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Benu village : «Aujourd’hui, on reprend espoir»


Après avoir même songé à mettre fin au projet, Georges Kieffer, fondateur du «Benu Village», compte sur l’aide de la Ville pour combler le million d’euros manquant (Photo : Morgan Kervestin)

Menacé par un déficit financier d’un million d’euros, le projet pilote de l’écovillage «Benu Village» devrait perdurer grâce à une aide de la Ville, selon son fondateur Georges Kieffer.

Pouvez-vous clarifier la situation financière du « Benu Village »?

Georges Kieffer : Alors, on a eu le versement de l’entièreté de l’engagement de la Ville d’Esch-sur-Alzette qui, comme le ministère de l’Environnement, a une convention avec nous. Il s’agit de la deuxième convention avec eux et qui est montée de façon identique à la première. Comme à l’époque de la première, il n’y avait pas moyen de créer une tripartite directe sur base légale, le montage a été fait avec une convention entre la commune et Benu et une autre entre Benu et l’État. La première convention était parfaitement fonctionnelle. La deuxième est pareille, à la différence près que les versements de l’État ne sont jamais arrivés. 

Ce million, promis sur trois ans à partir de 2020, est devenu un parachute. C’est-à-dire qu’il devait arriver un jour. Au début, on n’avait pas compris pourquoi, puis on nous a expliqué qu’il fallait modifier une loi qui interdisait les subventions aux associations. Finalement, cette année, on a appris, non pas par un biais officiel mais par des sources du côté du ministère, que ces moyens n’allaient pas arriver. Donc, on nous privait de notre parachute. Au cours de l’année, nous avions deux projets que nous estimions (NDLR : en construction et recherche scientifique) qui sont tombés à l’eau. Dans le premier cas, le projet a été refusé, et dans le second cas, il a été décalé en raison d’une différence de budget disponible. C’est justement à ce moment-là que nous avons évoqué ce fameux million d’euros qui aurait pu être une roue de secours et nous sauver.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que ce million ne vous serait pas versé?

J’accepte qu’il y ait des contraintes légales. Si l’État nous le dit, on l’accepte, c’est un fait donc on ne va pas faire une recherche pour creuser. Par contre, se retrouver dans la situation où des projets sont refusés ou décalés au moment même où une roue de secours est vacante, cela a fait monter la température. Et donc les choses se mettent ensemble et cette synchronisation d’événements a fait qu’on a eu une situation qui devenait critique et c’est là où on a commencé à contacter la commune. Malheureusement, on a deux roues qui ont éclaté. On a réalisé que la roue de secours n’était pas disponible et, dans cette situation, on a essayé de trouver un mécanicien pour nous aider. On a contacté des philanthropes, des programmes internationaux, mais on n’en a pas trouvé, donc on a levé la main pour dire : « S’il vous plaît, aidez-nous, ne laissez pas ce succès tomber ».

À ce jour, il nous reste tout juste les moyens pour assurer les salaires. Évidemment, c’est dans notre obligation professionnelle de privilégier les salaires, ce qui veut dire que l’on bloque le reste. Depuis juillet, depuis la réalisation de l’ampleur de la situation, on a beaucoup réduit la satisfaction personnelle ou le paiement des factures.

Pourquoi avez-vous continué malgré ce manque de subventions?

C‘est très difficile de prévoir dans cette activité, dans ce pilotage, les frais qui nous attendent comme on ne travaille pas sur la base d’expériences connues. Je sais qu’il y a des laboratoires standardisés, qui travaillent depuis 30 ans et qui prennent l’habitude de calculer les risques et les provisions. Mais nous, on était trois personnes en 2018 et maintenant plus de 40. Avec l’enthousiasme du développement, on n’a pas eu l’occasion de faire suivre toutes ces procédures à temps, je le reconnais. On est en train de travailler là-dessus.

Quelle est la situation aujourd’hui?

Aujourd’hui, on reprend espoir, car vendredi dernier, le conseil échevinal a annoncé que l’on allait chercher une solution commune. Demain, nous aurons une réunion avec la Ville pour entamer la discussion. Mais avant cette nouvelle, c’était vraiment compliqué. On s’attendait à toutes les options, dont les pires comme fermer. On n’est pas encore sorti du tunnel, mais ça nous laisse quand même espérer très profondément et je l’ai partagé comme ça avec l’équipe. Tout simplement parce que je suis convaincu que si une ville de cette taille et avec un tel niveau professionnel annonce cela, alors on trouvera une solution.

Mais la situation reste urgente : il nous faut une solution opérationnelle pour la fin du mois. C’est très ambigu parce que d’un côté, on nous dit que la perspective est géniale, mais si on ne réussit pas à tenir jusqu’à une nouvelle convention, ça sera quand même moche. C’est le pire des scénarios, mais c’est une éventualité.

La quarantaine d’employés travaillent-ils encore?

Oui, comme d’habitude parce qu’on se dit que c’est ça la lutte. Le projet ne s’arrête pas là. Justement, aujourd’hui, je l’exprime, je le vis et je suis confiant. Même si ça grince, même s’il faut encore mener des débats. C’est aussi ce qu’il faut comprendre dans la vie d’une ASBL. Cette expérience, je la partage avec bien d’autres fondateurs d’ASBL. On ne peut jamais exclure ce genre de situation. Il y a eu des questions d’employés ici pour dire « mais alors ce n’est pas garanti ce que l’on fait«  et ça, il faut le comprendre : on est une ASBL de développement avec un statut de pilote. On ne peut pas espérer dans ces conditions-là que l’on soit comme des fonctionnaires.

On préfère s’orienter vers le futur, continuer de créer, d’innover, de produire pour l’extérieur, de montrer aux gens comment revenir dans un certain rythme, ce qui est notre vocation. Parce que la destruction climatique, elle n’attend pas, elle ne fait pas de pause de six mois. Derrière, avec notre taux d’inclusion de 32 % parmi nos employés, il y a aussi des familles qui ne peuvent pas faire quatre semaines sans avoir eu de salaire.

L’avenir économique du village

En cas de maintien du projet, Georges Kieffer a détaillé les différents moyens prévus ou espérés pour assurer la pérennité économique du «Benu Village». Une nouvelle loi sur les fonds pour l’environnement rendant à nouveau possibles les subventions aux ASBL, une convention tripartite avec la commune et l’État serait «en voie». Malgré tout, le fondateur de l’écovillage assure que cela «n’évitera jamais de continuer à aller chercher des fonds extérieurs» afin de «nous donner les moyens pour réaliser ce que l’on a dans les veines». Enfin, l’ASBL souhaite également renforcer ses contributions propres via son restaurant ouvert il y a deux mois, son catering, ses créations de mode ainsi que la vente de meubles.