L’Alzette va retrouver des méandres du côté de Steinsel afin de lutter contre les inondations. La rivière va changer de visage. Et ce n’est que le début.
Changement d’époque, changement de paradigme. Depuis le début du XXIe siècle, les rivières luxembourgeoises sont dégagées peu à peu de leur carcan fait de béton. L’heure est à la libération de la nature et non plus à sa maîtrise totale et absolue par les mains de l’homme. Deux projets de renaturation, un pour l’Alzette et l’autre pour la Pétrusse, vont recevoir l’aide de l’Union européenne pour être menés à bien. Le premier concerne un tronçon de 1 100 m situé à Steinsel et faisant partie d’un projet plus large de retour à la nature de l’Alzette entre la capitale et Mersch. Le second se trouve à Luxembourg et concerne la vallée de la Pétrusse, qui ne demande qu’à retrouver un peu de liberté elle aussi. Ce projet est d’ailleurs en cours de réalisation.
Un prêt européen de 9 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI) va en effet être consacré à ces deux projets de renaturation. L’opération bénéficie ainsi du «Mécanisme de financement du capital naturel» dans le cadre du programme LIFE de l’UE. L’annonce de cette aide a été faite à Steinsel. Aux côtés du bourgmestre Fernand Marchetti se trouvaient la ministre des Finances, Yuriko Backes, la ministre de l’Environnement, Joëlle Welfring, et Kris Peeters, le vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI).
La présentation des projets aidés a eu lieu sur un tronçon de l’Alzette renaturé jeudi, histoire pour les partenaires de constater les changements qui attendent les deux cours d’eau. L’épanouissement de la faune et de la flore n’est pas le seul objectif de ces projets de renaturation. Les inondations, nombreuses dans la vallée de l’Alzette entre Luxembourg et Mersch, ont obligé à revoir la stratégie concernant ces rivières artificialisées bien malgré elles au fil des années durant le XXe siècle. Une erreur qu’il faut maintenant gommer. Les travaux de renaturation de la Pétrusse font également partie d’un réaménagement écologique de grande envergure visant à revitaliser ses écosystèmes détériorés et modifiés.
Lutte contre les inondations
Grâce à ces projets, réalisés en plusieurs étapes, les cours d’eau, qui sont actuellement fortement urbanisés, retrouveront un parcours plus naturel, précisent les autorités. Au-delà, les berges seront aménagées afin de créer des habitats naturels pour la faune et la flore. La plantation d’une ripisylve (un milieu d’échange entre les milieux aquatique et terrestre composé de végétaux) et la flore sur les berges permettront la création d’un corridor écologique. Grâce à cette renaturation, l’écoulement de l’eau sera plus naturel et sa vitesse sera ralentie, limitant le risque de débordement. Il s’agit aussi d’une mesure d’adaptation aux risques du changement climatique basée sur la nature, en améliorant la protection contre les inondations dans la capitale et en aval de la ville.
Pour les acteurs du projet, il faut réactiver la capacité de rétention naturelle de la plaine alluviale. La rivière n’est aujourd’hui plus vue comme un danger à dompter, mais comme un allié pour maîtriser les caprices de la nature… Cette transformation permettra aussi de préserver la ressource en eau, d’alimenter la nappe phréatique et de lutter à sa manière contre les phénomènes de sécheresse, a précisé la ministre de l’Environnement. La qualité de l’eau devrait également s’améliorer grâce à ces zones tampons naturelles. Les sections sur lesquelles une renaturation a déjà eu lieu voient déjà le retour d’habitats et d’espèces, comme le castor. Plus au sud, c’est le retour des cigognes (avec la nidification) qui a marqué la réussite du projet de renaturation.
À Steinsel, la partie de l’Alzette qui coule notamment le long du centre de loisirs va prendre son temps pour se déployer vers le nord avec l’installation de méandres. Fini le tracé en ligne droite de la rivière. La nature va être aidée pour qu’elle puisse réinvestir harmonieusement les berges. Au-delà des méandres, le lit sera aussi élargi. Une passerelle sur l’Alzette sera réaménagée, tout comme un chemin sur pilotis. La confluence du Kléngebach sera aussi revue. Le projet de Steinsel coûtera 8,7 millions d’euros et les travaux vont débuter dans un mois.
Le projet dans la vallée de la Pétrusse s’intègre dans une plus vaste stratégie dont la phase 1 a déjà été lancée en 2020 entre la rue Saint-Ulric et l’écluse Bourbon. Il va coûter 26 millions d’euros. Il s’agira par exemple de démolir le profil en béton existant longeant certains endroits du cours d’eau et le mur bloquant les eaux pour élargir le profil d’écoulement. Le fond du lit de la Pétrusse sera aussi aménagé et une passerelle à poissons sera construite au niveau de la rue Saint-Ulric, avec réimplantation de poissons. Un nouveau mur de soutènement sera aussi mis en place en aval de l’écluse Bourbon du côté rive gauche. De nouveaux chemins seront réalisés, tout comme 6 nouveaux ponts (2 ouvrages carrossables et 4 pour piétons) remplaçant les ouvrages existants. Comme du côté de Steinsel, dans ce vaste projet, l’idée n’est pas de déposséder la population de «sa» Pétrusse ou de «son» Alzette, mais bien de rendre les rivières à la nature et à ses habitants.