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Entreprises et droits humains : une proposition de loi déposée


Pour les députés Sven Clement et Nathalie Oberweis (à g.), le gouvernement doit prendre ses responsabilités.  (Photo : astm)

Face au gouvernement qui traîne des pieds, les pirates et déi Lénk ont déposé mardi, à la Chambre des députés, une proposition de loi contre les violations des droits humains par les grandes entreprises.

Les entreprises domiciliées au Luxembourg dont les activités à l’étranger menacent les droits humains et l’environnement doivent assumer leurs responsabilités : ce message, porté depuis cinq ans par les 17 organisations membres de l’initiative Devoir de vigilance, vient enfin de rencontrer un écho politique, alors que le gouvernement, pourtant engagé sur ces questions au niveau international, fait la sourde oreille.

Les députés Sven Clement (Parti pirate) et Nathalie Oberweis (déi Lénk) ont ainsi déposé mardi une proposition de loi pour un devoir de vigilance des entreprises dont le siège se trouve au Grand-Duché. Un texte élaboré en collaboration avec différents acteurs du monde politique, du secteur juridique et de la société civile, qui vise à imposer des contraintes en matière de durabilité dans le cadre d’activités économiques.

D’abord, il inclut la perspective des victimes en leur assurant un accès à la justice et l’inversion de la charge de la preuve, comme l’a soutenu la délégation luxembourgeoise à Bruxelles où se prépare une directive. Ensuite, il prévoit le contrôle à tous les niveaux de la chaîne de valeur, en particulier là où le risque est le plus élevé.

Les entreprises visées sont celles qui franchissent au moins deux des trois seuils suivants : 250 employés, un chiffre d’affaires annuel de plus de 50 millions d’euros ou un bilan total de plus de 43 millions d’euros. Celles-ci devraient rédiger un plan de vigilance avec une cartographie précise des risques tout au long de leur chaîne de valeur, des procédures d’évaluation, et des actions de prévention des atteintes graves. La place financière tomberait sous le coup de cette loi, y compris les fonds d’investissement et les sociétés de participation financière.

Si la proposition a peu de chances d’aboutir, tous les autres partis politiques s’étant déjà positionnés pour le statu quo en attendant la directive européenne, le chef de file des pirates se languit d’entendre quels arguments le gouvernement et le ministre de l’Économie, le socialiste Franz Fayot, pourront bien leur opposer : «Il n’y a rien de révolutionnaire dans cette proposition de loi, le Luxembourg s’est déjà engagé à mettre en œuvre ces standards internationaux. Il est néanmoins important de poser des jalons dans la loi nationale, sans attendre l’UE, pour affirmer qu’on veut protéger les droits humains, le climat et l’environnement», estime-t-il.

Surtout, pour Jean-Louis Zeyen, porte-parole de l’initiative, le pays doit cesser de défendre des positions différentes selon qu’il joue à domicile ou à l’extérieur : «Ce qu’on demande correspond à la position du Luxembourg au niveau international. Arrêtons avec les contradictions», réclame-t-il.

L’urgence de légiférer face à des cas multiples

De son côté, la députée Nathalie Oberweis parle d’une proposition de loi en droite ligne avec les valeurs défendues par la Gauche : «Nous militons pour un monde plus juste et solidaire, on ne peut plus tolérer que ces violations restent impunies. Il faut interdire ces pratiques toxiques et injustes pour les peuples du Sud et pour l’environnement», juge-t-elle.

«Comme toujours, ce gouvernement est dans le court-termisme : il ne prend pas ses responsabilités en matière de durabilité», attaque-t-elle, regrettant que de nombreux députés LSAP ou déi gréng, favorables personnellement à cette loi, se retrouvent pieds et poings liés par «le jeu politique».

Quant à l’urgence de légiférer, Jean-Louis Zeyen, est clair : «Les cas avérés de violations des droits humains dans lesquels sont impliquées des entreprises domiciliées au Luxembourg se sont multipliés ces derniers mois. Et pour le moment, tout ce que peut faire le ministre, c’est leur envoyer une lettre», grogne-t-il.

Contrairement à leurs aînés au parti, déi jonk gréng se sont déjà prononcés pour l’adoption de la proposition de loi et celle-ci bénéficie aussi d’un très large soutien du public : 87 % des résidents souhaitent en effet l’introduction d’un devoir de vigilance pour les entreprises ainsi que pour la place financière, selon une enquête Ilres, et 75 % voudraient le voir se concrétiser avant les élections d’octobre.