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Lët’z Arles : Daniel Wagener, Rozafa Elshan, deux prix pour la route! 


Daniel Wagener, premier lauréat du Luxembourg Photography Award.

En se dotant du Luxembourg Photography Award, l’association Lët’z Arles donne un nom et une identité à son soutien aux artistes nationaux, toujours tournée vers les Rencontres d’Arles. Daniel Wagener en est le premier lauréat.

Pour lancer une nouvelle histoire, il faut déjà louer la précédente. C’est sur quoi s’est entendu tout un parterre réuni mardi soir au Pomhouse de Dudelange. En son centre, l’association Lët’z Arles, qui veille depuis 2016 à l’émancipation de la photographie «made in Luxembourg», en la soumettant chaque été à l’appréciation d’un des plus importants festivals du genre, les Rencontres d’Arles.

En ouverture, Paul Lesch, le directeur du CNA, pioche vite fait dans la malle à souvenirs pour raconter le «succès critique et populaire» de l’initiative. Les chiffres sont eux plus formels : huit expositions sur place pour 250 000 visiteurs au total. À elle seule, celle consacrée à Romain Urhausen, en 2022, en aura attiré 80 000. Pas mal pour un projet qui n’avait au départ aucune «stratégie à long terme», souligne Florence Reckinger-Taddeï, la présidente de Lët’z Arles.

Il était donc temps de faire un pas supplémentaire en avant, de mettre un nom sur cet engagement. En somme, d’y apporter une identité plus claire pour, qui sait, lui donner une plus grande portée à l’international. Pour ce faire, voici le Luxembourg Photography Award (ou LUPA pour les intimes) et son pendant plus modeste, dit «mentorship», deux prix qui, au final, ne changent pas grand-chose à la mission – multiple –, que s’est fixée Lët’z Arles (soutien, curation, promotion, diffusion…).

Un bienveillant patronage

Résumons quand même la procédure : après une première sélection en amont (afin d’éviter les trop nombreuses candidatures, surtout celles de piètre qualité, confie-t-on dans l’assistance), 18 artistes (nés, vivant ou travaillant au Luxembourg) sont soumis à un jury qui n’en retiendra au final que deux. Le premier exposera, comme de coutume, à la Chapelle de la Charité, et le second, à la pratique à l’état embryonnaire, aura le droit à un programme d’accompagnement de trois mois, toujours à Arles, en vue d’une professionnalisation voulue plus douce.

Tout le sens de ce LUPA tient dans sa simple étymologie. Ainsi, en latin, le terme évoque la loupe (ici placée au-dessus des photographes du Grand-Duché) autant que la louve, «qui protège et prend soin de sa progéniture», rappelle, enthousiaste, Florence Reckinger-Taddeï. Michèle Walerich, première figure maternelle de ces récompenses, porte ainsi son attention et distille ses précieux conseils à la jeune Rozafa Elshan, 29 ans, qui vient de sortir, début avril, de sa résidence au dispositif complet (cours, ateliers, rencontres…).

Elle qui a déjà exposé à Dudelange il y a plus d’un an et a terminé ses études salue le bienveillant patronage : «Ça m’a permis de prendre du recul et d’engager une réflexion», dit-elle, celle d’une artiste «qui cherche, erre, et existe». Et pour savoir «ce qui va en ressortir plus tard», il faudra attendre l’année prochaine où elle montrera ses progrès dans une exposition au Luxembourg et à travers une première publication.

La «nature morte urbaine» de Daniel Wagener 

Pour Daniel Wagener, premier lauréat du LUPA, et la commissaire Danielle Igniti (régulièrement associée aux projets de Lët’z Arles), le temps est plus pressant. Dès le 3 juillet, le duo présentera en effet «opus incertum» (encore du latin!), exposition qui mettra en valeur les obsessions du photographe, 35 ans, pour les briques (et plus généralement les matériaux de construction), les traces laissées par le passage de l’Histoire et les structures éphémères, à travers une vision «féroce» de la ville, et par ruissellement, de la vie de citadin.

«Il rend supportable le paysage moderne, peu poétique, souillé par la consommation non contrôlée», soutient-elle. «Mon travail n’est qu’un bout de chantier, une nature morte urbaine», lui répond-il, modeste, d’un sourire ironique, le même adressé sur le podium lorsqu’il a reçu, un peu avant, les honneurs de l’association. Soit un brevet et un tee-shirt!

Au cœur de la chapelle baroque arlésienne où il est interdit de planter le moindre clou, Daniel Wagener devrait en tout cas surprendre avec son installation, faite notamment d’un rack de supermarché et de caddies à balader, qui cacheront alors l’autel de l’église et ses marbres. Remplaçons les vieilles icônes et inventons de nouvelles références, semble-t-il dire avec son travail. Un discours qui colle plutôt bien aux intentions de Lët’z Arles.

La 54e édition se tiendra du 3 juillet au 24 septembre. En chiffres, elle se résume en 44 expositions, 24 lieux et 105 artistes.
Daniel Wagener y présentera «opus incertum» à la chapelle de la Charité à Arles.

 

Rencontres d'Arles : une édition dédiée au cinéma et au climat

La porosité entre l’image fixe et l’image animée, mais aussi le lien avec le territoire, notamment le delta camarguais, témoin direct de l’urgence écologique, seront, du 3 juillet au 24 septembre, au cœur de la 54e édition des Rencontres de la photographie d’Arles. Pas moins de 44 expositions seront déployées dans 24 lieux de cette commune, la plus étendue de France métropolitaine, aux portes de la Camargue.

L’un d’eux sera investi pour la toute première fois : les cryptoportiques de la ville, ces galeries souterraines qui étaient destinées notamment au stockage des marchandises du temps des Romains (on y trouvera l’exposition monographique de Juliette Agnel consacrée aux grottes préhistoriques).

Regroupés sous l’intitulé «Géographies du regard», plusieurs projets s’interrogeront sur la façon de restituer un espace, un paysage. Car il est important d’avoir cette «démarche de tête chercheuse», de «poseur de questions», estime Christoph Wiesner, le directeur des Rencontres, pour qui le festival est aussi là «pour être un acteur qui participe aux réflexions» sur le territoire. Dans «Ici près», les photographes Mathieu Asselin, Tanja Engelberts et Sheng-Wen Lo donneront ainsi à voir «les nuisances qui menacent l’équilibre écologique d’Arles et de ses environs».

Des photos prises par Agnès Varda à Sète, où elle tournera La Pointe courte quelques années après (1955), aux photos de travail de Wim Wenders sur le tournage de L’Ami américain, la porosité entre photographie et cinéma constitue également l’un des autres grands axes de 2023, baptisé «De films en images». Il s’agit de «montrer comment l’image photographique peut amener à l’image animée et qu’en fait, il n’y a pas forcément de césure» entre ces deux champs, commente Christoph Wiesner.