Accueil | A la Une | Festival des Migrations, le rendez-vous des cultures

Festival des Migrations, le rendez-vous des cultures


L’identité luxembourgeoise est une identité mosaïque, ce que revendique haut et fort le CLAE, en particulier à travers le festival des Migrations. (Photos : fabrizio pizzolante)

Étendu sur plus de 400 stands et 12 000 m², le festival des Migrations s’est déroulé ce week-end à Luxexpo avec son lot d’animations et de célébrations. Mais aussi un écho particulier à la situation en Ukraine et en Iran.

Parmi les fiertés nationales, celle que l’on aime rappeler est que dans ce pays de 2 500 km², le moins peuplé de l’Union européenne, cohabitent pas moins de 170 nationalités différentes. Un exemple d’ouverture vers l’autre, en somme. Le Luxembourg, qui a longtemps été une terre d’émigration, a entamé sa transformation voilà un siècle et demi en terre d’accueil. L’identité luxembourgeoise est ainsi une identité mosaïque, ce que revendique haut et fort le Comité de liaison des associations d’étrangers (CLAE), en particulier à travers son évènement phare, le festival des Migrations.

Celui-ci était de retour ce week-end à Luxexpo The Box pour deux jours de célébrations autour des différentes cultures qui existent à l’intérieur du Grand-Duché : une édition exceptionnelle puisqu’elle revient pour la première fois dans son grand format après deux années de pandémie, et parce qu’elle a fêté son quarantième anniversaire (à titre de comparaison, le festival précède d’un an l’entrée dans la loi du multilinguisme, en 1984).

L’ambiance au rendez-vous

Samedi et dimanche, dès l’ouverture de l’espace à midi, les visiteurs ont pris d’assaut les 12 000 m² de l’espace dédié à la manifestation; les gourmands auront préféré l’entrée sud, qui donne directement sur les espaces de restauration, où l’on ne boude jamais le plaisir de découvrir des plats et boissons typiques du monde entier. Certains préfèrent manger et déambuler en même temps, les autres prennent le temps de s’asseoir et de déguster.

Et pour cause : l’ambiance est au rendez-vous sur la scène qui jouxte les espaces de restauration, avec de nombreux musiciens et danseurs qui se succèdent sans temps mort, chacun représentant sa culture. Les danses traditionnelles ukrainiennes du groupe Vesna ont été particulièrement admirées, une petite foule amassée devant la scène, certains spectateurs brandissant le drapeau bleu et jaune, le tout sous les yeux des représentants de l’association LUkraine, dont le stand se trouvait à quelques pas.

Les téméraires ayant choisi l’entrée nord (très vite difficilement accessible en voiture, signe que l’évènement se destinait encore à un grand succès) auront, eux, été accueillis par une nouveauté : le «Village monde», installé sous la verrière, accompagnait les visiteurs jusqu’au cœur de Luxexpo et s’adressait tout particulièrement aux jeunes générations. Parler de migrations, d’intégration et de multiculturalisme est une responsabilité citoyenne et le Village s’y dédiait tout entier, avec l’intervention de divers ASBL, ONG et organismes gouvernementaux venus jouer la carte de la sensibilisation participative et ludique.

La participation politique était d’ailleurs l’un des axes majeurs des interventions faites au Village, avec la possibilité de s’inscrire sur les listes pour les prochaines élections. Et les plus jeunes qui ne se sentaient pas tout à fait pousser une conscience politique pouvaient à leur manière manifester l’amour de leurs origines ou de leur pays ou ville de cœur en s’affrontant, dans un coin réservé au «gaming», dans une partie de FIFA.

Parler de migrations, d’intégration et de multiculturalisme est une responsabilité citoyenne

Les deux autres évènements incontournables du festival des Migrations étaient eux aussi au rendez-vous. D’abord, le salon du livre et des cultures, où se sont donné rendez-vous durant tout le week-end des éditeurs luxembourgeois et des librairies étrangères implantées au Luxembourg, invitant de nombreux auteurs en dédicace, une soixantaine en tout. À côté, l’espace ARTSManif rassemblait plus de soixante artistes et associations d’artistes : l’occasion d’admirer les tableaux colorés du peintre turc Erkan Uyar, dont les personnages, entre articulations impossibles, formes abstraites et silhouettes enfantines, rappellent les œuvres de Keith Haring.

Ou les portraits de stars (Brigitte Bardot, Lady Di, Marilyn Monroe) aux accents psychédéliques de l’artiste turque habitant au Luxembourg Pelin Agin; une autre variation sur le pop-art est donnée par José Luis Palomino et ses œuvres minimalistes, aux traits larges, qui rappellent le graffiti ou le tatouage. Et les œuvres les plus impressionnantes sont celles de Seydina Issa Mbaye – qui, selon ses œuvres, opte pour la répétition du motif ou se lance dans d’époustouflants paysages – et de Kingsley Ogwara, lauréat du prix Pierre-Werner en 2016 et dont les tableaux, faits d’infinis pointillés de couleurs, révèlent à distance des portraits.

Le message du festival est de tendre un miroir à la société et de s’engager politiquement, mais toujours de façon ludique et accessible. Les nombreuses tables rondes et rencontres, qui ont notamment eu pour thème «l’impact du changement climatique sur les crises migratoires», l’invasion russe de l’Ukraine ou encore la violence faite aux femmes, ont participé à rappeler que les migrations peuvent aussi être forcées. Au stand de l’Iran, la journaliste Massoumeh Raouf accompagne la sortie de son livre, Évasion de la prison d’Iran, dans lequel elle raconte son enfermement en 1982, à l’âge de 20 ans, puis son évasion dans l’Iran des mollahs.

Son histoire a, évidemment, une résonance avec le soulèvement actuel du peuple iranien, durement réprimé (depuis septembre 2022, «au moins 700 manifestants ont été tués, dont plus de 60 enfants», rappelle-t-on), et le stand tout entier, avec ses photographies de victimes, ses bougies et ses draps pliés en forme de cœurs, souligne l’urgence de la situation. Dans le cas de l’Iran comme pour l’Ukraine, le Luxembourg se tient prêt à accueillir des réfugiés; mais que peut réellement un pays pour aider un pays ami à sortir d’une situation si dangereuse? Les stands des différents partis politiques luxembourgeois, non loin de là, ainsi que celui de la Commission européenne, détiennent peut-être la réponse.