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La K-pop à la sauce cubaine


Venue de Corée du Sud, la K-pop séduit la jeunesse cubaine qui se convertit peu à peu à cet art, jusque-là inconnu dans les Caraïbes.

C’est leur plus grand rêve : découvrir un jour la Corée du Sud, le pays de leurs «idoles». À Cuba, toujours plus d’adolescents se passionnent pour la K-pop, alors que l’île n’a pas de relations diplomatiques avec Séoul. Dans sa maison du quartier de Playa, à La Havane, où elle vit avec sa grand-mère, Samyla Trujillo, 14 ans, transforme régulièrement le salon en piste de danse. Passionnée par la K-pop depuis ses dix ans, elle répète inlassablement les pas des nouvelles chorégraphies qu’elle télécharge sur internet.

Elle a découvert la K-pop grâce à des amis qui lui ont fait connaître BTS, l’emblématique boys band sud-coréen au succès planétaire, et son pendant féminin, Blackpink. «Quand j’ai vu BTS, je me suis dit que leur musique était incroyable. Et la façon dont ils dansaient, je me suis dit : « Je veux danser comme eux! »», raconte l’adolescente, tenue noire et mèches rouges. «Quand on m’a montré Blackpink, je me suis dit : « Ooh ce sont des filles, je veux être comme elles! »» Vêtements, maquillage, affiches, Samyla, qui a dansé enfant dans une compagnie de danses traditionnelles caribéennes, rêve d’être la première «idole» cubaine de K-pop.

«Je regarde des K-dramas, les feuilletons télévisés coréens, des interviews de mes idoles préférées. Avec les sous-titres, je comprends ce qu’elles disent», raconte celle qui répète des chorégraphies pendant des heures en duo avec son ami, Mikel Caballero, 17 ans. «J’aime beaucoup danser, je me retrouve dans la K-pop, ça me détend» même s’il «faut beaucoup répéter», raconte Mikel, qui a appris plus jeune le piano et les percussions.

Comme Samyla, il rêve un jour d’aller en Corée car «j’aime tout ce qui s’y passe», dit-il, les yeux brillants. À Cuba, où la salsa et le reggaeton sont rois, les jeunes adeptes de la K-pop ont peu à peu formé des groupes pour partager leur passion, répétant dans la rue ou les parcs, au moment où internet, et surtout son arrivée en 2018 sur les téléphones portables, a facilité l’accès à cette culture mondialisée.

«Les Cubains sont toujours habitués au même rythme, à la même routine, la K-pop c’est une expérience totalement nouvelle», raconte Alejandro Achin, 21 ans, qui en 2019 a réalisé son rêve de danser à Séoul après avoir remporté avec son groupe un festival amateur de K-pop organisé à La Havane.

Depuis 2021, l’association Diamond propose aux jeunes un local pour améliorer leurs chorégraphies et organise des événements autour de la K-Pop. «Il y a beaucoup de jeunes qui aiment ce genre de musique (…) nous voulions créer un espace spécifique» pour eux, raconte Tania Abreu, une des responsables, lors d’un concours mensuel organisé sur une placette du centre de La Havane.

La K-pop, et plus généralement le «Hallyu», la «vague» de pop culture sud-coréenne qui a déferlé sur la planète à partir des années 2000, touche Cuba, alors même que l’île communiste, alliée historique de la Corée du Nord, n’a pas de relations diplomatiques avec Séoul. Cela n’a pas empêché un petit centre d’études de la langue coréenne de voir le jour à La Havane dès 2014.

Depuis 2022, un «Centre culturel et école de langue coréenne» s’est installé dans de nouveaux locaux, avec le soutien de l’ambassade de Corée du Sud à Mexico pour du matériel scolaire. Le centre accueille aujourd’hui 150 élèves, et doit refuser des demandes. La jeune İa Gonzalez, 20 ans, apprend le coréen depuis plusieurs mois et s’émerveille chaque fois qu’elle reconnaît des mots dans ses chansons de K-pop préférées.  «Le coréen n’est pas difficile, il y a des parties compliquées, mais quand vous aimez vraiment ce que vous faites, vous y mettez de l’élan et de la passion», s’enthousiasme-t-elle.

Hohyun Joung, la directrice sud-coréenne du centre, qui enseigne aux côtés de quatre professeures cubaines, se réjouit de cet «amour des Cubains» pour la langue et la culture de son pays, malgré des traditions bien différentes. Si elle relève que le succès des chansons de K-pop s’explique par leur capacité à s’adresser «aux préoccupations des jeunes», elle n’en revient toujours pas que les Cubains, qui «sont les premiers du monde pour la danse», se passionnent en la matière pour son pays.