Anthony Moris, quatre mois et demi après une opération des croisés, sera sur le banc, à Logroño. Un miracle qui pourrait bien donner le ton à sa carrière internationale naissante.
Le garçon a pour lui une franchise qui tranche avec le milieu aseptisé du monde du foot, dès qu’il est qualifié de professionnel. Oui, s’il a forcé comme un fou pour revenir en un temps record, Anthony Moris le doit surtout à la perspective d’être revenu à temps pour ne pas rater l’Espagne. Pas de «je l’ai fait pour moi», de «je le dois à mon club» (même si c’est le cas) et gnagnagna… Moris assume : l’excitation de voir, en tant que joueur, (et pas que spectateur) un match comme ça, a refait de lui un enfant.
Et paradoxalement, cela a fait de lui un homme. «Avant, j’étais un fainéant, dit-il sans tergiverser. Quand je vois ce que fait un footballeur belge à l’entraînement, ça me rend fou. On n’exploite même pas 50% de nos capacités physiques. Pour ma rééducation, j’ai souffert comme je n’ai jamais souffert de ma vie. Les ressources mentales et physiques que cela exige pour revenir aussi vite, c’est inimaginable.»
Moris est revenu en quatre mois et demi, donc. Mais pas exactement. En fait, il jure qu’il aurait pu reprendre le foot «après deux mois seulement», mais consent aussi n’être aujourd’hui «qu’à 80%» et que jouer contre l’Espagne ne serait pas raisonnable : «C’est trop tôt. Si mon club, c’est-à-dire les gens qui me paient, m’ont laissé venir, c’est en ayant conscience que je suis raisonnable et que je ne vais pas faire n’importe quoi.»
Pourtant, c’est ce qu’il a fait depuis la date de son opération. Ses employeurs ont voulu lui donner les jours de congé auxquels il a droit, il les a tous refusés. Anthony Moris, à qui il est arrivé durant sa convalescence de se relever en pleine nuit pour faire des exercices, s’est donc parfois retrouvé avec la clef des installations du club pour aller bosser tout seul. «J’avais quand même perdu dix kilos, après l’opération.»
«Je suis quelqu’un d’autre»
Il ne parle pas de chance à propos de sa rupture des croisés. Mais consent que ce à quoi cela l’a exposé, lui a fait un bien fou : «Je suis quelqu’un d’autre.» Quelqu’un d’autre peut-être, mais toujours aussi chanceux.
L’histoire du Moris international fait rêver : première sélection en Belgique alors que Joubert n’avait plus raté une seule rencontre depuis des années, enchaînement avec l’Italie où il croise son idole, Buffon. Puis, plus rien jusqu’à ce retour, juste à temps, pour Logroño, où il lui faudrait un autre miracle pour jouer, mais là, cela commencerait à faire beaucoup. «Même être sur le banc, contre l’Espagne, c’est merveilleux. Après une telle blessure, on apprécie les choses simples.» Être remplaçant, contre la Roja, c’est donc «simple».
Peut-être l’entend-il au sens où, ce qui l’attend pour reconquérir un statut à Malines, sera autrement plus compliqué. Là-dessus, il est plus discret, mais son sourire en dit long : Moris a peut-être tangué légèrement du genou durant tout l’été, mais il est inébranlable ! «Pour Malines, je suis confiant. Très confiant même.»
Il faut dire qu’il est devenu proche des décideurs, qui apprécient son investissement. Un lien d’amitié avec le coach des gardiens, Philippe Vande Walle, avec qui il fait les trajets depuis Liège, un autre avec l’actuel numéro 1, Jean-François Gillet, sorte de grand-frère qui est là pour jouer en attendant l’Euro auquel il veut participer. Alors que, dans l’entourage du club, il se murmure que Colin Coosemans, arrivé cet été de Beveren pour faire le n°1, devrait vite repartir, Moris se voit bien sur le banc avant cet hiver. L’horizon se dégage pour l’homme nouveau. Et de là-haut, il voit bien plus loin que Logroño !
Julien Mollereau