Des tableaux inestimables souillés par de la purée ou de la soupe. Ces derniers mois, des militants écologistes multiplient ce type d’actions choc à travers les musées d’Europe. Et ça fait réagir, puisqu’on en parle. C’est peut-être déjà là une performance en soi. Des tableaux inestimables, surtout, parce qu’ils ont valeur de témoignage, qu’importent les millions d’euros que l’on attribue à quelques pigments sur un tissu de lin et une signature prestigieuse en bas à droite. L’histoire de l’art nous apprend souvent bien davantage de notre époque que la grande Histoire tout court.
Le message des activistes est parfaitement clair : les États s’emploient par tous les moyens à protéger les œuvres, mais en mobilisent très peu, de moyens, pour concrètement préserver la planète. Entièrement d’accord. Là n’est évidemment pas la question.
C’est la manière de procéder qui interroge. Le coup d’éclat peut ternir le propos dans le fait de s’attaquer aux musées, des lieux parmi les plus démocratiques qui soient. Accessibles à tous, indépendamment des classes sociales de leurs visiteurs. Les moins favorisés bénéficient de tarifs réduits, voire de la gratuité pour les plus précaires. Voici un point positif à mettre au crédit de ce monde inégalitaire. Les expositions se veulent inclusives et les installations toujours plus interactives. Toutes les générations s’y côtoient et s’y rencontrent. Et nul besoin de se vanter d’une infinie culture ni de hautes études pour apprécier une peinture. Chacun est libre d’y projeter son ressenti et son vécu, quand bien même l’artiste avait imaginé tout autre chose dans l’intimité de son atelier.
On s’enflammera de tout son être devant la modeste création d’un illustre inconnu. On restera de marbre face à la toile d’un maître encensé par la critique. On jugera celle-là sublime, celle-ci indécente. Elle rassemblera ou dérangera. C’est toute la force et la beauté du geste plastique. Quiconque est capable d’en livrer une interprétation et personne ne détient la vérité. Quelle vérité, du reste ? Il y a du spirituel dans l’art, qui ne nous soumet à aucune injonction. Qui ne nous dicte aucune loi. Qui nous invite seulement à garder les yeux et l’esprit ouverts.
Alexandra Parachini