Écarté des négociations de l’accord de coalition lancées mercredi, l’Observatoire de la politique climatique compte bien faire entendre ses priorités au futur gouvernement.
Créé il y a deux ans avec la loi sur le climat, l’Observatoire de la politique climatique (OPC) regroupe des scientifiques spécialisés dans différents domaines du développement durable et délivre chaque année ses recommandations aux autorités. Ses sept membres se félicitent de certaines avancées ces derniers mois, mais s’inquiètent désormais du basculement vers une coalition CSV-DP, dont les priorités ne sont clairement pas environnementales.
Jusqu’à remettre en cause l’existence même de l’Observatoire ? Son président, le climatologue Andrew Ferrone, ne le croit pas : «Pour nous empêcher de fonctionner, il faudrait changer la loi, ce qui me paraît peu probable. Sans oublier que le Luxembourg a aussi des obligations aux niveaux européen et international», cite-t-il comme autant de garde-fous maintenant que les verts ont été boutés hors du gouvernement.
Si l’OPC n’a pas été convié à la table des négociations de l’accord de coalition – contrairement au Mouvement écologique et au Conseil supérieur pour un développement durable, qui participeront au groupe de travail «Environnement, climat, biodiversité et énergies renouvelables» –, il compte néanmoins se faire entendre.
«Publier notre rapport annuel ces jours-ci n’a rien d’innocent : nous voulons être invités aux discussions et défendre nos idées auprès du futur gouvernement», insiste le chef de la délégation luxembourgeoise auprès du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui ne désespère pas. «On n’a pas encore travaillé avec eux donc on ne sait pas exactement à quoi ils sont ouverts.»
Conscient que «ça va être plus compliqué désormais», Andrew Ferrone veut rester optimiste : «On a entendu le formateur évoquer les priorités et le climat a bien été mentionné, ce qui est déjà bon signe. Et au Luxembourg, il me semble que tous les grands partis s’accordent sur la nécessité de réduire nos émissions», poursuit-il.
Parmi les progrès notables depuis 2022, l’OPC mentionne le projet de mise à jour du Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC) transmis à la Commission européenne en juillet dernier. 201 mesures politiques accueillies favorablement par le comité qui épingle tout de même un certain manque d’ambition, de cohérence, voire de faisabilité. Et dans un registre plus symbolique, l’inscription de la lutte contre le changement climatique dans la Constitution est un pas important.
Une économie vulnérable face au risque climatique
Pour l’OPC, le plus urgent est d’impulser des changements au niveau de la gouvernance et de réorienter la place financière tout entière vers le développement durable. Car le pilier de l’économie luxembourgeoise se révèle de plus en plus vulnérable face au risque climatique. «Frappés par une catastrophe naturelle, les clients auront du mal à rembourser leurs prêts, et c’est un problème. Si les assurances prennent déjà en compte ce risque, ce n’est pas le cas des banques, à quelques exceptions près», souligne Andrew Ferrone.
Pour l’Observatoire, les investissements aussi doivent suivre cette trajectoire guidée par la transition juste, au niveau local comme mondial. D’où l’intérêt, pour le Luxembourg, de s’imposer comme un leader international de la finance durable – au-delà de la taxonomie de l’UE.
Pour ce qui est de la gouvernance, l’OPC plaide pour davantage de transversalité, en appliquant le Nohaltegkeetscheck – ou contrôle de la durabilité – à l’ensemble des politiques menées, et pas seulement aux lois. Il préconise pour cela la nomination d’un «émissaire pour le climat» qui serait directement rattaché au Premier ministre et dont le rôle consisterait à coordonner puis suivre l’action des différents ministères pour la protection du climat.
Reste à savoir si les 31 recommandations formulées dans le rapport 2023 publié hier trouveront un écho auprès des nouveaux dirigeants.