Manga phénomène, Slam Dunk débarque pour la première fois au cinéma. À la réalisation, son auteur, Takehiko Inoue, qui prend ses distances par rapport à l’œuvre originale. Au bout, un bijou de réalisme et de poésie.
C’est l’histoire d’un phénomène. En six ans (1990-1996), Slam Dunk est devenu la référence ultime du manga de basketball, pour ne pas dire la référence du manga de sport! Parfait mélange d’action, d’humour, de romance et de rivalités, sans être jamais lourde, la série s’est vendue à quelque 157 millions d’exemplaires (120 pour le seul Japon). Après 31 tomes parus dans le magazine Weekly Shonen Jump (qui, comme son nom l’indique, est spécialisé dans le manga pour garçons), Takehiko Inoue, son auteur, alors en pleine gloire, met fin à l’histoire.
Elle ne s’arrêtera pas là : son œuvre est alors traduite dans le monde entier (en France, notamment, où on la retrouve chez Kana), accouche de quatre films d’animation (pour la télévision) et d’une série (101 épisodes) dans les années 1990, et incite de nombreux jeunes garçons et filles à jouer à la balle orange. Au point que le mangaka a reçu les honneurs de la Fédération nationale de basket (JBA) pour avoir contribué au développement de la discipline dans son pays. Autant dire que l’arrivée du premier film sur grand écran était attendue. Résultat : sorti fin 2022, il a donné des sueurs froides à Avatar 2 au box-office nippon et est toujours à l’affiche.
Il y a un quart de siècle, Slam Dunk était bien calé sur les codes du «shonen», avec une histoire principale qui se passe en dehors des parquets. Soit celle de Hanamichi Sakuragi, grand rouquin, voyou, rebelle à ses heures et dont la principale caractéristique est d’être malheureux en amour. En face, la jolie Haruko, très grande fan de basket… dont Hanamichi tombe éperdument amoureux!
Cet anti-héros se jette alors à corps perdu dans un sport dont il ne connaît absolument rien… Face au succès de cette romance, où l’humour se mêle à la transpiration, Takehiko Inoue aurait pu la jouer facile, garder la trame de base et laisser quelqu’un d’autre en charge de la réalisation. Il n’en est rien.
«L’idée de rester fidèle à l’original pour le reproduire comme tel ne m’intéressait pas vraiment», précise-t-il dans le dossier de presse. D’une part, l’homme était passé à autre chose (on lui doit notamment la série Vagabond, toujours en cours) et de l’autre, ses expériences dans l’illustration ou les musées l’ont convaincu d’une chose : que le manga mène à tout! Il y a six ans, il décide donc de se remonter les manches et d’assumer la double casquette, inédite pour lui, de scénariste-réalisateur. Son idée? Dévier de Slam Dunk et aborder l’histoire à travers une «autre perspective».
«C’est une œuvre à part», ayant «une vie nouvelle», dit-il avant d’assener, catégorique : «Un manga est un manga et un film est un film!». The First Slam Dunk, comme pour un shoot au buzzer, fait un pas de côté et s’intéresse à un personnage pour le coup peu approfondi dans le manga : Ryota Miyagi.
Avant de devenir le meneur de jeu du club du lycée Shohoku, ce dernier est passé par une terrible épreuve : son frère et idole, belle promesse du basket, disparaît en mer. Un décès qui va marquer ce choix de poursuivre le rêve de grandeur qu’ils partageaient.
Perte, douleur, mais aussi courage et résilience s’imposent donc dans ce film plus sombre, mélancolique et poétique que l’œuvre originale, épurée également des (trop) longs monologues et gags faciles. Mais que les fans se rassurent : Rukawa et son bandeau noir sur le bras gauche (coucou Jordan!), Sakuragi et ses cheveux rouges (coucou Rodman!), Akagi et Mitsui sont bien là, bien décidés à prouver qu’ils sont meilleurs que les champions en titre, les joueurs du lycée Sannoh Kogyo. La caméra les suit d’ailleurs au plus près, fluide, dans des matches sous tension menés tambour battant. Le réalisme est ébouriffant, car le plus important, ici, était «d’exprimer l’esprit du basket», soutient Takehiko Inoue.
Un sens du détail inspiré par sa propre expérience sur les parquets, cette façon «de poser les pieds, la réaction du corps lors de la réception du ballon, le timing de déclenchement des tirs…».
D’ailleurs, toute l’équipe de production de The First Slam Dunk s’est entraînée sous les paniers, histoire de saisir «toutes les nuances» de ce sport. «J’espère qu’ils l’aiment toujours et qu’ils ne finiront pas par dire : « J’en ai marre du basketball » à cause de ce travail qui était tellement pénible (il rit).» Rappelons qu’à la fin de l’été, le Mondial de basket se déroulera au Japon. Et Takehiko Inoue y est sûrement pour quelque chose.
The First Slam Dunk,
de Takehiko Inoue.
Un manga est un manga et un film est un film!