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Cancer du sein : la «Breast Care Nurse» ou l’accompagnante au chevet de ses patientes


Carole Castagna, 41 ans, travaille depuis 2017 au centre hospitalier Émile-Mayrisch à Esch-sur-Alzette. 

Infirmière référente pour le cancer du sein au CHEM, Carole Castagna accompagne aux niveaux médical et psychologique les femmes atteintes par cette maladie.

Planification des opérations, suivi des chimiothérapies, accueil des nouvelles patientes… Dans son bureau exigu à quelques mètres du service d’oncologie, Carole Castagna est en pleine préparation de sa journée de travail.

Depuis près de deux ans, cette infirmière a décidé de se spécialiser dans l’accompagnement des femmes atteintes d’un cancer du sein. Elle est ce que l’on appelle au centre hospitalier Émile-Mayrisch une «Breast Care Nurse».

Au Grand-Duché, sept infirmières sont spécialisées dans ce domaine. Leur rôle? Prendre en charge ces patientes, de la découverte de la pathologie jusqu’à la fin du traitement, et parfois même au-delà. «On est un peu le fil conducteur entre elles, le médecin et les autres professionnels de santé, comme les kinésithérapeutes, les diététiciens ou encore les psychologues», explique Carole Castagna.

Une mission de relais, mais surtout d’information sur les traitements, les effets secondaires possibles lors des chimiothérapies ou encore les éventuelles opérations que devra subir la patiente.

«On est vraiment là pour répondre à toutes leurs questions et faire de la pédagogie. Par exemple, on va expliquer le déroulement des soins des plaies après une chirurgie, montrer les prothèses mammaires après une mastectomie…», détaille l’infirmière.

L’accompagnement ne se limite pas à l’aspect purement médical. Il consiste aussi en un soutien psychologique pour la malade. «On est l’oreille attentive des patientes, leur confidente. On rentre vraiment dans leur intimité et leurs problèmes de vie.»

Cet appui et ce réconfort, la professionnelle de santé les juge indispensables, car durant cette épreuve, il peut être difficile de gérer ses émotions, tant pour la patiente que pour son entourage. «On est présente aussi pour eux. En cas de besoin, on peut les rediriger vers des psychologues. Pour les enfants, on distribue un fascicule de la Fondation Cancer qui leur explique d’une façon très imagée pourquoi leur maman est malade», note-t-elle.

On est l’oreille attentive des patientes, leur confidente

Depuis 2021, l’infirmière consacre la moitié de son temps à sa mission de «Breast Care Nurse». «Nous sommes deux pour le centre hospitalier d’Esch et partageons 50 % de notre temps au service de polyclinique et l’autre moitié en chimiothérapie. Je pense que c’est une chance d’avoir ce dispositif ici au Luxembourg. Ce n’est pas le cas dans tous les pays et, quand cela existe, l’infirmière va couvrir plusieurs cancers et non un spécialement.»

Pour se spécialiser, Carole Castagna a suivi plusieurs mois de formation. «Comme je ne parlais pas couramment allemand et luxembourgeois, je suis allée à l’Institut de cancérologie de Lorraine à Nancy et également à Strasbourg», précise-t-elle.

Un vécu personnel bénéfique

Cette épreuve de vie, Carole Castagna la connaît bien, elle aussi a été atteinte d’un cancer du sein, il y a quelques années de cela. «C’était en 2017, j’avais 35 ans. Lors d’un contrôle gynécologique, le médecin a senti une boule dans mon sein gauche. Les examens ont montré qu’il s’agissait d’un cancer de type hormonal. Comme j’étais une femme jeune, j’ai dû faire une IRM mammaire. On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas une tumeur, mais trois dans un sein. J’ai dû subir une mastectomie et un curage ganglionnaire», raconte-t-elle.

Bien que cette expérience ait été difficile pour elle, elle a décidé d’en faire une force et un atout au niveau professionnel. «J’étais infirmière en polyclinique ici à Esch quand on a découvert mon cancer. Quelque temps plus tard, j’ai vu circuler une offre d’emploi pour un poste d’infirmière référente pour le cancer du sein. Je me suis dit que la suite logique était de pouvoir aider ces malades d’une façon un peu plus poussée.»

Ce vécu personnel lui permet aujourd’hui d’anticiper certaines questions ou ressentis. «C’est surtout au niveau de la vie privée. Parmi les discussions que j’ai avec mes patientes, celles autour de la vie de couple reviennent souvent. Malheureusement, la maladie peut parfois éloigner les conjoints. Personnellement, j’ai vécu cela, donc je peux en parler plus facilement avec elles», explique-t-elle.

Grâce à son vécu, Carole Castagna aborde d’autres thématiques très taboues pendant un cancer, comme celle autour de la sexualité de la personne malade. «Les chimiothérapies ou les traitements antihormonaux peuvent entraîner des sécheresses vaginales, des vaginites ou encore des cystites à répétition. La sphère gynécologique est souvent très malmenée pendant cette maladie. Mais il y a des solutions. Il faut juste que les patientes n’aient pas peur d’en parler.»

La perte de féminité est un autre sentiment partagé par de nombreuses femmes pendant un cancer du sein. «Certaines chimiothérapies peuvent engendrer des brûlures de la peau ou encore des décollements au niveau des ongles. On peut donner certains produits ou faire appel à une onco-esthéticienne qui va donner des astuces de maquillage ou des conseils sur la façon de porter un bandeau ou une perruque par exemple.»

Même après la maladie, l’infirmière poursuit son accompagnement. «Pendant le traitement, la patiente est entourée, aiguillée. Elle n’est jamais seule. Et puis, quand tout s’arrête comme ça du jour au lendemain, elle est heureuse que tout soit terminée, mais certaines nous confient se sentir seules ou ont peur de la récidive. Donc, on est là aussi pour l’après.»

L’après, Carole Castagna le vit, elle, depuis six ans. «Pendant cinq ans, j’ai dû prendre tous les jours un médicament antihormones. Cela fait un an que j’ai arrêté. Je suis en rémission depuis. J’essaie de ne pas trop y penser. Ma vie continue, et je conseille à toutes les femmes qui sont atteintes d’un cancer du sein d’être toujours positives malgré cette épreuve de vie difficile.»

«Des femmes de plus en plus jeunes»

Chaque année au Luxembourg, plus de 500 femmes sont frappées par un cancer du sein : «On voit des femmes de plus en plus jeunes entre 30 et 50 ans être atteintes par cette maladie. Il y a des semaines où on a très peu de patientes, et c’est tant mieux, et d’autres où l’on a cinq ou six nouveaux cas par jour», explique la «Breast Care Nurse» du CHEM, Carole Castagna.

Face à cela, l’infirmière référente pour le cancer du sein rappelle l’importance du dépistage et de la pédagogie. «On a reçu il y a peu de temps un lycée. Nous avons sensibilisé les jeunes filles à la palpation. On ne voulait pas leur faire peur, mais on leur a appris à réaliser régulièrement ces gestes pendant leur toilette.»