Le procès d’un des plus importants trafics de drogue de Marseille, dans la cité de la Castellane, s’est achevé mercredi avec la condamnation à 8 ans de prison du chef de ce réseau générant des dizaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires quotidien.
Fin septembre, la procureure Isabelle Candau avait requis neuf ans de prison et 500.000 euros d’amende à l’encontre de Nordine Achouri, 33 ans, qu’elle avait décrit comme le chef d’une entreprise illégale «brassant beaucoup d’argent» et qui avait «entre ses mains le marché de l’or noir», résine et herbe de cannabis.
Mercredi, sur les 28 prévenus, dirigeants, intermédiaires ou petites mains de ce trafic de cannabis, 27 ont été condamnés et une personne, une «nourrice» présumée – personne qui conserve drogue, armes ou argent – a été relaxée. Outre celle concernant Nordine Achouri, les peines prononcées s’échelonnent de 18 mois de prison dont 6 avec sursis à 6 ans de prison, pour le lieutenant d’Achouri.
Des peines allant jusqu’à 7 ans de prison ferme avaient été requises contre les autres membres présumés de ce trafic dit de la Tour K, «nourrices» plus ou moins consentantes, vendeurs ou logisticiens du réseau.
Les points de vente de la drogue au pied des tours des quartiers nord, fréquentés par des milliers d’acheteurs, pouvaient rapporter 50 à 80.000 euros par jour, avait souligné la représentante du parquet, se fondant sur des feuilles de compte retrouvées chez les trafiquants.
Une saisie record de 1,3 million d’euros en liquide avait été réalisée dans la cité lors du coup de filet de juin 2013 qui avait fait tomber le réseau.
«Le tribunal n’a pas fait d’exemple, les sanctions sont classiques pour un trafic de stupéfiants de cette ampleur. C’est tant mieux qu’il n’ait pas cédé à la pression», a commenté après le délibéré Hakim Ikhlef, avocat de deux prévenus, dont le lieutenant de Nordine Achouri condamné à 6 ans d’emprisonnement.
Un train de vie luxueux
«Ce qui me déçoit, c’est qu’il est condamné pour acquisition, cession et transport (de stupéfiants) mais je n’ai toujours pas vu de preuve dans ce dossier», a estimé pour sa part Philippe Vouland, un des avocats de Nordine Achouri: «Il n’a jamais eu de produit, d’argent entre les mains, et son nom ne figurait pas dans les livres de comptes».
A l’énoncé du verdict, Nordine Achouri, qui comparaissait détenu, a réagi mais a été immédiatement rappelé à l’ordre par la présidente Anne Tarelli, qui lui a lancé: «Vous commenterez en dehors de ce prétoire». «Il voulait dire que le jugement était difficilement compréhensible», selon Me Vouland.
«C’est mieux 8 ans que 9 ans, mais ce n’est pas satisfaisant, et la question de l’appel se pose», a encore ajouté l’avocat de Nordine Achouri, qui était en détention provisoire depuis le coup de filet de juin 2013.
Tout au long du procès, la plupart des prévenus sont restés muets, clamant qu’ils n’avaient rien vu de ce qui se trafiquait au pied de la «Tour K» ou refusant de briser la loi du silence par crainte des représailles.
L’accusation s’est appuyé sur des «renseignements anonymes», vivement contestés par les prévenus, mais aussi sur des heures d’écoute de conversations téléphoniques et sur l’étude du train de vie luxueux du «boss» présumé du deal sans activité officielle, Nordine Achouri flambait au casino, câlinait son cheval ou bronzait à Marbella. Volubile, il a nié à l’audience tout lien avec le trafic, affirmant être un «porteur d’affaires», «actionnaire imaginaire d’une société d’expertise-conseil».
La cité de la Castellane avait encore fait parler d’elle en février, lorsque des policiers avaient été pris pour cibles par des tirs de Kalachnikov le jour même d’une visite à Marseille de Manuel Valls.
AFP/M.R.