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[Bande Dessinée] Sur la piste des mosaïques d’Invader


En 2022, Invader a posé sa 4 000e pièce sur un mur de la ville de Potosi, en Bolivie. Depuis, d’autres Space Invaders continuent d’apparaître… (Photo : invader)

La BD Chasseur d’Invader, de Nicolas Kéramidas, plonge au cœur de la communauté des passionnés en quête des mosaïques du mystérieux artiste de rue Invader, apparues pour la première fois en 1996.

Le dessinateur Nicolas Kéramidas est tombé dans l’engrenage – télécharger une application qui permet de connaître son classement à chaque Space Invader photographié – via un confrère et ami en 2016. Ce quinquagénaire a «flashé» ses premières mosaïques dans sa ville, Grenoble, enfourchant ensuite son vélo pour découvrir une commune proche, La Tronche. Sa quête le mènera plus tard à Ljubljana, en Slovénie, ou encore à Tokyo, escale sur le chemin d’une manifestation de BD en Nouvelle-Calédonie.

Sa BD, parue la semaine dernière, a demandé près de deux ans de travail. Elle a été préfacée par son principal intéressé, le «street artist» Invader, qu’il a fini par rencontrer dans son atelier secret après lui avoir transmis ses planches. Nicolas Kéramidas a bien sûr tenu à préserver son anonymat : depuis la première apparition d’un Space Invader en 1996, place de la Bastille à Paris, Invader n’a jamais dévoilé son visage. «Quelques heures avant, je me suis demandé si c’était une bonne idée de le rencontrer : et si le gars n’était pas sympa, me prenait de haut?», raconte le dessinateur. Mais «la rencontre a été fluide, c’était un peu Noël avant l’heure». Il n’en dira pas plus.

«Réactivation» des œuvres dégradées

À la date de parution de son livre, Nicolas Kéramidas était classé 368e sur plus de 330 000 chasseurs d’Invaders dans le monde. «C’est pas mal, mais, avant l’été, j’étais 320e. J’ai morflé pendant les vacances car, avec ma famille, c’est impossible de planifier en fonction des Space Invaders, ça ne les intéresse pas», s’amuse-t-il.

L’humour est un des atouts de la BD, qui évite les pièges de ne s’adresser qu’à des initiés ou de se répéter dans la traque des mosaïques. Didactique, l’ouvrage éclaire aussi sur la «réactivation», peu connue du grand public. «La moitié des plus de 4 000 pièces dans le monde ont quasiment été détruites, volées, dégradées. À Grenoble, longtemps, il n’en restait que neuf sur 57», amorce-t-il. «Des gens ont commencé à les refaire à l’identique, à les reposer au même endroit. Ça s’est officialisé, ils sont devenus des « réactivateurs », validés par la maison mère, même s’ils ne rencontrent pas Invader.» Nicolas Kéramidas narre dans son livre sa participation à une «réactivation», un soir de Fête de la musique à Paris, avec un ciment réalisé sur un scooter à l’arrêt, au milieu de la foule, sans être importuné : «Plus c’est gros, plus les gens s’en foutent.»

Chasseur et touriste

Même si le dessinateur a déjà «flashé» 1 951 Space Invaders, il ne fait pas partie des chasseurs forcenés, qui «font dix heures de voiture pour en prendre deux et ne voient rien de la ville». Lui en profite pour visiter, savourer la gastronomie locale, aller à des concerts sur place, voire embarquer pour un week-end des amis qui ne sont pas des fans d’Invader… et qui hallucinent parfois de le voir traverser un périphérique glauque pour prendre un cliché. «J’ai découvert ou redécouvert des villes comme ça», assure Nicolas Kéramidas.

Le dessinateur n’élude pas «le seul côté un peu regrettable» de la quête : le bilan carbone des chasseurs du top 10 ne doit pas être beau à voir. «Si demain, il en apparaît un à New York, ils vont y aller.» Le 4 000e Space Invader, posé il y a peu à Potosi, en Bolivie, «titille» beaucoup les chasseurs actuellement. Lui a trouvé un moyen d’augmenter dans l’immédiat son score sans trop d’impact pour l’environnement : «Ma tournée de dédicaces de la BD a été conçue pour avancer un peu dans le jeu, avec Rennes, Nantes, Toulouse, Pau, Montauban, Bastia, uniquement des endroits que je n’ai pas faits.»

Chasseur d’Invader, de Nicolas Kéramidas. Casterman.