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Maale Gars donne de la voix


Maale Gars : «C’est important de ne se fixer aucune limite.» (Photo : Shade Cumini)

Le Luxembourgeois Maale Gars le dit haut et fort : non, il n’est pas seulement rappeur. Il chante aussi! Démonstration faite sur son second disque, Guer Näischt, qu’il défendra au festival Usina de Dudelange samedi. Entretien.

Thomas Roland, alias Maale Gars, est dans l’air du temps. Depuis trois ans, le garçon enchaîne les singles en luxembourgeois – qui connaissent une belle vie notamment sur Spotify – et truste les scènes nationales. Une croissance qui s’observe à l’écoute de son nouvel album, Guer Näischt (hébergé chez Two Steps Twice), sorti en mars dernier et bien plus solide que son prédécesseur (Du Weess, 2021).

Sur des mélodies porteuses et dans un mélange de pop, de hip-hop et d’électronique, il distille sa mélancolie à travers un chant «vocodé», loin du rap des débuts qu’on lui connaissait. Mais Maale Gars, 27 ans, n’est pas de ceux que l’on enferme dans un style et dans une humeur. Confidences avant un concert au festival Usina, ce week-end à Dudelange.

On parle de votre musique comme de la « pop urbaine« . Ça veut dire quoi, au fait?

Maale Gars : (Il rit) C’est difficile de donner un nom précis à ce que je fais. Parfois, je m’oriente plus facilement vers la pop, et d’autres fois, le hip-hop, voir le rock (NDLR : il était le chanteur du groupe « indie«  Epicure). J’aime mélanger tout cela. Finalement, au bout, ça donne quelque chose sans spécificité, que l’on ne peut pas vraiment définir. Cette appellation de « pop urbaine« , c’est pour les gens qui me demandent à quoi ressemble ma musique! C’est plus simple. Mais selon moi, je n’ai pas vraiment de style.

À vos débuts, pourtant, vous étiez catalogué rappeur, à juste titre. Est-ce que cela vous énervait?

Non, parce que c’était vrai! Je voulais être rappeur, et mes premiers morceaux en témoignent. Seulement, avec le temps, j’ai remarqué que je préférais le chant, composer des chansons avec des mélodies… Ça me donne plus de liberté! Sur mon dernier disque, Guer Näischt, cela s’entend bien. Je voulais sortir de cette image de rappeur, qu’au final je n’aime pas trop.

Pourquoi?

Simplement parce que je ne trouve pas que j’ai un réel talent pour le rap! J’aime ce style, j’aime en écouter ou en faire, mais le plaisir de faire du chant est à un autre niveau, bien supérieur.

Cette orientation est-elle venue naturellement?

Au départ, je n’étais pas à l’aise. Je n’ai pas une voix extraordinaire et c’est pourquoi je travaille avec des effets. Et le chant réclame de nombreux aspects techniques, comme bien gérer la respiration, la force de sa voix… Pour tout ça, non, ça n’a pas été quelque chose de naturel. Mais c’est mon choix! Après, si on compare avec le rap, c’est la même histoire : si la voix ne colle pas ou que l’on n’est pas dans le rythme, on sera toujours un piètre rappeur.

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Je chante sur ce que je ressens, et je n’ai pas peur de le partager

Est-ce aussi pour cette raison que les photos accompagnant votre nouveau disque vous montrent… en crooner?

Disons que mon but n’était pas de changer radicalement d’image, mais cela dit, je ne m’interdis rien. C’est important de ne se fixer aucune limite. Si j’ai envie, comme là, de faire une vidéo habillé tout en blanc, comme un chanteur un peu « vintage«  (NDLR : celui de Fonken), alors oui, je le fais, même si sur le précédent, je pose comme un rappeur. Ce ne sera qu’une image supplémentaire parmi celles que je collectionne déjà (il rit). Mais il faut le dire, tout ça n’est qu’un déguisement pour le show. Dans la vie de tous les jours, et dans mes textes, je suis quelqu’un d’authentique.

En quoi Guer Näischt se distingue de votre premier album, Du Weess (2021), en dehors du chant?

D’abord pour la musique, dont la qualité a augmenté entre les deux disques. Là, j’ai travaillé avec plein de gens différents, dont Charles Stoltz. C’était la première fois que j’allais en studio avec mes musiciens pour enregistrer la batterie et la guitare. Le résultat s’en ressent! Aussi, on a pu tenter des choses nouvelles, comme pour le titre Looss Mech Net Hänken, plus agressif, sévère. Bref, j’ai fait plus de chansons, de bien meilleure qualité, et la plupart du temps sans invité dessus. J’avais envie de jouer à un autre niveau, de m’affirmer.

Sur ce disque, il y a aussi des morceaux plus personnels, non?

Oui, comme Rilatine 40mg, Berlin ou Alles Nei. Ces deux dernières, je les ai écrites lors d’une soirée puis enregistrées deux jours après afin de garder mes sentiments intacts.

On sent d’ailleurs que ce disque a quelque chose de sentimental, à fleur de peau. Êtes-vous quelqu’un de sensible?

(Il rit) Je ne suis pas quelqu’un de trop émotionnel non plus, mais je ne bride pas mes émotions. C’est important de les laisser s’exprimer pour mieux les analyser, selon moi. Je chante sur ce que je ressens, et je n’ai pas peur de le partager. C’est un geste honnête.

Y a-t-il un fil rouge aux histoires que vous racontez? 

Chronologiquement, non. Les chansons, mises bout à bout, ne font pas forcément sens. Mais il y a quand même quelque chose qui revient dans mes textes : ce moment, pas nécessairement traumatique, qui marque en profondeur, qui laisse une trace, qui peut faire mal. Je parle, par exemple, de dépression, de tristesse, de séparation… Des choses à travers lesquelles le public peut se reconnaître, et s’y rattacher.

C’est un album triste, mais qui n’en a pas forcément l’air!

Ce n’est pas très gai, tout ça…

Oui, on peut même dire que c’est un album avec des idées tristes, mais qui n’en a pas forcément l’air. Prenons, pour expliquer, Alles Nei : ça parle de mon ex-copine, de notre rupture, mais aussi de savoir si elle se porte bien (il commence à fredonner la chanson). Quand je l’écoute, je la trouve enjouée, légère, parfaite pour l’été. D’accord, il y a de la mélancolie, mais aussi beaucoup d’optimisme derrière.

Depuis 2020, vous enchaînez les singles. Est-ce facile, pour vous, de composer?

Parfois, ça vient tout seul, et devant l’ordinateur, les mélodies et les idées s’enchaînent. C’est facile… Mais il y a des jours et des semaines où rien ne fonctionne : on n’a pas l’oreille, ni l’envie, ni l’inspiration. Tous les musiciens traversent cela. Du coup, je fais autre chose, je patiente, et ça revient automatiquement. Sans oublier que je peux m’appuyer sur ceux qui m’entourent. En cas de panne, ils peuvent toujours prendre le relais!

Toutes vos chansons sont en luxembourgeois. Est-ce une langue à défendre? 

Déjà, on peut faire passer des émotions à des gens qui ne parlent pas le luxembourgeois, et ça, c’est génial. Après, c’est ma langue maternelle et je suis à l’aise avec. C’est, encore une fois, une question d’authenticité. Bon, je ne suis pas un grand patriote, mais oui, c’est une langue rare qu’il convient en effet de défendre. C’est bien, je trouve, de l’assumer en chanson et qui sait, avec d’autres, de donner peut-être envie à des gens de la découvrir, de l’apprendre.

Parallèlement, n’est-ce pas un frein quand on veut s’émanciper et se montrer à l’étranger?

Absolument. C’est une limite évidente au niveau de l’audience, du rayonnement artistique. Mais franchement, être connu, se faire un nom au-delà des frontières, ça n’a jamais été une ambition. Si je peux déjà aider la scène luxembourgeoise à grandir et à s’exprimer, ça me suffit!

De Wiltz à Luxembourg en passant par Dudelange, demain, vous jouez beaucoup. C’est quoi, la scène, pour vous? 

C’est un endroit plein de sensations. En face de vous, vous avez des gens qui crient, qui chantent, qui remuent. C’est physique comme expérience! Le live, c’est impressionnant : même devant 300 personnes, les émotions sont fortes. Il faut le vivre une fois dans sa vie… D’ailleurs, j’aurais plus de facilité à arrêter d’écrire de la musique que de jouer un concert. Cette joie me manquerait trop.

Preuve supplémentaire que votre pseudonyme (NDLR : Maale Gars peut être traduit par « mec triste« ) ne vous correspond pas si bien que ça…

(Il rit) C’est vrai, je peux être vite mélancolique, mais le reste du temps, je suis quelqu’un de joyeux, de chaleureux. Ce surnom m’a été donné à une période où ça n’allait pas très bien dans ma vie. Mais je l’ai gardé quand même parce qu’entre copains, on trouvait ça drôle. En effet, si les gens ne m’aimaient pas, je pouvais toujours dire : « C’est normal, je m’appelle Maale Gars. Je ne suis pas là pour plaire! ». Vu comme ça, c’est presque un business plan!

Guer Näischt, de Maale Gars.

Il sera en concert demain au festival Usina (Dudelange).
www.usina.lu