Plutôt élitiste derrière ses allures de sport «cool», le surf est diffusé auprès des jeunes des quartiers populaires dans la baie de San Francisco, grâce à l’engagement de l’association City Surf Project.
Malgré le courant sur la plage de Pacifica, près de San Francisco, Dianne Finez navigue avec assurance pour rassurer ses élèves latinos et afro-américains et les pousser sur leurs planches en mousse, à la recherche de leurs premières sensations de glisse. Cette instructrice de surf originaire des Philippines ne connaît que trop bien leur sentiment de peur mêlé d’excitation : cela lui rappelle sa première fois dans les vagues avec l’association City Surf Project, fondée pour diffuser le sport auprès des jeunes de couleur. «Je ne savais pas que le surf était vraiment un truc avant que je les rencontre», avoue la jeune femme de 20 ans, qui a grandi à trente minutes de voiture de la plage, dans un quartier populaire de San Francisco.
«C’était aussi difficile de se mettre au sport, juste parce qu’il y a surtout des hommes blancs.» Mais une fois qu’elle s’est mise à chevaucher les vagues, cette sportive s’est découvert une véritable passion. Désormais, elle participe à des compétitions et est fière de servir d’inspiration à d’autres adolescentes. «Que tu sois une personne de couleur ou non, le surf, c’est pour tout le monde», martèle-t-elle.
Des partenariats avec des collèges et lycées des quartiers populaires
Depuis bientôt dix ans, City Surf Project a initié plus de 2 000 jeunes de San Francisco à ce sport. L’association établit des partenariats avec les collèges et lycées des quartiers populaires de la ville, majoritairement fréquentés par des élèves hispaniques et afro-américains.
Au-delà des premiers émois dans l’écume, ceux qui souhaitent s’y mettre sur la durée peuvent ainsi aménager leur programme scolaire et accéder gratuitement au matériel de l’organisation, qui les emmène en minivan sur le littoral. Une aide cruciale, car malgré les racines hawaïennes du surf et les anciennes formes de glisse pratiquées par les pêcheurs du Pérou ou d’Afrique de l’Ouest, le sport est peu inclusif en Californie.
Que tu sois une personne de couleur ou non, le surf, c’est pour tout le monde
Le «Golden State» a hérité des inégalités territoriales de l’Amérique ségrégationniste, dans laquelle les Afro-Américains s’installant près des plages étaient souvent expropriés ou chassés. «Lorsqu’on regarde qui vit sur la côte, il s’agit généralement de communautés blanches et aisées», résume Andrew Perry, le responsable des programmes de l’association. «Pour un enfant qui vit à presque deux heures de bus de la plage, porter une planche de surf dans les transports, c’est un effort monumental.»
En ajoutant le prix de l’équipement – environ 300 dollars pour une combinaison, 800 dollars pour une planche neuve – et des leçons – 200 dollars la journée –, le sport qui a construit sa réputation sur l’image «cool» de la contre-culture californienne s’avère plutôt élitiste.
L’association doit également se battre contre les «clichés générationnels autour de la nage dans l’océan», transmis au sein de classes populaires repoussées loin des côtes, explique Andrew Perry. «Souvent, ces enfants grandissent en concevant la mer comme un endroit effrayant», raconte le trentenaire. Un schéma familier pour Trew Gantt : ce jeune Afro-Américain a grandi sous l’œil d’une mère «terrifiée par l’océan» et le risque de noyade. «J’étais autorisé à aller seul à la piscine, mais pas à la plage», raconte-t-il. «Mon entourage me disait que l’océan était froid et dangereux. Surfer paraissait juste irréaliste, à moins de vivre dans un endroit tropical.»
«Une force sans commune mesure»
Sa première vague avec l’association l’a laissé mordu. Désormais, il officie lui aussi en tant que moniteur de surf et s’emploie à dissiper la peur des requins, fréquente chez ses élèves. Il a aussi tiré de sa pratique quelques leçons existentielles, qui l’ont éloigné de la délinquance. Grâce à la sérénité que lui apportent les vagues, il ne ressent plus le besoin de casser des abribus ou de se battre, pour faire comme les copains de son quartier. «Le surf m’a appris à être beaucoup plus décontracté et m’a fait comprendre que je n’avais pas besoin d’impressionner qui que ce soit», confie-t-il.
Au fil des années, les professeurs des établissements partenaires ont souvent constaté des bénéfices similaires. L’océan «est une force sans commune mesure, qui est bonne pour nous», résume l’enseignante de lycée Sara Kosoff. «Les élèves de couleur ont donc besoin d’y accéder tout autant, sinon plus, que les élèves blancs.»