Le directeur du département Santé et Spa du Domaine thermal, Carlo Diederich, nous offre un tour d’horizon des cures avant de les découvrir plus en détail à travers cette nouvelle série de l’été.
Il a commencé il y a 35 ans comme kinésithérapeute, il connaît donc le Domaine thermal depuis son ouverture en 1988. Directeur pour les soins et le spa depuis 2011, Carlo Diederich a vu les évolutions successives des cures et de l’offre thérapeutique proposées à Mondorf-les-Bains.
Quel est le bilan de santé de la cure au Domaine thermal? Son déficit de 990 000 euros doit-il être sujet d’inquiétude?
Carlo Diederich : Le département des cures est déficitaire pour 2022 et 2023, car nous n’avons pas encore la prise en compte de l’évolution des charges et des frais. Les tarifs avec la CNS se négocient tous les deux ans et les tarifs pour 2022 et 2023 ont été négociés à l’automne 2021. À cette époque, on ne parlait pas encore de la guerre en Ukraine, il n’y avait pas l’inflation et les indices qui l’accompagnent, sans compter le prix des matières premières qui était nettement moins élevé qu’aujourd’hui, de l’ordre de 20 à 50 %.
Pour cette raison, les deux dernières années, le tarif des cures ne correspondait pas aux frais engagés. Avec pratiquement la même activité qu’avant-covid, le résultat est aujourd’hui fortement déficitaire et non plus à l’équilibre. Nous devons discuter avec la CNS pour voir comment nous pouvons rattraper le déficit de 2022 en renégociant le tarif.
Depuis 2015, toutes nos activités commerciales sont à l’équilibre ou bénéficiaires. Au niveau du département Santé, l’objectif n’est pas forcément de faire du bénéfice, mais au moins de rentrer dans nos frais. Nous assurons une prestation pour les affiliés qui ont un certain coût, et il doit être couvert.
Quel est votre taux de remplissage? Les travaux à hauteur de 135 millions d’euros que le Domaine thermal va engager permettront-ils d’augmenter la capacité d’accueil des curistes?
En 2022, on était à 85 % du taux avant covid et aujourd’hui, on est à 100 % comme avant 2019. L’objectif n’est pas d’augmenter nos capacités, nous sommes déjà à une moyenne de près de 6 000 curistes par an. L’objectif est de compléter le programme de la cure par des activités dans le domaine de la santé, de l’hygiène de vie, de la nutrition, de la prévention du stress ou du burnout, de la sensibilisation à l’activité physique. Nous voulons plus d’espace pour profiter d’une cure de trois semaines, faire cette prévention et dépasser le stade des soins.
Les soins et les techniques évoluent-ils régulièrement pour le département Santé? Faut-il constamment se renouveler?
Il faut toujours être à la pointe et si je compare les cures thermales d’il y a vingt ans avec ce qui se pratique aujourd’hui, je dois dire qu’elles sont devenues beaucoup plus actives. Le patient est invité à faire des exercices. Avant, c’était essentiellement fangos, massages et bains, donc nous avons beaucoup évolué depuis.
Des pathologies se rajoutent toujours comme la dernière en date avec le covid long. Nous sommes spécialisés dans les problèmes liés à la perte du goût et de l’odorat et cette prise en charge est aujourd’hui bénéfique pour d’autres patients souffrant de problèmes ORL (oto-rhino-laryngologiques). C’est un exemple d’évolution de prise en charge. Mais de façon générale, le grand changement vient du patient qui doit participer beaucoup plus activement à sa cure. Avant, seul le thérapeute travaillait et le patient était plutôt passif, c’était le cas quand j’ai commencé ici en tant que kiné, il y a 35 ans.
Quelles sont aujourd’hui les pathologies les plus fréquentes prises en charge?
Les troubles musculo-squelettiques représentent 90 % de notre activité au niveau de la cure. Ici, nous avons un délai d’attente de quatre à cinq mois.
Vous allez avoir un passage difficile avec des gros travaux en perspective qui débuteront en 2024 et qui réduiront votre capacité d’accueil à la cure de 20 %. Est-ce un mal nécessaire?
Il faut se rappeler que l’ouverture du Domaine thermal date de 1988, et il y a eu, bien sûr, des améliorations, des rénovations, mais la structure a 35 ans et certaines mises à jour s’imposent, aussi bien dans la fonctionnalité que dans les standards énergétiques, etc. La piscine thermale sera refaite et agrandie, car c’est elle qui participe en grande partie au succès du Domaine thermal.
La capacité hôtelière est-elle suffisante à Mondorf-les-Bains pour accueillir les curistes où cela pose-t-il un problème?
La cure se pratique en ambulatoire et en stationnaire. Avec une moyenne de 5 900 cures par an, il serait impossible de loger tout le monde dans des hôtels, d’autant que la capacité d’accueil a plutôt tendance à diminuer à Mondorf au fil des ans, avec la récente fermeture du Grand-Chef, juste à côté de mon bureau. Les affiliés à la CNS ne résident jamais très loin, pour la majorité d’entre eux.
Pensez-vous que l’ouverture récente de Nancy Thermal pourrait vous faire du tort?
Je ne crois pas, non. C’est quand-même assez loin et les frontaliers, qui sont très nombreux parmi nos curistes, viennent des régions proches. Nous avons aussi, par ailleurs, 250 curistes affiliés à la sécurité sociale française, qui ont choisi Mondorf comme lieu de cure, plus intime, plus petit qu’à Amnéville, par exemple où 15 000 curistes sont soignés chaque année. C’est, je crois, la cinquième station thermale en France.
Que dire des propriétés de l’eau?
À la base, elle agit sur tout ce que concerne la digestion. On se souvient qu’à l’époque, il existait des cures de boissons. Le médecin prescrivait l’eau thermale à telle heure, à telle quantité et à telle température. L’eau agit surtout sur le fonctionnement du foie et du pancréas et c’était répandu au temps où il n’y avait pas encore de médicament efficace pour soigner ses troubles dont souffraient surtout les personnes qui revenaient des colonies. Pour la petite parenthèse, je bois chaque matin un verre d’eau thermale depuis au moins 25 ans, c’est devenu une habitude. L’eau thermale a aussi des propriétés anti-inflammatoires pour des problèmes d’origine dermatologique.
Allez-vous encore suivre les travaux de rénovation de Domaine thermal avant votre retraite?
Non, malheureusement, mais ce n’était pas prévu comme cela au départ. Les travaux devaient être achevés en 2024 alors qu’ils commenceront seulement à cette date. Je serais encore là pour le lancement des travaux, peut-être, mais je prendrai en tous les cas ma retraite en 2024.
C’est toujours compliqué de partir en cours de chantier. Mon successeur pourra avoir son influence sur les travaux, car c’est avec ce nouvel outil qu’il devra composer par après. Quant à rester jusqu’à la fin des travaux, c’est compter jusqu’à 2029 ou 2030 et cela décalerait mon départ de sept ans par rapport à ce que j’avais prévu.