L’UE doit-elle financer des clôtures à ses frontières extérieures pour lutter contre l’immigration irrégulière ? Le débat a resurgi lors du sommet des Vingt-Sept à Bruxelles jeudi, et la pression d’une partie des États membres s’accentue en faveur d’une telle solution.
L’Autriche a été l’un des plus fervents avocats de cette option, réclamant que le budget européen serve à renforcer la clôture érigée par la Bulgarie à sa frontière avec la Turquie. En octobre 2021 déjà, douze pays avaient demandé que l’UE finance ce type de mur, pour répondre aux arrivées de migrants via le Bélarus.
À l’issue de la réunion des chefs d’État et de gouvernement au petit matin vendredi, le chancelier autrichien Karl Nehammer a exprimé sa satisfaction.
« Nous avons l’engagement que tous les pays situés aux frontières extérieures seront pris en considération par la Commission lorsqu’il s’agira de protéger ces frontières extérieures », a estimé le responsable, se félicitant d’une « clarté sans précédent ».
« Nous avons l’engagement clair de la Commission pour soutenir des projets pilotes tant en Bulgarie qu’en Roumanie », a-t-il ajouté.
Si un tel financement est jugé possible juridiquement par le président du Conseil européen Charles Michel, la Commission européenne a jusqu’à présent refusé que l’argent de l’UE aille à des « murs et barbelés ».
L’exécutif communautaire permet toutefois que le budget européen serve à des équipements de surveillance accompagnant ces infrastructures, comme des caméras ou des détecteurs de mouvement.
Plusieurs pays, comme le Luxembourg, soulignent que les murs n’apportent « pas de solution ». « On le voit entre les États-Unis et le Mexique », a commenté le Premier ministre Xavier Bettel. « J’ai déjà dit il y a deux ans que ce serait une honte de construire un mur en Europe avec des étoiles européennes dessus. Je pensais que l’Europe, c’était la chute d’un mur, et non la construction de nouveaux », a-t-il lancé.
« Europe forteresse »
Le débat sur la migration est revenu en haut de l’agenda européen, avec la hausse des arrivées irrégulières et des demandes d’asile dans le bloc en 2022, qui a mis les capacités d’accueil de certains pays sous pression.
Dans leur déclaration finale, les Vingt-Sept appellent la Commission à « financer des mesures qui contribuent directement au contrôle des frontières extérieures de l’UE », et à « immédiatement mobiliser des fonds européens substantiels et des moyens pour aider les États membres à renforcer les capacités et les infrastructures de protection des frontières, les moyens de surveillance, notamment aérienne, et les équipements ».
La formulation ne mentionne pas les clôtures explicitement, mais les pays favorables à leur prise en charge y voient une réponse à leurs aspirations.
La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a quant à elle évoqué vendredi le financement possible de « d’infrastructures mobiles et fixes, des voitures aux caméras, des tours de guet à la surveillance électronique ».
Selon le groupe GUE/GNL (gauche radicale) au Parlement européen, fermement opposé aux murs, entre 2014 et 2022, la longueur totale des clôtures construites aux frontières extérieures de l’UE et au sein de l’UE et de l’espace Schengen est passée de 315 à plus de 2.000 km.
Désireux de faire baisser les arrivées et d’augmenter les renvois de migrants en situation irrégulière, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE ont par ailleurs affirmé leur volonté d’utiliser « tous les outils pertinents » pour amener les pays d’origine et de transit à reprendre leurs ressortissants. Notamment par des mesures restrictives en matière de délivrance de visas ou d’aide au développement.
Le chef de la diplomatie de l’UE, l’Espagnol Josep Borrell, a mis en garde contre une « Europe forteresse ».
« Nous pouvons demander aux (pays) de reprendre les migrants irréguliers, mais nous devons offrir des voies de migration régulière. D’abord parce que l’Europe a besoin de migrants. Et deuxièmement parce que c’est une meilleure façon de traiter avec nos partenaires dans le monde », a-t-il déclaré.