Depuis plus de trente ans, Claude Wolter, papa de six enfants, dont trois cyclistes, use ses fonds de cuissard sur les courses sur route et les cyclo-cross.
C’est assurément un drôle de personnage. Il garde cette allure un peu raide des grands gabarits, pas très assuré dans ses déplacements, mais sa silhouette est restée toujours la même. À 40 ans, Claude Wolter enchaîne les compétitions chez les masters comme s’il était encore junior. Il n’est pas le seul, les coursiers qui font de la résistance sont légion au pays. Certains jours, la catégorie des «vétérans» est la plus fournie en nombre de participants.
L’impression reste troublante lorsqu’on aborde Claude Wolter. En plus de vingt ans, il est resté ce coureur réservé, mais soudainement prolixe une fois qu’on a rompu la glace pour de bon.
On s’est posé la question de savoir ce qui faisait encore courir l’instituteur de Lamadelaine, près de trente-deux ans après ses débuts, «à huit, neuf ans au LP 07 Schifflange», où il a grandi. L’époux de Cynthia, ancienne nageuse et professeur d’allemand au lycée Josy-Barthel, évoque la piste familiale.
Et pour cause, la famille de Claude et Cynthia Wolter est grande de six enfants. Max, 14 ans. Les jumeaux Felix et Philip, 13 ans. Lori, 11 ans, la seule fille. Mathis, 8 ans. Et enfin Leo, 6 ans. Ils ont tous pratiqué le cyclisme, comme papa dans son enfance, au LP 07 Schifflange. Aujourd’hui, Max et Lori ont changé de monture et pratiquent l’équitation. Felix a arrêté alors que Max continue. Comme Mathis et Leo. «C’est la jeunesse, il ne faut pas les forcer. Et je me souviens que, moi aussi, je me suis arrêté…»
À deux reprises, Claude Wolter, qui porte les couleurs du CT Kayldall dans la continuité du LC Kayl, a mis le clignotant. Avant de reprendre le guidon. «J’ai stoppé vers dix ans pour goûter au tennis, au tennis de table, au badminton et à la natation, avant de reprendre dans le club de Rumelange vers douze ans, lors d’une soirée de home trainer, comme cela existait encore à l’époque. La deuxième fois, c’est plus récent. J’ai repris parce que les enfants roulaient en compétition. Cela m’embêtait de faire jusqu’à 200 kilomètres pour les voir courir dix minutes. Je n’y suis remis…», sourit-il.
Au tout début, bien que n’ayant aucun membre de sa famille branché cyclisme, il suit son voisin Ronny Kremer à l’école de cyclisme du club schifflangeois alors dirigée par Aly et Annie Magar. Les parents de Claude Wolter, Marianne, alors employée privée (plus tard, elle deviendra indépendante dans la gérance d’immeuble), et Marco son père, tourneur à l’Arbed, ne savent pas que leur fiston (qui n’a qu’une sœur, Sandy, qui a d’ailleurs repris la société de sa mère) va nouer une si grande passion avec son sport.
Aujourd’hui, l’intéressé semble prendre le plaisir de l’instant, là où il se trouve, sans réminiscence du passé. Il gère son capital santé en bon père de famille. Après une opération d’une hernie discale qui l’aura fait souffrir, il revient vite dans le coup.
Durant sa déjà très longue carrière, Claude Wolter a eu le loisir de connaître des sommets, mais ce n’est franchement pas ce qui l’occupe. On lui rappelle ainsi sa participation aux championnats du monde professionnels 2009 à Varèse, là où l’équipe nationale, forte de ses résultats de l’époque avec les frères Schleck et Kim Kirchen, pouvait s’aligner avec neuf coureurs!
Courir dans le même peloton que des grands noms comme Paolo Bettini, Alessandro Ballan (le vainqueur de cette édition), Alberto Contador, Oscar Freire, Alejandro Valverde, pour ne citer qu’eux, pourrait donner des frissons. Pas à Claude Wolter. «Je n’avais pu suivre que quelques tours seulement et je savais au départ que je ne pouvais pas finir…», raconte-t-il sans nostalgie. Ce qui ne l’empêche pas, dans la foulée, de convenir pudiquement qu’il avait vécu là, en tant que cycliste, «quelque chose d’extraordinaire».
Toujours en famille, il aime pour les vacances prendre la direction de Fréjus où ils ont acquis une propriété idéalement placée pour s’adonner à son sport favori dans l’arrière-pays
Il fut un des pionniers à garnir les rangs des équipes continentales. Chez Konica Minolta d’abord en 2006. La formation sud-africaine, qui avait un pied-à-terre en Belgique, accueillera la saison suivante un certain Chris Froome. Claude Wolter n’y était plus et passera deux saisons, en 2008 et 2009, dans l’équipe de Differdange. «Je n’ai jamais pratiqué le cyclisme avec l’âme d’un professionnel. J’étais alors étudiant et je savais que je ne m’arrêterais pas de travailler pour le cyclisme. Mais cela reste une très bonne expérience.»
En cyclo-cross, il parvient à prendre la 5e place de l’épreuve internationale du Fond-de-Gras. Sur route, il s’acquitte avec sérieux de son rôle de coéquipier. Ce qui ne l’empêche pas de signer une 7e place en haut de Bourscheid d’une étape de la Flèche du Sud alors remportée par Laurent Didier. On le voit encore s’échapper en 2008 sur la première étape du Tour de Luxembourg, sur la route de Mondorf-les-Bains.
«Claude, c’était un gars gentil, un bon coureur qui respectait à la lettre les consignes et travaillait jusqu’à sa dernière goutte d’essence. Il faisait de son mieux dans son job d’équipier», dit de lui Gabriel Gatti, son ancien patron du Team Differdange, qui a souvent le plaisir de le saluer sur son perron, à Soleuvre, lorsque son ancien poulain s’entraîne.
Si son meilleur ami dans cette équipe restera son compatriote et ancien champion national Christian Poos, celui-ci le lui rend bien. «C’est un mec bien et c’est avec lui que je faisais chambre dans les courses. Un mec réglo qui ne se cachait jamais et avec qui on ne pouvait pas s’embrouiller», rapporte à son tour «Poosi».
Aujourd’hui, les plaisirs de Claude Wolter sont multiples. Il court toutes les épreuves luxembourgeoises et passe la frontière lorsque le calendrier devient plus creux. Toujours en famille, il aime pour les vacances prendre la direction de Fréjus où ils ont acquis une propriété idéalement placée pour s’adonner à son sport favori dans l’arrière-pays. Pendant les vacances de la Toussaint, il s’est classé seizième du cyclo-cross de Marseille avant de remporter celui d’Antibes, le lendemain.
Le revoilà motivé comme un minime. Il sent venir l’inévitable question. «Quand est-ce que je dirai stop ? Je ne sais pas. L’hiver dernier, je me suis fait opérer et j’ai vu que ça allait vite dans un sens ou dans l’autre. J’ai dû m’entraîner pour retrouver un niveau. Alors, tant que je peux rouler…»
Âgé de 40 ans, Claude Wolter pratique le cyclisme depuis plus de 30 ans. Aujourd’hui, ce père de famille nombreuse (six enfants) poursuit l’aventure dans la catégorie très prisée des masters où il multiplie les top 10. Pendant trois ans, en 2006, puis 2008 et 2009, il a pu participer à des courses professionnelles en intégrant les équipes continentales Konica Minolta et Differdange. C’est évidemment par «pur plaisir» que le coureur du CT Kayldall, qui habite à Bettange-sur-Mess, joue les prolongations.