Accusée de promouvoir la violence armée, le racisme et l’auto-justice, la vedette country Jason Aldean, avec sa chanson Try That In A Small Town, suscite la controverse aux États-Unis et ravive les divisions, toujours à vif.
Quand Jason Aldean diffuse mi-juillet le clip de sa chanson Try That In A Small Town, la polémique est instantanée aux États-Unis : accusé d’apologie de la violence et de sous-entendus racistes, le chanteur place la musique country au cœur d’un nouveau débat illustrant les divisions de la société américaine.
Les paroles de la chanson commencent par plusieurs descriptions d’actes violents. «Frapper en traître quelqu’un sur le trottoir», «insulter un policier, lui cracher au visage» ou «piétiner le drapeau, l’incendier», liste ainsi son auteur.
Le chanteur américain lance ensuite un avertissement : «Tu te prends pour un dur, eh bien, essaie ça dans une petite ville», et de rappeler qu’il possède un pistolet «donné par son grand-père». À sa sortie fin mai, la chanson ne fait pas vraiment de vagues. Mais lorsque le clip est publié deux mois plus tard, la controverse explose.
Dans la vidéo, Jason Aldean apparaît guitare à la main devant un tribunal du Tennessee, site du lynchage d’un adolescent noir par la population en 1927. La ville avait aussi été le théâtre d’une émeute raciale en 1946. Les images sont entrecoupées d’extraits de manifestations brutales et de braquages.
L’Amérique des «bons petits gars»
Pour Jason Aldean, sa chanson fait simplement référence «au sentiment de communauté» dans ces petites villes «où l’on prend soin des nôtres». Comme une madeleine de Proust de son enfance. «Traduction : Jason Aldean veut simplement retourner à une époque de l’Amérique où les « bons petits gars » pouvaient éclater la gueule ou tirer sur les gens qu’ils estimaient ne pas appartenir à leur ville», lui répond sur Twitter Shannon Watts, militante contre les violences par armes à feu aux États-Unis.
Dans un éditorial pour CNN, l’historienne Nicole Hemmer avance que les paroles représentent une «célébration des justiciers auto-proclamés», et une «revendication de qui a le droit de rédiger et de faire appliquer les règles».
Jason Aldean se défend de toute référence raciste ou d’apologie de la violence, lui qui était d’ailleurs sur scène lorsqu’un tireur a abattu 58 personnes et fait des centaines de blessés lors d’un festival à Las Vegas en 2017, l’une des pires tueries de l’histoire des États-Unis. Il considère que l’interprétation des paroles de sa chanson est «allée trop loin».
Blanche, chrétienne et conservatrice
Face aux accusations de sous-entendus racistes, la chaîne spécialisée Country Music Television a retiré le clip des ondes, preuve des divisions au sein même de la planète country. La polémique, au-delà d’une simple chanson, s’inscrit dans un contexte de «guerre culturelle» aux États-Unis, où les questions de société – des droits des personnes LGBT+ aux contenus des manuels d’histoire – sont devenues autant de sujets enflammés. Et la musique country, à laquelle le grand public associe souvent une image conservatrice, est loin d’être à l’abri de ces débats.
Dès les années 1920, certains thèmes s’imposent dans les paroles de ces chansons, notamment «un point de vue chrétien évangélique sur la vie», analyse Jocelyn Neal, professeure à l’université de Caroline du Nord. L’industrie de la country donne également «une forte impulsion» au cours des années 1950 pour «aligner la musique avec une posture plus conservatrice», ajoute Jocelyn Neal. La décision, prise «à des fins de marketing», a fait «converger le genre avec des systèmes de valeurs conformes à celles d’une classe moyenne blanche modérée», glorifiant notamment l’engagement sous les drapeaux.
Un cas précédent : Morgan Wallen
Pour autant, la country «n’est pas un genre monolithique», insiste Jocelyn Neal, qui fait état «d’une diversité accrue» ces dernières années des artistes de ce genre musical, à l’instar de la chanteuse afro-américaine Rissi Palmer ou des phénomènes Orville Peck et Lil Nas X. Jason Aldean, qui dit «ne s’être jamais caché» de ses positions conservatrices, a bénéficié lors des débuts de la polémique du soutien de plusieurs figures à droite, dont celui de Donald Trump.
L’ancien président républicain a qualifié sur son réseau Truth Social le chanteur de «gars fantastique», avec «une super nouvelle chanson», et qu’il fallait le «soutenir à fond».
L’appel semble avoir été entendu : That In A Small Town s’est retrouvée pendant plusieurs jours en tête du classement iTunes des chansons aux États-Unis, et s’est hissée en deuxième place du Billboard. Un succès qui fait écho à un autre, celui de Morgan Wallen, un chanteur country blanc du Tennessee aperçu dans une vidéo en 2021 où il usait d’un vocabulaire insultant pour les Afro-Américains… pour voir dans les mois suivants les ventes de ses disques exploser. «La haine est profonde», avait alors tweeté, au cœur de la polémique, la chanteuse Mickey Guyton, première femme noire à avoir été nommée pour un Grammy dans la catégorie country.