Des postes vacants à la pelle mais trop souvent non pourvus. Ce skills gap, c’est la bête noire de l’administration que l’on retrouve sur tous les ponts.
Les chiffres sont plutôt bons, ils atteignent même des records, comme les 46 926 postes vacants déclarés à l’Adem en 2022. Pourtant, le ministre du Travail et de l’Emploi, Georges Engel (LSAP), fait part de ses «sentiments mitigés». Avec un taux de chômage de 4,9 %, au plus bas depuis 15 ans, il devrait se réjouir, mais c’est l’avenir qui le taraude avec la guerre en Ukraine qui s’enlise et ses conséquences humaines, politiques et économiques.
L’Adem, à peine remise de la crise sanitaire, a été une nouvelle fois sollicitée pour gérer l’afflux de réfugiés ukrainiens qui bénéficient d’un statut de protection temporaire leur donnant un accès direct au marché du travail. «Près de 1 500 dossiers ont été traités, c’est énorme», observe le ministre en adressant à plusieurs reprises ses remerciements aux agents de l’administration et particulièrement à ceux de la cellule spécialisée dans l’accueil des demandeurs d’emploi disposant du statut de BPT, créée au printemps 2022.
«La majorité, 68 %, de ces demandeurs d’emploi étaient des femmes», relève la directrice de l’Adem, Isabelle Schlesser. Les trois quarts d’entre eux avaient entre 30 et 64 ans et étaient des personnes qualifiées, avec un niveau d’études supérieures pour la grande majorité d’entre elles (72 %). Parmi ces 1 481 dossiers, 646 étaient encore actifs au 31 décembre 2022, dont 64 % sont demandeurs d’emploi disponibles, 24 % sont en mesure pour l’emploi et 12 % en intérim.
Une étude coordonnée par le Retel (Réseau d’études sur le travail et l’emploi au Luxembourg) a étudié de près le phénomène du chômage de longue durée, pour tenter de mieux cerner le phénomène.
Si la tendance est à la baisse depuis 2021, les demandeurs d’emploi inscrits à l’Adem depuis 12 mois et plus représentaient, en septembre 2022, encore 46 % du nombre de demandeurs d’emploi résidents disponibles.
Depuis avril 2022, le nombre de chômeurs de longue durée diminue toutefois plus rapidement que celui de l’ensemble des demandeurs d’emploi. Une explication : ils bénéficieraient à leur tour de la situation plus favorable sur le marché de l’emploi et aussi de fortes pénuries de main-d’œuvre dans tous les secteurs.
Le grand problème que rencontre l’Adem n’est pas nouveau, mais il persiste. Le nombre record de postes vacants pointe les importantes pénuries de main-d’œuvre qualifiée, tout en illustrant la bonne reprise économique, et les relations de confiance qui se sont établies entre l’Adem et les entreprises. «N’en demeure pas moins qu’un nombre important de ces postes ne sont pas pourvus, faute de personnel qualifié dans les branches recherchées, comme les IT, l’informatique, mais aussi la comptabilité et la gestion, sans oublier le secteur de la construction», rappelle Isabelle Schlesser.
Cet écart entre les compétences disponibles sur le marché du travail et celles recherchées par les employeurs (skills gap) a conduit l’Adem à «anticiper les évolutions, améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi et faciliter les recrutements», selon Isabelle Schlesser. Le service statistiques a été renforcé pour garantir une bonne gouvernance des données et les rendre facilement accessibles. Cet effort entre dans le cadre de la «Stratégie Adem 2025» qui met le paquet pour offrir «des services pertinents à ses clients, qu’ils soient demandeurs d’emploi, employeurs ou salariés en quête d’une réorientation professionnelle», ajoute le ministre.
L’Adem se soucie aussi de former les demandeurs d’emploi en développant ses collaborations avec les acteurs de la formation et les employeurs pour coller aux besoins du marché de l’emploi.
Douloureux reclassements
Autre observation dans ce bilan : en juin 2022, il y avait autant d’offres d’emploi que de demandeurs, les deux courbes se sont rejointes de façon inédite. «Mais depuis, les demandes sont en augmentation alors que les offres diminuent», souligne la directrice. En décembre 2022, le nombre de postes déclarés à l’Adem a marqué une nette baisse par rapport à décembre 2021 (-17,8 %), même si le stock de postes vacants à la fin de l’année reste positif, avec une progression sur un an de 6,9 %. Le nombre de demandeurs d’emploi est à la hausse, sauf dans la catégorie des personnes dont la durée d’inscription est supérieure à 12 mois (lire ci-dessous).
Si le ministre Georges Engel ne parvient pas à se satisfaire entièrement du bilan, c’est aussi parce que la hausse des nouvelles inscriptions auprès de l’Adem concerne majoritairement des personnes de plus de 45 ans. L’âge et les statuts de salarié handicapé ou reclassé sont les principaux freins au retour à l’emploi.
L’Adem continue d’étoffer son offre de démarches en ligne, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. En 2022, près d’un demandeur d’emploi sur cinq a procédé à son inscription via la plateforme digitale de MyGuichet.lu, et un tiers des postes vacants déclarés l’a été de façon digitale (via MyGuichet ou par transfert automatique).
La nouvelle possibilité d’introduire en ligne la demande d’aide à la formation professionnelle remporte un franc succès puisque quelques mois après son lancement, elle concerne 80 % de l’ensemble des demandes. Cependant, l’Adem continue de proposer des alternatives en présentiel et par courrier.
Pour éviter que les actifs ne se retrouvent au chômage, un nouveau «service salariés» a été créé dont la mission est de sécuriser les parcours professionnels des salariés actifs, pour agir de manière préventive contre le chômage. Il sera ainsi en charge du futur plan d’aide à la formation continue, le «Skills Plang».
Il devra également gérer l’activité de l’assistance à l’inclusion, dispositif dédié au maintien dans l’emploi des salariés handicapés et des salariés en reclassement externe sur le marché du travail ordinaire.
À l’Adem, plus d’un agent sur cinq dispose du statut de salarié handicapé ou reclassé.
L’activité chiffrée
49 % des offres d’emploi déclarées à l’Adem sont publiques, accessibles aux personnes inscrites ou non à l’Adem. 265 411 appels ont été traités par le Contact Center. 14 240 salariés distincts issus de 1 254 entreprises distinctes ont bénéficié du chômage partiel. Le nombre total des paiements effectués par l’Adem avoisine les 200 000. 98 % des demandes de chômage complet sont traitées en moins de 4 semaines. 46 926 postes vacants ont été déclarés à l’Adem sur l’année, un record absolu. 2 193 contrats d’apprentissage (initial, adulte et transfrontalier) ont été conclus. 3 434 demandeurs d’emploi distincts ont participé à une formation. Plus de 20 000 followers suivent les actualités de l’Adem sur LinkedIn.