Damon Albarn a remis son groupe Blur sur les routes des festivals cet été, avant un nouvel album attendu dès vendredi. Confidences entre deux concerts.
Damon Albarn a remis son groupe Blur sur les routes, histoire d’ouvrir la voie à un nouvel album prévu vendredi. Ce fleuron de la Britpop des années 1990 a notamment livré un show marquant au festival Primavera à Madrid début juin, puis au stade de Wembley à Londres il y a quelques jours, pour un week-end frénétique. Une enceinte fréquentée par l’équipe anglaise de football et les stars de la chanson où Blur n’a jamais fait sonner ses guitares, même à son pic de gloire avec le tube Girls & Boys (1994).
«Ça m’aurait terrifié à l’époque au-delà du raisonnable, avec des crises de panique et tout», confesse Damon Albarn, cerveau et chanteur de la formation. Mais quand l’angoisse pointe, le quinquagénaire se réfugie désormais dans le yoga. «Si j’arrive à en faire à peu près tous les jours, je suis calme», poursuit l’Anglais. Une pratique saine, à des années-lumière des excès du rock qui l’avalèrent dans ses jeunes années. «C’était l’héroïne, je me suis cogné ça il y a 100 ans, et maintenant, c’est le yoga!»
Une complicité vieille de 40 ans
Et ce qui le fait halluciner aujourd’hui, c’est l’âge des spectateurs qui viennent voir Blur. «C’est comme voyager dans le temps : le public est jeune à nouveau ! C’est bizarre, au point d’oublier parfois qui vous êtes.» C’était le cas dans la nuit de vendredi à samedi aux Vieilles Charrues, festival français majeur, où Blur s’est montré à la hauteur des attentes. Un show bluffant, porté par le quatuor originel (tous quinquagénaires) et ses deux figures de proue : Damon Albarn, 55 ans, cerveau et chanteur, et Graham Coxon, 54 ans, guitariste surdoué.
C’est comme voyager dans le temps : le public est jeune à nouveau!
Sur scène, leur complicité n’est clairement pas factice comme pour d’autres de groupes aux réformations lucratives. La paire s’apprécie toujours depuis leur première rencontre, quand ils avaient respectivement treize et douze ans. Et quand le hit Girls & Boys arrive après une heure, le chanteur, collé contre le public en bas de la scène, se saisit de lunettes à la Elton John et d’un chapeau zébré tendus par la foule. «Il y a des gens très jeunes ici, vous devez vous demander « mais putain, c’est qui eux ? » Vous demanderez à vos parents!», s’amuse-t-il en anglais.
Un nouvel album annoncé par surprise
Une renaissance qui est passée également par les studios, puisque Blur s’offre une nouvelle jeunesse avec un nouveau disque, The Ballad of Darren. C’est le neuvième album studio et seulement le second de ces vingt dernières années. La formation ne s’est jamais séparée, mais son histoire s’écrit en points de suspension depuis 2003. Cette annonce a surpris tout le monde, même les autres membres de Blur. «Je n’avais dit à personne que je l’écrivais.» L’album est né l’an dernier en pleine tournée américaine avec Gorillaz, l’autre groupe de Damon Albarn.
«Je suis rentré en janvier et j’ai dit aux autres de Blur : « Venez en studio, j’ai quelque chose à vous jouer. »» Il leur a alors présenté vingt titres et leur a demandé de choisir leurs favoris. Il en reste dix. The Ballad of Darren semble jouer sur la corde sensible de Blur, entre ombre et lumière, façon Coffee & TV (1999) et non sur le registre épidermique de Song 2 (1997). Il ne faut d’ailleurs pas se fier aux singles déjà sortis, St. Charles Square et The Narcissist, pas forcément représentatifs de l’album à venir.
À l’aise «avec la mélancolie»
«Je suis une personne profondément plus triste dans ma cinquantaine», lâche le musicien, dans un grand sourire. «Ça va, quand je me penche sur ma tristesse, ce n’est pas si loin que ça du bonheur. Je suis à l’aise avec la mélancolie.» Ce retour s’accompagne de louanges au Royaume-Uni, alors qu’avec Gorillaz, la reconnaissance est davantage internationale. «Ça fait du bien, les gens réalisent soudainement que j’existe encore, mais ça fait un moment que l’Angleterre n’est plus un endroit où je me sens bien accueilli», dit-il.
Damon Albarn, ouvert sur le monde (il a multiplié les projets musicaux en Afrique) n’a jamais caché son opposition au Brexit. L’artiste s’est acheté une maison en Islande (d’où il a tiré son inspiration en 2021 pour son magnifique album solo The Nearer The Fountain, More Pure the Stream Flows) et a trouvé en France une terre d’accueil pour des œuvres inattendues. Comme l’opéra Le Vol du Boli, créé à Paris. Un nouvel opéra est dans les tuyaux pour l’an prochain, toujours dans la capitale française.
Dès ses premières visites aux débuts de Blur, avant la célébrité, la Ville lumière a toujours été associée à des bons souvenirs. Pas seulement pour des temples de fêtes improbables comme le club des Bains Douches, haut lieu des nuits parisiennes des années 1980-90. Il y a eu aussi ce restaurant atypique à Montmartre… «Imagine, tu es un gars anglais de 21 ans et on te sert du vin rouge dans un biberon, tout en mangeant du fromage fondu. On est devenus fous!»