Anciens meilleurs joueurs de DN, routiniers de ce championnat, ils sont tous fascinés par le phénomène Rayan Philippe. Mais depuis 2000, est-il le meilleur ?
Il y a trois semaines, juste avant la reprise, Pascal Carzaniga, coach du Swift, reconnaissait que Rayan Philippe n’avait pas particulièrement fait d’étincelles en préparation. Et puis le coup d’envoi de la phase aller a été donné et l’ailier français est reparti comme avant, c’est-à-dire sur des bases dingues : trois matches, trois buts, quatre passes décisives. On n’a jamais vu ça, dans l’ère moderne. Auteur de 20 buts et 19 passes en 18 rencontres de BGL Ligue, Philippe est décisif toutes les 41 minutes et «je ne sais pas si vous vous rendez compte, relève Artur Abreu, meilleur joueur de la saison passée, mais le gars est impliqué sur deux buts par match en moyenne depuis le début de saison. À lui seul! Même dans un club comme le Swift, c’est remarquable. Vous me posez la question de savoir s’il est le meilleur joueur de DN du siècle? Mais de loin!».
Abreu, en mai 2022, avait fini meilleur joueur du championnat avec un moyenne de 5,92. Moins bien que les 6,33 du Mondorfois Marwane Benamra, sacré en 2019 et qui fait lui-même pâle figure à côté de la note actuelle moyenne de Philippe, pointé à… 6,72. Ça aussi, c’est du jamais vu. Et le meneur de jeu de l’USM, qui a fréquenté Philippe la saison passée au Holleschbierg, est tout aussi bluffé qu’Abreu : «Au niveau athlétique, il est incroyable et il a une frappe surpuissante. Ce qu’il fait est énorme. Quand je pense à tous les records qu’il peut encore exploser !»
Douze journées pour inscrire seize buts
Parlons-en, des records. Encore, puisqu’on ne fait que ça depuis des semaines. L’ancien joueur de Dijon et Nancy, 22 ans seulement, a déjà explosé les 17 passes décisives, record qui appartenait à Sébastien Rémy à une époque où la DN se jouait sur 26 journées, et devrait le porter à des hauteurs difficilement atteignables. Quant aux buts, il lui reste douze journées pour inscrire les seize buts qui lui permettraient de rejoindre les 36 unités de François Muller en 1957. Sur les quinze dernières saisons complètes, le total de 30 n’a été atteint ou dépassé qu’à trois reprises, mais pour les «anciens» de la DN, voir Rayan Philippe entrer dans ce club n’est déjà plus l’enjeu.
Le Differdangeois Geoffrey Franzoni par exemple, avec ses 301 matches de DN, est bluffé par l’ensemble de son œuvre : «Moi, j’ai joué avec des garçons comme Pierre Piskor ou Omar Er Rafik. De sacrés buteurs mais Philippe, lui, il a les buts ET les passes. Des stats comme ça, c’est bien simple, on n’a jamais vu ça ici. Ses stats seraient déjà exceptionnelles si la saison s’arrêtait maintenant. Mais là, il est parti pour tout exploser.»
Il n’y a absolument aucun doute! Ces chiffres sont fous!
Y a-t-il seulement un seul de ces sages qui soit capable de nous dire que non, Philippe a encore des choses à prouver avant que l’on puisse le désigner comme le meilleur joueur sur une saison depuis 2000? Pas Tom Schnell et ses 385 rencontres au compteur, lui qui a pourtant fréquenté ou affronté le gratin : «Il n’y a absolument aucun doute sur le fait qu’il est le meilleur. Il n’est pas le plus impressionnant des joueurs que j’ai pu voir, il y a même énormément de temps morts dans son jeu. Mais ces chiffres sont fous. Le meilleur jusqu’alors, pour moi, c’était Dominik Stolz. Alors quand je les vois ensemble, tous les deux, toujours l’un près de l’autre sur le terrain…»
C’est l’angle mort de la réflexion, en effet. Chercher à dire si Philippe est le meilleur, c’est aussi s’asseoir sur les performances exceptionnelles de son coéquipier d’attaque, l’Allemand Stolz, qui pourraient lui valoir le même genre de considération puisqu’il en est, lui, à 15 buts et 11 passes.
« Le joueur le plus moderne de DN »
Au rayon des joueurs ayant du recul sur la parenthèse magique que traverse la DN dans le sillage de la pépite hesperangeoise, Julien Klein, capitaine du Fola, 288 rencontres de BGL Ligue. «Je ne sais pas si c’est le meilleur joueur de DN dans le siècle, mais le plus efficace, ça, c’est certain : contre nous, il met trois buts en trois tirs !»
D’accord sur le principe avec Geoffrey Franzoni («en général, les gars qui mettent beaucoup de buts ne font pas de passes décisives ou s’ils en font, c’est par erreur, quand ils ont raté un tir»), le défenseur central recentre le débat, qui ne peut pas être posé en ces termes, selon lui : «C’est la continuité qui fait toute la différence. Pas une seule saison. Je pense que les gens se souviendront plus d’un Dan Huss qui a inscrit 20 buts pendant des années que d’un Pierre Piskor qui en a mis 30 sur une saison. Bon, après, si Philippe finit à 30 buts et 30 passes, il aura clos le débat !»
D’autant qu’il y a peu de chances que Philippe fasse de vieux os dans ce championnat déjà trop petit pour lui et s’installe sur la durée. Ils le disent (presque) tous : oui, il est le meilleur. Et pour Artur Abreu, cela ne fait déjà plus l’ombre d’un doute : «Il ne fait rien d’acrobatique ou de tape-à-l’œil. Il est juste le joueur le plus moderne de DN et de loin.» Et apparemment, moderne = meilleur.