Le gentleman défenseur central est passé tout près de rater le Portugal pour un mauvais réflexe.
Lars Gerson entre tout doucement, avec son sourire d’éternel gentil, grâce à sa longévité dans l’histoire des Roud Léiwen. Il vient en effet de lancer sa quinzième année en sélection nationale par une titularisation au nez et à la barbe de tous les petits jeunes (Hall, Carlson, Mahmutovic). En termes de durée, c’est aussi bien que Jeff Saibene ou Guy Hellers, mais encore un peu moins Jeff Strasser (17 ans), Roby Langers (18 ans) ou Carlo Weis (20 ans). Mais ça situe le niveau. Pour être encore là à 33 ans, il lui en a fallu du courage (rappel du temps qu’il a passé éloigné de la sélection entre 2021 et 2022). Et prendre le temps de se retaper après deux annus horribilis avec deux graves blessures en 2021 et un petit chemin de croix en 2022. «Mais ce temps, je crois que c’était important de le prendre quand je vois le résultat», philosophe le joueur de Kongsvinger, qui a pourtant eu bien des occasions de paniquer pour sa place dans ce groupe.
Il vient en effet de fêter sa 90e cape par une titularisation et un match extrêmement costaud face aux Slovaques, qui montre que le temps n’a décidément pas de prise sur lui, depuis sa grande première le 26 mars 2008 contre le pays de Galles. S’il avoue avoir des regrets sur ses relances contre la Slovaquie («J’aurais voulu jouer bien plus vers l’avant, mettre les joueurs devant moi dans de meilleures conditions, mais c’était quand même un match très fermé»), il est à créditer d’une performance de premier choix tout juste entachée par cette perte de balle de fin de match qui aurait pu lui coûter cher : le tout premier carton rouge de sa carrière!
Avec CR7, il veut solder les comptes
Car oui, le Gerson «primaire», celui qui est tout en sobriété scandinave, qu’il a fallu rebaptiser plus souvent Lars depuis que l’autre Gerson, Rodrigues, le fantasque, est apparu à l’autre bout du terrain, compte 410 matches officiels (288 de championnat, 26 de Coupe, 8 de Coupe d’Europe, 90 de sélection) depuis ses débuts en professionnel et n’a jamais été expulsé.
«Un carton rouge, si ça ne sert à rien, c’est con!», théorisait-il, vendredi, à l’aéroport de Bratislava. Pourtant, s’il l’avait reçu à Trnava, il n’aurait pas été vain. Puisqu’il l’aurait reçu alors qu’il traînait au sol, en essayant d’attraper le ballon, puis le pied de Bozenik. Il était alors surtout question pour Gerson de ne pas laisser se déployer une attaque potentiellement fatale à dix minutes de la fin du temps réglementaire.
Efficacité et élégance
Heureusement, Lars est moins habile avec ses mains qu’avec ses pieds (et Kiki a de toute façon contré le tir de l’attaquant du Boavista). Car déjà averti un peu plus tôt pour avoir tendu la jambe et coupé une contre-attaque extrêmement dangereuse, il s’était déjà largement sacrifié pour la cause. Il y a repensé, aux vestiaires : «J’ai eu ce réflexe, oui, mais j’étais énervé parce que l’attaquant commet une faute non signalée en m’accrochant par derrière, ce qui me fait tomber. Ma première réaction, ça a été d’essayer de le retenir. C’était bête : cela laissait à l’arbitre l’opportunité de m’expulser.»
Et là, il eut été certain qu’il ne (re)verrait pas le Portugal. C’eût été inutilement cruel. Vu là d’où il vient, ce choc ressemble effectivement à la consécration d’un patient travail de reconstruction physique, qui va lui permettre de se frotter une nouvelle fois au monstre qu’est Cristiano Ronaldo. Et il a des comptes à régler avec lui : «Contre nous, ces dernières années, il n’a jamais fait un bon match et, pourtant, il a toujours marqué. C’est chiant ! Il attend juste que tu dormes un peu et…» Et ça suffit ! Lars veut rencontrer CR7 et le laisser rentrer aux vestiaires sans l’avoir vu inscrire un but. Si possible sans avoir besoin même d’être averti car c’est presque aussi étonnant, Gerson n’a pris que… six cartons jaunes sous ce maillot au lion. L’efficacité ne nécessite pas forcément de faire des compromis avec l’élégance.