Devine où je suis… Voilà qui résume le principe de Geoguessr, jeu devenu «viral» où il faut reconnaître, en un clin d’œil, une ville ou un pays. Ambiance lors du tout premier tournoi mondial.
Reconnaître un pays ou une ville sur une image apparue moins d’une seconde, à l’aide de rares indices? C’est le défi qu’ont relevé le week-end dernier à Stockholm les meilleurs joueurs du monde d’un jeu en ligne, Geoguessr, où il faut avoir l’œil affûté. Une preuve? Sur l’écran s’affiche l’image d’une route ensoleillée, bordée d’arbres et de buissons. Des petits chemins de terre rouge la jouxtent, dans un paysage aux allures tropicales. «Nous sommes en Indonésie, car il y a des autocollants sur les poteaux», montre Trevor Rainbolt. En cinq secondes, il clique sur la carte, et choisit ce qui semble être un point au hasard en Indonésie. C’est gagné : le joueur tombe à seulement 88 kilomètres du lieu qu’il était censé trouver.
Trevor Rainbolt, débit accéléré et aura de geek, s’est fait une renommée dans la communauté des adeptes de ce jeu, car il est capable de deviner, en l’espace d’un dixième de seconde, où a été prise une image sur Google Maps. Soit plus rapide qu’un clignement de l’œil… Pour l’œil néophyte, difficile en effet de voir ne serait-ce que l’image affichée dans ce laps de temps. «Cela requiert beaucoup de travail», reconnaît-il. «Pendant la pandémie, je jouais autour de 18 heures par jour».
«C’est devenu viral !»
Créé par un trio de Suédois, Anton Wallen, Daniel Antell et Erland Ranvinge, Geoguessr a vu le jour le 10 mai 2013 lorsqu’il a été publié sur une plateforme prisée de développeurs. Le principe est simple : le joueur est parachuté à un endroit du globe sur Google Maps, en mode «street view» et doit deviner où il se trouve. Il place ensuite son curseur sur la carte du monde. Plus le joueur est proche de l’endroit réel, plus il marque des points.
«Mon ami Anton s’amusait avec les interfaces de programmation rendues publiques par Google et a créé un petit jeu qu’il a mis sur Reddit», la plateforme de discussions, explique Daniel Antell. «C’est devenu viral !». Samedi, 24 joueurs venus du monde entier s’affrontaient lors du tout premier tournoi mondial officiel organisé par Geoguessr, à Stockholm, avec à la clé un chèque de 50 000 dollars. Quelque 500 spectateurs, venus de 23 pays, étaient présents, selon Space, la salle qui a accueilli l’évènement. «C’est un peu comme des magiciens, je ne sais pas comment ils font», s’émerveille alors Axel Vällfors, un ingénieur de 24 ans.
Est-ce que je serais allé au Botswana si je ne jouais pas à ce jeu? Absolument pas!
À titre de comparaison, la finale 2022 des Mondiaux de League of Legends (un jeu en ligne très populaire dans lequel deux équipes de cinq joueurs s’affrontent avec l’objectif de détruire la base ennemie) a réuni quelque 18 000 spectateurs à San Francisco et a été suivie par environ 5 millions de fans en ligne. Geoguessr, devenue une entreprise réalisant 200 millions de couronnes de chiffre d’affaires (environ 17 millions d’euros) dirigée par Daniel Antell, ne prétend pas forcément vouloir devenir un e-sport officiel, avancent créateurs et joueurs.
L’autre aspect qui différencie ce jeu des autres jeux, c’est qu’il «est très accessible au public, beaucoup d’enfants y jouent, à l’école par exemple», relève Anton Wallen, dont le jeu compte aujourd’hui 65 millions d’utilisateurs enregistrés dans le monde. «Là où nous grandissons le plus, c’est en fait sur les applications mobiles», pour les utilisateurs réguliers.
Une panoplie de petites astuces
Côté professionnel, la communauté a mis au point une panoplie de petites astuces repérées après des heures passées sur les images, comme ce point noir sur les plaques d’immatriculation en Argentine, le marquage au sol en Grèce, ou encore la position de la caméra sur les voitures de Google qui captent les images – plus basse au Sri Lanka ou au Japon pour des raisons de respect de la vie privé.
Mattias McCullin, alias «Macken», qui représente la Suède pour cette première édition du championnat, résume : «C’est un peu comme un travail de détective : il faut assembler toutes les pièces du puzzle pour savoir où l’on se trouve.» Pour Trevor Rainbolt, le jeu lui a aussi donné l’envie de parcourir le monde, loin de son ordinateur cette fois. L’année dernière, il s’est rendu au Botswana. «Est-ce que je serais allé au Botswana si je ne jouais pas à ce jeu? Absolument pas!»