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[Bilan – Euro 2016] On ne peut pas tout leur pardonner


Christopher Martins a traversé cette campagne des éliminatoires en se bonifiant. On a hâte qu'il prenne encore plus d'envergure. (Mélanie Map's)

La philosophie de jeu de la sélection luxembourgeoise n’excuse pas tout aux yeux de ses supporters, qui ressortent à certains égards frustrés de cette campagne des éliminatoires de l’Euro-2016. Car s’ils devinent le potentiel, ils ne l’ont pas vu s’exprimer pleinement.

Gestion de l’effectif sujette à caution, rendement insuffisant des attaquants devant le but, perméabilité défensive suspecte… il y a énormément de travail avant la prochaine campagne, mais il y aura moins de points à faire. C’est d’autant plus rageant.

Des anciens internationaux présents au stade, lundi soir, pour la der de cette campagne des éliminatoires de l’Euro-2016, ont tous fait le même constat : potentiel énorme, mais qui peine encore à s’exprimer. « Cette équipe doit devenir la meilleure de l’histoire », glisse René Peters dans une interview au Quotidien.lu. Il a raison. Mais elle a beaucoup d’efforts à fournir pour optimiser et rendre efficace sa philosophie, sans quoi elle pourrait rester encore quelques années un concept creux.

D’autant qu’en août 2016, il y aura beaucoup moins d’opportunités pour faire des points que lors de cette campagne dont on attendait un poil plus. Voilà pourquoi on ne peut quand même pas tout leur passer non plus…

ON A AIMÉ

• L’INTENTION INTACTE DE JOUER

Cela reste le leitmotiv absolu, un mantra, et c’est ce qui a séduit jusqu’aux Espagnols. De Del Bosque qui a loué « une équipe fraîche et sans vice » (ce qui est autant un compliment qu’un reproche, tout bien pesé) à la presse, ravie de dire du bien sur cette équipe «qui ne se renie pas même quand elle perd». Les notes dans les quotidiens ibériques ont été à l’avenant, et recevoir cet hommage implicite du pays qui a incarné le football absolu ces huit dernières années n’a pas de prix. C’est que le Grand-Duché, au moins sur le principe, doit être dans le vrai, même s’il essuie des critiques.

• L’ARRIVÉE DE NOUVEAUX (TRÈS BONS) JEUNES

Au-delà des grands gagnants de cette campagne, dont le tout jeune Christopher Martins fait partie, mais pour lequel on avait senti le coup venir de longue date, cette campagne aura été l’occasion de voir exploser des garçons qui n’étaient pas programmés pour le faire. Et c’est surtout en cette fin d’éliminatoires qu’ils ont étalé leur talent.

Kevin Malget avait toujours été retardé par quelque chose, la concurrence au poste, notamment. Mais le Dudelangeois, athlétique, généreux, de mieux en mieux intégré dans le groupe, semble en passe de devenir un candidat enfin sérieux à une place de titulaire. À 24 ans, il était temps. Cela fait tellement de temps qu’il est dans le paysage qu’on se demandait également quand Sébastien Thill et sa fabuleuse patte gauche auraient leur chance au niveau international. Ça y est, c’est fait. Avec un but et une victoire à la clef contre la Macédoine, mais surtout les mêmes inspirations géniales qu’en club, qui font de vraies différences. Pour les Roud Léiwen, cela n’a pas de prix.

Il y a enfin Ricky Delgado, revenu de nulle part. Rayé des listes en fin de saison dernière et qui, subitement, grâce à l’arrivée de Carlo Weis à la Jeunesse, reprend assez de temps de jeu et de confiance pour saisir enfin sa chance. Au point qu’un cap lui a été fixé : passer pro en 2016. Chiche?

• DES POINTS, POUR LA CINQUIÈME FOIS

La fédération devient gourmande. Paul Philipp avait proposé de tenter de récupérer six points. Il en a eu quatre. En dessous des prévisions et de ce qu’on aurait pu être en droit d’attendre, donc, mais voilà, pour la cinquième campagne consécutive, le Grand-Duché a pris des points et efface symboliquement les cinq campagnes terminées avec un zéro pointé qui avaient suivi celle des dix points, en 1995. D’ailleurs, on en est en cet automne à 20 ans de cet exploit retentissant. Et s’il semble hors de question d’aller taquiner ce record dans la prochaine poule, celle des éliminatoires du Mondial-2018 (Pays-Bas, France, Suède, Bulgarie, Belarus), il faudra se souvenir que la moyenne d’âge du onze de base du premier match de cet Euro, face au Belarus, était de 23 ans. Ces gars-là, dans deux ans, seront à maturité.

ON N’A PAS AIMÉ

• LE RENDEMENT… DES ATTAQUANTS

On enfonce le clou : les avant-centres de la sélection nationale n’ont plus inscrit le moindre but depuis Dave Turpel en fin de première période à Skopje, contre la Macédoine (3-2). C’était il y a dix matches, dont huit des éliminatoires de l’Euro-2016, et désormais, il y a plus d’un an. Alors que Luc Holtz travaille au corps ses dirigeants pour qu’un match amical lui soit absolument trouvé pour le mois de novembre (la Grèce tenait la corde aux dernières nouvelles), il existe la possibilité de voir Aurélien Joachim (pourtant très entreprenant en ce mois d’octobre, malgré l’absence de temps de jeu dans son club Burton) et ses condisciples passer près de 18 mois sans scorer à l’international, puisqu’on ne les retrouvera plus, ensuite, que fin mars 2016.

Il faut dire qu’entre le statut de remplacement de Joachim et celui de Deville, sans oublier le statut précaire de Turpel au F91, il n’y a pas vraiment matière à emmagasiner de la confiance. Peut-on décemment chercher à faire du jeu dans ces conditions? Heureusement, milieux et défenseurs ont, eux, fait le job.

• L’ABSENCE DE ONZE DE BASE DE LUC HOLTZ

Au rythme auquel, dans ce pays, émergent très régulièrement des garçons façonnés par les centres de formation et qui menacent ouvertement de devenir pros, on se doute que brandir l’idée qu’une vraie continuité pourrait servir les desseins du sélectionneur peut relever du non-sens. Se priver d’un talent émergent pour favoriser l’idée d’un onze de base à peu près fixe, au moins d’un match sur l’autre, c’est même une hérésie.

Seulement voilà, le sélectionneur doit jongler entre ces deux impératifs qui peuvent lui garantir un résultat, mais ne parvient semble-t-il pas toujours facilement à trouver la juste équation entre la nécessité de rafraîchir ses troupes et celle de trouver un équilibre. Ce Luxembourg, durant la campagne de l’Euro-2016, a ainsi bien moins attaqué que durant la campagne précédente. Et que celle d’avant.

En outre, Holtz ne se prive pas d’installer des garçons à des postes qui ne sont pas les leurs en clubs ou auxquels ils n’ont pas été formés. Quand ça passe, c’est génial. Quand c’est un échec, c’est forcément moins défendable. Des exemples? Le rendement offensif de Jans côté gauche. Celui, encore plus aléatoire de Philipps en charnière centrale, pour un garçon en général meilleur dans l’entrejeu. Les constants repositionnements de Mutsch.

Le sélectionneur de la révolution culturelle qu’on apprécie tant est aussi critiquable sur ses plans de jeu, peut-être un peu trop sacrés, quand son équipe coule et qu’une réorganisation dare-dare s’imposerait. Comme au Belarus.

• LA PERMÉABILITÉ PRESQUE RECORD

Les Roud Léiwen ont fini 70 % de leurs dix matches de la campagne en prenant au moins trois buts. Pour établir le troisième plus mauvais total de buts encaissés de ces vingt dernières années. Pas reluisant. Mais ses récupérateurs devant la défense sont souvent très exposés par le plan de jeu, souvent peu soulagés et la défense donc moins bien couverte. D’autant que les couloirs ont des libertés et que la charnière a l’ordre de relancer propre. Bref, c’est une mise en danger parfois librement consentie. N’y a-t-il pas des limites?

Julien Mollereau

Détrompez-vous, ils sont… plus efficaces qu’avant !

attaqueLe rendement famélique des véritables avants-centres de la sélection a obscurci un tableau finalement pas si négatif que ça. Oui, mille fois oui, le Luxembourg se procure bien moins d’occasions de but que les deux dernières campagnes, oui ils frappent beaucoup moins au but. Mais depuis huit ans, leur efficacité n’a jamais été aussi élevée que lors de cette campagne. La preuve par les chiffres : lors de la dernière campagne de Guy Hellers, le Grand-Duché a marqué une fois tous les 19 tirs. Lors de la première de Holtz, c’était une fois tous les 18 tirs. Pour les éliminatoires du Mondial-2014, on était tombés au ratio d’un but tous les 13 tirs. Sur cette campagne, c’est une fois… tous les 11 tirs.