’emplois seront créés, avec à la clé moins de cotisations», fait remarquer François Bausch (déi gréng).
La ministre contre l’opposition
Martine Deprez ne cache pas que la discussion entamée hier porte sur l’architecture du système d’assurance pension. «Il est cependant un peu simpliste d’affirmer que le premier pilier va être affaibli. Nous avons mené une discussion très complexe, qui va se poursuivre dans les semaines et mois à venir», affirme la ministre de la Sécurité sociale.
«Nous pouvons rendre plus attrayants les piliers non obligatoires pour certaines catégories de personnes, sans affaiblir le premier pilier pour d’autres personnes», renchérit-elle.
Début 2024, un échéancier plus précis devrait être annoncé.
Les trois piliers du système de retraite
PENSION LÉGALE Le premier pilier équivaut à l’assurance pension ancrée dans le système de sécurité sociale. Il repose sur un régime de cotisation obligatoire et solidaire, avec un cofinancement garanti par les contributions de l’assuré, de l’employeur et de l’État. Le taux de cotisation s’élève à 24 %, soit 8 % versés par chacun des trois acteurs.
PLAN DE PENSION Le deuxième pilier repose sur une pension complémentaire constituée par l’employeur pour les membres de son personnel. Ce régime facultatif repose sur une capitalisation avec, à la clé, des avantages fiscaux accordés par l’État.
PRÉVOYANCE VIEILLESSE Le troisième pilier est constitué par un régime de pension complémentaire que l’assuré peut contracter lui-même. Un contrat d’épargne est conclu, avec la possibilité de déduire fiscalement un plafond maximal de 3 200 euros par an.
À entendre ces batailles à boulets rouges, on en oublie presque qu’ici au Luxembourg, il y a une différence entre l’âge légal de la retraite et la pratique… En effet, ces départs à la retraite se font bien souvent déjà à 57 ou 58 ans, comme si la réforme de 2012 n’avait jamais eu lieu.
Cotiser via le privé signifie ajouter un intermédiaire dont l’objectif est de faire du profit.
Je ne vois pas ce que ça va résoudre.