La ville de Grindavik, dans le sud-ouest de l’Islande, a été évacuée après des centaines de séismes enregistrés ces derniers jours, signes précurseurs de l’imminence d’une éruption volcanique. Quels sont les risques qu’elle survienne et quel en serait l’impact ? Réponses avec des experts.
Que se passe-t-il ?
Les centaines de tremblements de terre qui ont secoué Grindavik ont été provoqués par une accumulation massive de magma dans une fissure longue de 15 kilomètres et située entre 2 à 5 km sous terre. La fracture se trouve à environ 3,5 km au nord-ouest de cette ville portuaire de 4.000 habitants, sur la péninsule de Reykjanes.
La pression du magma sous-terrain a fait gonfler le sol, éventrant la chaussée et fissurant des immeubles de la ville, évacuée par précaution.
Les trois dernières éruptions volcaniques survenues en Islande – en 2021, 2022 et l’été dernier – ont toutes eu lieu près du mont Fagradalsfjall dans la péninsule de Reykjanes, où la lave sommeillait depuis huit siècles. Mais elles se sont produites dans des zones quasiment inhabitées.
Quels sont les risques d’une éruption ?
« La probabilité d’une éruption demeure élevée », estimait l’office météorologique islandais mercredi dans son dernier bulletin. L’activité sismique restait néanmoins stable depuis quatre jours.
« Une éruption pourrait se produire n’importe où le long de la fissure », explique à l’AFP Vidir Reynisson, responsable de la protection civile et de la gestion des situations d’urgence en Islande.
Impossible cependant de prédire une date exacte, souligne John Smellie, volcanologue à l’Université britannique de Leicester, pour qui l’éruption pourrait intervenir d’ici quelques jours ou semaines. Un risque qui pourrait aussi « malgré tous les signes, s’atténuer et disparaître », dit-il.
Quels dégâts à craindre ?
Les experts islandais sont « très inquiets pour toutes les habitations et infrastructures aux alentours », commente Vidir Reynisson.
Selon John Smellie, une éruption serait similaire à celle qui a secoué la péninsule de Reykjanes cet été, avec des coulées de laves jaillissant depuis une fissure dans le sol. D’importants dégâts matériels seraient alors à craindre dans la ville de Grindavik.
Mais la lave s’écoulant « relativement lentement, les gens ont généralement le temps de s’en éloigner, en voiture ou en courant », relève le volcanologue. Il est donc peu probable qu’il y ait des victimes.
Autre menace: les gaz toxiques libérés par l’éruption. En 1783, la désastreuse éruption du Laki, dans le sud, avait décimé le bétail de l’île et provoqué une famine généralisée.
Phil Collins, géologue à l’Université Brunel de Londres, juge néanmoins « peu probable » la survenue d’une telle catastrophe.
L’éruption risque d’être plus violente si elle traversait la glace ou l’eau. Par exemple, si elle se produisait à l’extrémité sud de la fissure remplie de magma, qui est immergée, elle pourrait provoquer des nuages de cendres affectant le trafic aérien.
Mais la plupart des 800 tremblements de terre enregistrés depuis 24 heures étaient localisés au milieu de la fissure de magma, indiquent les services météorologiques islandais.
Quelle différence avec le fameux Eyjafjallajokull ?
L’éruption devrait être sans commune mesure avec celle de l’Eyjafjallajokull en 2010. L’éruption massive de ce volcan du sud de l’île avait projeté d’énormes quantités de cendres dans l’atmosphère, paralysant le trafic aérien depuis et au dessus de l’Islande, avec l’annulation de quelque 100.000 vols et plus de 10 millions de voyageurs bloqués.
L’Eyjafjallajokull avait explosé à travers 200 mètres de glace, rendant l’éruption « très violente », décrypte John Smellie. L’interaction avec l’eau avait créé des particules de cendres plus fines, qui ont ensuite pu dériver à travers l’Europe.
« Il est peu probable que cela se produise cette fois car il n’y a pas de quantité substantielle de glace » dans la zone à risque, selon Marc Reichow, géochimiste à l’Université de Leicester.
Trente-deux systèmes volcaniques sont considérés comme actifs dans ce pays de feu et de glace, région la plus volcanique d’Europe.
La grande île de l’Atlantique-nord se situe à cheval sur la dorsale médio-atlantique, une fissure du plancher océanique qui sépare les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine. Le déplacement de ces plaques est en partie responsable de l’intense activité volcanique.