Alors que l’Iran continue de réprimer les manifestations qui secouent le pays depuis plusieurs mois, une association luxembourgeoise souhaite que le Grand-Duché prenne une position ferme contre le régime.
Depuis lundi, ils campent devant la Chambre des députés. Hier, ils ont décidé de faire entendre leur voix. Déterminés, les membres du Comité national – Comité pour la défense des droits de l’homme en Iran, une entité liée à l’association iranienne Simourq, se mobiliseront tant que le gouvernement luxembourgeois n’accédera pas à leur demande.
Alors que les manifestations à la suite de la mort de Mahsa Amini continuent d’être violemment réprimées par le régime iranien, le Comité souhaite que le Luxembourg soutienne la résolution du Parlement européen du 19 janvier dernier. Celle-ci demande, entre autres, à l’Union européenne d’inscrire les Gardiens de la révolution, l’armée idéologique de Téhéran, sur la liste noire des organisations terroristes (voir encadré).
Déjà acceptée par certains États membres comme la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas, cette résolution doit être validée par le Conseil européen. Le Luxembourg, par la voix du ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, se montre pour le moment sceptique devant cette proposition. «Nous avons été choqués, lance Nader Ghavami, vice-président du mouvement. On s’attendait à tous sauf à cette position de la part de Monsieur Asselborn. D’après lui, la Cour européenne des droits de l’homme pourrait invalider cette décision. L’autre raison serait la peur de représailles des Gardiens de la révolution contre le Luxembourg.»
Deux arguments qui ne passent pas auprès de l’association. «C’est irrecevable, ce serait céder au chantage et à la peur. Comme on dit souvent, on ne négocie pas avec les terroristes.»
Un sit-in depuis lundi
Bien qu’encore jeune, la petite association, créée en septembre «à l’aube de la révolution» comme la présente Nader Ghavami, a donc décidé de se mobiliser. Depuis le 6 février, une tente a été installée à proximité de la Chambre des députés pour organiser un sit-in où les militants se relaient jour et nuit. «Il y a toujours entre trois et six personnes, si nous étions plus, la manifestation pourrait être interdite.» Cette première mobilisation, appelée à durer, a été doublée hier d’un rassemblement place de Clairefontaine.
Au pied du monument Grande-Duchesse-Charlotte, et à portée de voix de la Chambre, les discours en français, anglais et farsi se sont multipliés, ponctués de slogans repris par la foule : «IRGC, terrorists, terrorists!» («Les Gardiens de la révolution, terroristes, terroristes!). Dans l’assemblée, une feuille passe de main en main, c’est une pétition pour demander à Jean Asselborn de les rencontrer et écouter leur message. «La diaspora iranienne est au Luxembourg depuis un demi-siècle, rappelle Nader Ghavami. Elle a contribué à la construction du Grand-Duché.»
Se sentant tout aussi légitimes que n’importe quelle autre communauté, ces citoyens souhaitent que leurs gouvernants prennent une décision ferme sur un sujet qui touche à leurs origines, culture et histoire.
Mais avec environ 2 500 Iraniens dans le pays, la diaspora ne semble pas s’intéresser particulièrement à ce combat. Hier, seule une quarantaine de personnes étaient rassemblées à l’appel de l’association. Pas de quoi doucher l’enthousiasme de ces militants qui pour beaucoup ne s’étaient encore jamais engagés de la sorte. La mobilisation commence d’ailleurs à porter ses fruits. Pour la première fois, des représentants politiques sont venus les soutenir comme Sven Clement (Parti pirate) ou Meris Sehovic (déi gréng).
Nader Ghavami l’affirme. Ils resteront devant la Chambre en espérant être entendus par Jean Asselborn d’ici la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, le 20 février. «Ce jour-là, nous organiserons un rassemblement à Bruxelles.» Une grande mobilisation est également prévue à Paris, demain. Et si le gouvernement ne souhaite toujours pas l’entendre, le Comité affirme qu’il ne baissera pas les bras. «Certains veulent aller plus loin, jusqu’à la grève de la faim s’il le faut.»
L’Europe durcit sa position
Votée à main levée le 19 janvier dernier par les eurodéputés, la résolution 2023/2511(RSP) s’alerte du sort des manifestants, violemment combattus par le régime de Téhéran. Celle-ci vise particulièrement les Gardiens de la révolution, piliers de l’économie du pays par les entreprises qu’ils contrôlent, et souhaite les inscrire sur la liste noire des organisations terroristes.
«Cela porterait un coup fatal à l’Iran puisque plus personne ne pourrait faire des affaires avec les Gardiens sans être sanctionné», détaille Nader Ghavami. Le texte souhaite aussi inscrire sur cette même liste les forces Qods et la milice Bassidj, affiliées aux Gardiens de la révolution.
Le Parlement européen met également l’Iran en cause pour son soutien à la Russie dans la guerre en Ukraine, via la fourniture de drones, et souhaite obtenir la libération de plusieurs de ses ressortissants, comme le Français Benjamin Brière qui a entamé une grève de la faim. Le texte a déclenché la colère de Téhéran qui a averti l’Union des «conséquences négatives» d’une telle décision.