Face aux indicateurs qui dévissent, les patrons du secteur de la construction saisissent les syndicats OGBL et LCGB pour établir un plan de maintien dans l’emploi sectoriel. Le but : sauver 4 600 emplois directement menacés.
Voilà des mois que le secteur de la construction sait qu’il va droit dans le mur, avec des carnets de commandes dont les pages 2024 restent désespérément vides. Les organisations patronales ont d’ailleurs sonné l’alerte et demandé l’aide des autorités dès la fin de l’année dernière. Cette fois, un nouveau pas est officiellement franchi, alors que le Groupement des entrepreneurs et la Fédération des entreprises de construction annoncent la saisine des syndicats pour entamer une concertation. Le but : aboutir au plus vite à un plan de maintien dans l’emploi sectoriel à présenter au gouvernement.
«C’est le moment d’ouvrir le dialogue», estime Patrick Koehnen, secrétaire général adjoint de la Fédération des artisans, qui vient de relancer OBGL et LCGB après un premier courrier daté du 4 juillet resté sans réponse. «Récemment, la faillite de Cardoso a eu un impact très fort, tandis que les chiffres qui nous servent d’indicateurs se sont encore détériorés», poursuit-il.
Et c’est le moins que l’on puisse dire : pour le premier semestre 2023, le Statec fait état de -72 % de ventes d’appartements neufs, -44 % de crédits immobiliers et -33 % d’autorisations de bâtir délivrées. «Ça, c’est le futur, donc autant de projets qui ne se feront pas», commente-t-il, amer, ajoutant qu’il faut remonter à 1987 pour trouver un nombre aussi bas de permis de construire au Luxembourg.
«Il faut aller plus loin»
Certaines entreprises sont déjà forcées de mettre la clé sous la porte : sur la même période, le secteur affiche ainsi 102 faillites, soit le double par rapport à 2022, un record depuis 1995, et 470 emplois supprimés. «On n’a plus connu ça depuis très longtemps et les perspectives pour la suite sont peu favorables. Il y a encore du travail pour quelques mois, mais dès septembre, il faudra absolument trouver des chantiers pour 2024, sinon on aura de sérieux problèmes», prévient-il.
Les travailleurs intérimaires seront les premiers impactés, mais ce sont 4 600 emplois qui sont menacés au total, selon la fédération qui a fait ses calculs. En première ligne : les sociétés actives dans le gros œuvre. «Elles sont touchées de plein fouet, tandis que les métiers plus techniques parviennent à s’en sortir pour l’instant grâce aux chantiers liés à la transition énergétique – installation de pompes à chaleur, panneaux photovoltaïques. Mais avec une chute d’un tiers des autorisations de bâtir, il y aura forcément un trou à un moment et chaque corps de métier sera frappé», constate le secrétaire.
L’organisation parle de 1 500 logements à construire en moins, passant de 3 800 à 2 300 prévus en 2024, voire moins. De quoi plomber durablement les chiffres d’affaires. Et pour le moment, les mesures annoncées par le gouvernement ne suffisent pas aux yeux des professionnels : «On essaye de mobiliser les pouvoirs publics depuis près d’un an déjà pour relancer l’investissement dans la pierre. Ce qui est prévu constitue un premier pas, mais il faut aller plus loin.»
«Le chômage partiel ne doit pas être tabou»
Pour rappel, le mois dernier, le ministre du Logement, Henri Kox, avait annoncé que l’État était en cours de négociations avec des promoteurs pour faire passer un parc de 180 logements du marché privé à la main publique. De quoi démarrer de nouveaux chantiers. Parallèlement, un plan pour soutenir le secteur à hauteur de 150 millions d’euros a été lancé en juin, avec l’objectif de se substituer aux investisseurs privés freinés par la conjoncture morose.
En entamant une concertation avec les syndicats, le Groupement des entrepreneurs et la Fédération des entreprises de construction assurent vouloir avant tout sauvegarder les emplois : «On a besoin de nos salariés, ça c’est clair, en vue de la reprise, mais aussi pour assurer la transition énergétique», tranche Patrick Koehnen. «On veut négocier une série d’instruments et de mesures de maintien dans l’emploi, et dans ce contexte, le chômage partiel ne doit pas être tabou», revendique-t-il. «Cependant, si les entreprises n’y arrivent plus, on ne pourra pas éviter un plan social sectoriel. Mais on n’y est pas encore.»
Le plan de maintien dans l’emploi qui sortira des discussions à venir avec les partenaires sociaux devra ensuite être validé par le comité de conjoncture, sous la tutelle du ministère de l’Économie, avant d’entrer en application.