CGFP, OGBL et LCGB s’étranglent, alors que le Statec organise ce mardi un séminaire consacré à «la place des syndicats dans l’économie», sans même les avoir consultés, un an après avoir évoqué leur «déclin».
Alors que le torchon brûle ces derniers mois entre le Statec d’un côté, et la CGFP, le LCGB et l’OGBL de l’autre, après la polémique suscitée, au printemps dernier, par une publication qui assurait que les syndicats luxembourgeois étaient en «déclin» – quelques jours avant un comité tripartite – voilà qu’un séminaire économique vient souffler sur les braises.
Intitulé «La place des syndicats dans une économie luxembourgeoise en pleine mutation», l’évènement organisé ce matin au Kirchberg par le Statec donne la parole à un professeur de l’université d’Amsterdam, auteur de nombreux travaux sur le sujet, ainsi qu’à deux représentants de l’OCDE, spécialistes des questions liées au travail, et une experte de la maison. Mais les premiers intéressés, eux, estiment avoir été de nouveau tenus à l’écart : «Nous n’avons pas été inclus aux travaux préparatoires, et on nous a proposé 15 minutes chrono de temps de parole, à l’issue de deux heures de présentation des intervenants, sans connaître par avance la teneur des propos», s’agace Romain Wolff, président de la CGFP.
Un traitement «indigne»
Un traitement jugé «indigne» par les trois syndicats, qui pointent «un séminaire business controversé», là où le Statec préfère parler d’un «séminaire méthodologique suite à des données de l’OCDE qui avaient prêté à débat» l’an passé. Pas question pour les organisations syndicales de participer dans ces conditions, d’autant qu’elles ont un autre rendez-vous dans la journée, avec le gouvernement cette fois, pour avancer dans le cadre du semestre européen.
La tension est désormais palpable : «On ne peut pas comprendre que les responsables du Statec aient commandé à plusieurs reprises des études critiques exclusivement sur les syndicats, et aient publié des chiffres erronés sans jamais nous avoir consultés», ajoute Romain Wolff, qui s’étonne qu’en parallèle, aucune enquête ne soit publiée sur l’évolution du nombre d’adhérents aux partis politiques ou aux organisations patronales.
« Des études douteuses et coûteuses »
De quoi alimenter des soupçons d’influence politique : «Oui, cela soulève des questions d’indépendance et d’impartialité. Le Statec avait déclaré à tort en 2022 que les trois plus grands syndicats du pays ont vu leurs effectifs fondre entre 2017 et 2019», rappelle le représentant des agents de la fonction publique. Il indique au passage que la CGFP compte aujourd’hui 32 000 membres, dont 7 000 sont venus grossir les rangs ces dix dernières années, et que sur les 1 300 nouveaux adhérents recrutés ces 12 derniers mois, c’est la tranche des 25-33 ans qui affiche la plus forte progression.
Une réponse cinglante à la publication parlant de «déclin», qui pointait aussi un désintérêt des jeunes pour l’engagement syndical. «Au lieu de gaspiller l’argent public dans des études douteuses et coûteuses, le ministère de l’Économie et le Statec qui lui est subordonné feraient bien de s’en tenir aux faits», tranche la CGFP.
Des attaques de plus en plus nombreuses
Du côté du Statec, nous avons pu joindre hier l’autrice de l’étude de 2022 sur le «déclin» des syndicats, afin de connaître ses sources. Mais, jugeant que «la question est politique», elle a préféré nous orienter vers la direction de l’institut, et un communiqué est finalement parvenu à la presse dans l’après-midi.
Le Statec y dit «regretter l’absence des syndicats au séminaire» alors que celui-ci avait justement pour ambition, d’après lui, de «promouvoir le dialogue avec les auteurs (OCDE, monde académique) et de clarifier d’éventuelles questions liées aux données», lors de «larges plages de discussion et d’échange». Or, dans le programme que nous avons pu consulter, la prise de position réservée aux syndicats est effectivement coincée entre 11 h et 11 h 15, comme le relatent la CGFP, le LCGB et l’OGBL. Quant au manque d’indépendance qui lui est reproché, le Statec se contente de préciser qu’il «n’entre dans aucune considération d’ordre politique».
À l’heure où, aux yeux des syndicats, le dialogue social est plus important que jamais, ils estiment qu’au Luxembourg, les atteintes à la liberté syndicale se multiplient dangereusement, et que le gouvernement, comme le Statec, «devraient le consolider au lieu de le torpiller» : «Sur le terrain, les attaques sont nombreuses. Les syndicalistes font face à de plus en plus de problèmes dans l’exercice de leur mission. Ça ne les arrête pas, mais ça complique les choses», constate avec amertume Romain Wolff, ne cachant pas ses craintes pour l’avenir.