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Espace : une équipe luxembourgeoise observe un geyser sur une comète


Exemple d’éruption de geyser sur une comète (ici sur la comète 67P).

Une équipe luxembourgeoise a été la première à observer l’éruption d’un geyser sur la comète 29P/Schwassmann-Wachmann, l’un des objets les plus étranges du système solaire.

Le 23 avril 2023, le rêve de tout astronome est devenu réalité pour Matt Dawson, collaborateur scientifique de la section de géo/astrophysique du musée national d’Histoire naturelle de Luxembourg, et Eric Buttini, le responsable de cette section : selon le MNHN, ils ont en effet été les premiers à observer un phénomène exceptionnel, en l’occurrence l’éruption d’un geyser sur la comète 29P/Schwassmann-Wachmann, l’un des objets les plus étranges du système solaire.

«Je n’ai pas vu un geyser à proprement parler», nuance Matt Dawson. «On parle d’un objet de 60 km de diamètre situé à un milliard de kilomètres, au-delà de l’orbite de Jupiter, c’est vraiment très loin! Mais j’ai remarqué un changement au niveau de la luminosité ainsi que de la couleur. Et nous avons pu voir la queue de la comète.» Une observation qui a ensuite été confirmée par des télescopes en Australie et aux États-Unis.

Matt Dawson. Photo : hervé montaigu

La comète 29P, découverte en 1927 par les astronomes allemands Schwassmann et Wachmann, est un «centaure». Dans la mythologie grecque, le centaure est une créature mi-homme, mi-cheval. En astronomie, les centaures sont des objets célestes dont la nature n’est pas claire faute de données suffisantes : s’agit-il de véritables comètes (des objets composés de roches et de glace, laissant derrière eux une traînée de gaz et de poussière)? Ou bien d’astéroïdes (des petits corps composés de roches, de métaux et de glace, géologiquement morts)? «29P est un astéroïde qui fait le tour du Soleil et qui d’un coup possède une grande queue comme une comète, puis soudainement redevient très sombre et très petit», résume Matt Dawson.

Ces corps glacés gravitent autour du Soleil entre Jupiter et Neptune. Ils sont généralement de petite taille, le plus grand centaure connu à ce jour (Chariclo) mesurant seulement 250 km de diamètre. «On connaît environ 500 centaures. Certains entrent en éruption tous les 20 ans, mais 29P est la seule à être constamment en éruption», souligne Matt Dawson. La comète 29P Schwassmann-Wachmann semble en effet exploser plusieurs fois par an. En fait, de la vapeur et des poussières qui enveloppent le noyau sont régulièrement libérées par la surface gelée de la comète. «Il faut imaginer une glace qui serait gelée à l’extérieur, mais humide à l’intérieur. La pression à l’intérieur s’accumule, et la glace à l’extérieur craque. Le gaz, la pierre et le monoxyde de carbone gelé s’échappent.»

Des amateurs éclairés

L’équipe luxembourgeoise participe à un projet international de surveillance de cette comète et recherche de signes d’activité grâce un observatoire semi-professionnel installé il y a deux ans en Calabre, dans le sud de l’Italie, où la pollution lumineuse est bien moindre qu’au Luxembourg. Les observations de Matt Dawson et d’Eric Buttini, ainsi que de leurs collègues à travers le monde, sont précieuses pour les astrophysiciens. «On a regardé la comète quasiment toutes les nuits pendant deux ans. Quand on a à ce point les yeux rivés dessus, on peut détecter le moindre changement. Les données récoltées permettent ensuite de déduire beaucoup de choses. Par exemple, la plus petite des variations de luminosité permet de connaître la période de rotation de l’objet. On peut également établir des schémas, tels que le nombre d’explosions par an.»

Ce travail d’observation est effectué par des astronomes amateurs, mais qui ne font en aucun cas preuve d’amateurisme, insiste vivement Matt Dawson, rockeur de profession et astronome passionné depuis ses six ans : «Cela signifie simplement que nous faisons ces observations par passion et non pas pour l’argent. Mais le travail est de qualité professionnelle. Et puis, notre contribution est très intéressante pour la communauté professionnelle, car on regarde très spécifiquement une zone du ciel et un objet particulier. Les plus grands télescopes du monde, comme ceux à Hawaï par exemple, coûtent très cher à faire fonctionner. Ils découvrent parfois des choses, mais à 10 000 dollars de l’heure, ils ne peuvent pas retourner sur une zone pour l’observer plus longuement. Donc ce sont les gens comme nous qui continuent d’effectuer ce travail indispensable.»

Télescope fait maison

Matt Dawson a fabriqué lui-même le télescope qui lui a permis d’observer la comète 29P. «À l’exception du miroir et de la caméra électronique – un ancien modèle qui provient d’un hôpital (les hôpitaux utilisent ce type de caméra pour les scanners, mais ils sont obligés d’avoir les tout derniers modèles) –, chaque partie du télescope provient du centre de recyclage de la Ville de Luxembourg.

Ce télescope est 100 % respectueux de l’environnement!», s’enorgueillit l’astronome amateur. Pour imaginer la puissance de son télescope fait maison, dont le miroir fait quelque 500 mm d’épaisseur, Matt Dawson assure qu’il pourrait voir depuis le Luxembourg la flamme d’une bougie allumée en Espagne.

Photo : matt dawson