Ismaël Bouzid, l’entraîneur de Schifflange, va s’appuyer sur une carrière riche comme tout pour essayer d’aller chercher le titre de champion de PH.
L’équipe la plus forte contre laquelle vous ayez joué ?
Ismaël Bouzid : Comme ça, je ne peux que penser au Brésil et à l’Argentine. On les a joués avec l’Algérie, juste avant la Copa America. Les premiers à la Mosson à Montpellier et les seconds au Camp Nou à Barcelone. Les Argentins nous avaient battus 4-3, mais c’était un vrai rouleau compresseur. Quand on se retrouve face à Messi et Tevez ou Ronaldinho, Robinho et Kaka, on comprend ce que c’est que le très haut niveau : un attaquant, c’est comme le lait sur le feu, quand il atteint une température trop élevée, il déborde et c’est trop tard. Maintenant, j’essaie d’expliquer ça à mes attaquants : une simple ligne de course bien faite te met un défenseur sous pression, te le fait paniquer. On voit le gars partir et on se dit : « Si son coéquipier lui fait la passe, là, maintenant, on est morts.« C’est ça l’effet que les attaquants font aux défenseurs.
Donc le ou les joueurs les plus forts contre lesquels vous ayez joué…
Forcément, Ronaldinho et Messi ! Ce dernier n’était pas dans ma zone mais « Ronnie« , si. Heureusement, c’était un amical et on voyait qu’il n’était pas à fond. Relax même. On a même discuté pendant le match. Je lui ai demandé son maillot d’entrée et il a accepté. Et il a tenu parole. Heureusement parce que le président de Montpellier, Loulou Nicollin, grand collectionneur de maillot, a sprinté pour le récupérer à la fin du match. Ronaldinho a dû lui dire non et c’est tant mieux parce que moi, je l’avais promis à mon petit frère, ce maillot !
Et le joueur le plus fort avec lequel vous ayez joué ?
Le Turc Arda Turan, qu’on appelait justement le petit Messi, à Galatasaray. Petit, trapu, très doué techniquement, qui avait clairement un don. Dur de lutter dès qu’il accélérait. Un prodige. D’ailleurs, il a fini au FC Barcelone…
C’est le genre de match où, si tu n’es pas bon, tu peux prendre des pierres sur le crâne
Quel est le match que vous n’oublierez jamais?
Le plus fou, c’est forcément Algérie – Maroc, en éliminatoires de la CAN (NDLR : le 27 mars 2011), à Annaba. Si on perd, on est éliminés. La veille, à la vente des billets, il y a eu des morts et le lendemain matin, en allumant la télé, on apprend que le stade est déjà plein alors que le coup d’envoi est prévu dans la soirée. On n’avait pas le droit de perdre sinon, on aurait eu des problèmes. J’en avais déjà eu par le passé. C’est le genre de match où, si tu n’es pas bon, tu peux prendre des pierres sur le crâne. Ou ta famille se fait insulter. Moi, j’arrivais à gérer ces matches d’hommes. De toute façon, quand tu sors à l’échauffement et que tu vois cette foule, tu ne peux pas passer à côté !
Et le stade qui vous a le plus marqué ?
J’ai vécu un derby d’Alger avec le Mouloudia, dans le stade du 5-Juillet-1962 devant 100 000 personnes. Quand mon père me racontait ça, je pensais qu’il me « gonflait« (sic) à propos de ces derbys, mais non, pas du tout. C’est l’équivalent d’un PSG – OM en Algérie. Et moi, j’avais marqué et on avait gagné 1-0. Je voulais rendre fier mon père et ma famille. J’ai réussi. Le lendemain, il y avait même des coupures de journaux où on me donnait 10 sur 10 !
Votre plus gros fou rire ?
Plusieurs en fait : à Galatasaray, j’étais entraîné par un grand monsieur du football allemand, Karl-Heinz Feldkamp. Il était très très très âgé puisqu’à l’époque, il avait 75 ans. Et le truc génial, c’est qu’à l’entraînement, il insistait toujours pour nous montrer les exercices lui-même, c’était touchant et très drôle parce que c’était comme si dans sa tête, il avait encore 20 ans. Il faisait ça avec sérieux et application. Qu’est-ce qu’on a pu le chambrer…
Une consigne de coach que vous n’avez jamais comprise ?
Ah, c’était en Écosse ! Avec Heart of Midlothian et un entraîneur hongrois, Csaba Laszlo, avec lequel je m’entendais très bien. Ce jour-là, au vestiaire, il me dit « Isma, tu vas jouer avant-centre les trente premières minutes« . C’était fou. Et il m’explique, alors qu’on est en pleine période des transferts, qu’il est en conflit avec le président pour des renforts offensifs et qu’il a dit qu’il jouerait donc avec des défenseurs en pointe ! Je lui dis « OK, mais pas plus de 30 minutes !« Et j’ai donc joué n° 9 à Celtic Park. Moi ! Ce qui peut s’apparenter à un rêve de gamin, d’autant qu’on avait joué à l’anglo-saxonne : c’était du charbonnage ! Mais là, j’ai compris que c’était un job, attaquant, pas du tout la même chose que défenseur.
Quel a été le plus gros clash de vestiaire auquel vous ayez assisté ?
Je n’y ai pas assisté, mais j’ai pu l’imaginer. En Grèce, je me retrouve dans un super projet, avec plein de bons joueurs africains et sud-américains. Mais au bout de trois mois, le président ne paie plus. Les Argentins sont là avec femmes et enfants. Pour eux, c’est une question de survie et certains envoyaient d’ailleurs 80 % de leur salaire au pays, où on comptait sur eux. Le président s’est retrouvé dans l’incapacité d’accéder à ses propres installations. S’il était venu, je crois que les Argentins l’auraient attrapé et en seraient venus aux mains. Finalement, on a continué trois mois, mais on est tous partis en janvier. Quel gâchis…
Né à Nancy en 1983 (il aura 40 ans fin juillet), Ismaël Bouzid a joué près de 300 matches en pro avec Metz, l’Union Berlin, Kaiserslautern, le Mouloudia d’Alger, Troyes, Galatasaray, Ankaragüçü, Kilmarnock, Heart of Midlothian, PAS Giannina.
Le défenseur central a fini sa carrière au Progrès puis au Swift.
International algérien à treize reprises, il a notamment gagné la Coupe Gambardella avec le FC Metz (2001), une Coupe d’Algérie avec le MC Alger (2006) et un championnat de Turquie avec Galatasaray (2008).