Ramiro est accusé de trois tentatives de meurtre. Visant une personne, il en aurait blessé une autre. C’est le point de départ d’une enquête à tâtons dans le monde de la nuit.
Que s’est-il réellement passé le 22 août 2021 vers 3 h 30 à la fermeture du Lenox Club dans la rue du Fort-Neipperg à Luxembourg? Un jeune homme fait feu sur un groupe de personnes avant de prendre la fuite. Un autre est blessé par balle. Pour les enquêteurs de la police judiciaire commence un véritable jeu de piste. S’ils parviennent à identifier le tireur et à le mettre derrière les barreaux, l’intention de ce dernier n’est pas claire. Les policiers ont joué de malchance entre des témoins peu coopératifs et un système de vidéosurveillance pourtant performant en panne depuis le tournage d’une série au night club.
«Quand les témoignages dans ce dossier ne sont pas des mensonges, ils sont incomplets», commente la présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, qui estime «qu’ils mentent tous», même le prévenu. «Lui, c’est du genre : faites votre enquête et je vous dirai si ce que vous avez trouvé correspond à la réalité.» Les policiers doivent séparer le bon grain de l’ivraie pour reconstituer le puzzle de ce qui a pris des allures de règlement de comptes.
Une arme «pour se défendre».
Ramiro est accusé de trois tentatives de meurtre. Cet homme de 29 ans aurait visé une personne inconnue ainsi qu’un agent de sécurité et touché un jeune homme qui se trouvait là. La balle a traversé sa cuisse gauche à quelques centimètres des vaisseaux sanguins et des nerfs. La blessure n’était pas mortelle. Le prévenu assure pourtant avoir tiré au sol pour se défendre.
Le soir des faits, Ramiro aurait, de son propre aveux, consommé de l’alcool et du MDMA, une amphétamine, lors d’une soirée éphémère à Esch-sur-Alzette, avant de poursuivre la fête au Lenox Club où il aurait bousculé un jeune homme par mégarde. Un geste qui a, selon le prévenu, mis le feu aux poudres. Le jeune homme – décrit plus tard comme un Parisien – et son ami auraient dégainé des couteaux.
Ramiro aurait été sorti des lieux par le personnel de sécurité avant d’y retourner en fin de soirée. Il y aurait été accueilli par le jeune homme armé d’un couteau. Un autre lui aurait glissé une arme «pour se défendre». Après en avoir fait usage, il aurait pris la fuite et accosté un automobiliste inconnu pour qu’il le conduise à Esch-sur-Alzette. De là, il se serait rendu à Audun-le-Tiche chez une amie, où il s’est fait oublier pendant trois mois. Ramiro est arrêté en boîte de nuit le 7 novembre 2021 à la suite d’un contrôle de police.
Pistes brouillées
Cette version des faits est infirmée par certains témoignages. L’enquêteur rapporte que la sœur du prévenu a indiqué qu’il lui aurait avoué avoir tiré sur un innocent au lieu de la personne qu’il visait. Personne qui pourrait être le jeune homme au couteau : un Parisien qui n’a pas apprécié que Ramiro drague sa copine plus tôt dans la soirée, selon un ami qui se serait trouvé dans la voiture avec le prévenu entre les deux faits. En route pour Esch-sur-Alzette, Ramiro aurait, toujours selon le témoin, insisté pour retourner au club après avoir reçu un coup de téléphone, rapporte le policier. Le même témoin a dit avoir vu le prévenu bondir hors de la voiture, mettre en joue le Parisien et rater son coup.
Un videur qui se trouvait entre le tireur et le groupe de fêtards, confirme. Ramiro n’a pas tiré au sol. «Son pistolet a explosé en fumée et en étincelles», raconte le videur. «Je me suis avancé vers lui. Il m’a mis en joue, mais son arme s’est enrayée et il est parti en courant. Ses amis m’ont retenu en disant que ce n’était pas mon affaire.» L’homme, qui dit avoir frôlé la mort, s’est porté partie civile et demande 10 millions d’euros pour dommage moral.
Si pour ce témoin tout paraît clair, des zones d’ombre subsistent. Ramiro a livré plusieurs versions différentes des faits au juge d’instruction. Une douille et une balle ont été retrouvées sur place, mais elles ont pu être déplacées pendant le mouvement de foule qui a suivi le tir, et leurs positions ne sont dès lors plus exploitables. L’arme utilisée n’a pas été retrouvée. Le prévenu a assuré l’avoir balancée dans un ruisseau quelque part entre Esch-sur-Alzette et Audun-le-Tiche.
La défense du jeune homme, assurée par Me Geoffrey Paris, s’est engouffrée dans la brèche. Son client aurait eu peur du jeune homme qui l’aurait attendu avec un couteau. Il souffrirait encore actuellement des séquelles d’une attaque au couteau dont il aurait été victime par le passé. Ramiro aura l’occasion de s’expliquer sur les faits cet après-midi. De même que sa victime présumée.