La Banque centrale européenne (BCE) a décidé neuf hausses successives des taux d’intérêt depuis juillet 2022, sans coup férir, mais l’issue de sa réunion de rentrée, jeudi, s’annonce incertaine sur fond d’inflation persistante et de croissance au ralenti.
Les récentes déclarations des banquiers centraux membres de la BCE laissent ouvertes les deux options d’une nouvelle hausse des taux ou d’une pause, le temps d’évaluer la situation.
L’inflation qui dépassait 10% à l’automne dernier en zone euro est redescendue vers les 5% en août.
C’est encore trop pour la BCE qui veut ramener l’agrégat à 2% à terme et qui a lancé depuis un an un cycle de hausses des taux sans précédent, avec un cumul à ce jour de 4,25 points de pourcentage.
Le problème: l’inflation sous-jacente, scrutée de près car elle exclut les fortes fluctuations des prix de l’énergie et des biens alimentaires, campe depuis plusieurs mois légèrement au-dessus des 5%.
Le chef économiste de la BCE, Philip Lane, a affirmé récemment que cet indicateur « pourrait baisser à l’automne » alors que des effets saisonniers vont s’estomper, dans une interview au journal irlandais en ligne The Currency.
Un commentaire qui pourrait s’interpréter de la façon suivante: si l’inflation est en train de baisser d’elle-même, autant attendre avant d’envisager une autre hausse des taux.
Avis partagés
Les économistes se divisent eux en deux camps quasiment égaux, entre ceux voyant le taux de facilité de dépôt, qui fait référence, augmenter de 0,25 point de pourcentage pour passer à 4,00% et d’autres le voyant maintenu à 3,75%.
Les données économiques publiées pendant la pause estivale ont aussi de quoi faire pencher les avis en faveur d’une pause sur les taux.
Il se dessine un scénario de stagflation en zone euro, avec des indicateurs de confiance (PMI) en chute libre, une distribution du crédit en berne et une économie au bord de la récession, voir déjà tombée dedans comme en Allemagne, pendant que l’inflation baisse mais reste tenace.
Dans ce contexte la BCE pourrait « suspendre son cycle de hausse en septembre et utiliser l’incertitude pour se réserver l’option d’une nouvelle hausse ultérieure », en fonction des données à venir, selon Mark Wall, chef économiste chez Deutsche Bank.
Nouvelles projections
Mais pour les gardiens de l’euro, « le risque d’en faire trop peu apparaît plus élevé que le risque d’en faire trop », souligne Frederik Ducrozet, chef économiste chez Pictet Wealth Management, qui penche pour une nouvelle hausse des taux décidée jeudi.
« Le ralentissement de la croissance dans la zone euro ne devrait pas suffire à inquiéter la BCE pour justifier une pause sur les taux d’intérêt, d’autant plus que l’inflation reste bien supérieure à l’objectif de la BCE », résume Franck Dixmier, directeur mondial des gestions obligataires d’Allianz Global Investors, sur la même ligne.
Une nouvelle hausse des taux en septembre pourrait s’imposer faute d’avoir la « preuve convaincante » que le resserrement des vannes du crédit est suffisant pour faire baisser l’inflation à 2%, a souligné le compte-rendu de la réunion de la BCE en juillet.
L’institut monétaire va aussi baser sa décision sur de nouvelles projections de croissance et d’inflation.
En juin, ces prévisions voyaient l’inflation à 5,4% en 2023, 3,0% en 2024 et 2,2% en 2025.
La remontée récente des prix du pétrole pourrait affecter cette prévision pour 2023 et on risque de voir l’inflation demeurer supérieure à l’objectif jusqu’en 2025, justifiant, selon M. Ducrozet de garder un cap monétaire restrictif.
La hausse des taux, si elle se décide jeudi, pourrait être « la dernière (…) de ce cycle », avec une BCE restant ensuite « en attente jusqu’à la mi-2024 au moins », conclut-il.