Quatre mois avant les élections communales, ouvertes pour la première fois aux résidents étrangers, l’ASTI rappelle que c’est au niveau local que se joue véritablement le vivre-ensemble, et formule ses propositions.
Avec les élections communales du 11 juin en ligne de mire, l’ASTI a enchaîné les rencontres avec les partis politiques ces derniers mois, et porté une série de propositions au service du vivre-ensemble auprès des sept sensibilités représentées à la Chambre des députés – DP, LSAP, déi Gréng, CSV, Pirates, déi Lénk et ADR.
Après avoir bouclé cette tournée il y a quelques jours à peine, l’association de soutien aux travailleurs immigrés en tire un bilan globalement positif, sans pour autant se faire d’illusion : «On sait que ce genre de rendez-vous ne permet pas de débattre des questions de fond», reconnaît le porte-parole Sergio Ferreira, à quelques mois de ce scrutin qui sera, pour la première fois, ouvert à tous les résidents.
«Un moment nouveau et une avancée pour la démocratie luxembourgeoise», salue l’ASTI, qui a mené ce combat en faveur de l’égalité pendant plus de 30 ans. «La société a changé et, qu’on le veuille ou non, l’immigration est l’un des éléments qui la structurent», note Sergio Ferreira.
Mais pour cet ancien journaliste, il ne faudrait pas croire que cette récente victoire change tout : «L’ouverture prônée dans les discours est, dans les faits, encore accompagnée de messages contradictoires», pointe-t-il. «La loi accordant le droit de vote aux étrangers aux élections locales a été adoptée en juillet. Six mois plus tard, les députés révisaient la Constitution en ces termes : les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, excluant de nouveau les étrangers.»
Autant de signaux qui compliquent leur accueil au Grand-Duché, là où l’ASTI plaide pour une approche globale doublée d’efforts permanents, «pas juste le temps de l’une ou l’autre campagne alibi», notamment de la part des communes : «Leur rôle dans le vivre-ensemble est décisif. Pourtant, par manque de volonté politique, beaucoup sont dans l’immobilisme total. Comment espérer que les gens s’intéressent aux élections? Encore faut-il alimenter cet intérêt», sourcille Sergio Ferreira, pour qui «investir dans notre démocratie est essentiel».
D’où l’une des revendications de l’association, réclamant la suppression des commissions consultatives pour étrangers au sein des communes, jugées dépassées. «Les étrangers ne sont pas à part : ils sont des citoyens comme les autres, avec le droit de vote, et cela doit se refléter dans toute la vie locale. Pourquoi un ingénieur portugais siègerait-il à la commission des étrangers au lieu de celle dédiée aux travaux publics?», interroge le porte-parole, précisant que les commissions véritablement mobilisées et actives restent l’exception, la plupart servant davantage de prétexte. Sur ce point, le projet de loi présenté hier (lire ci-contre) pourrait faire bouger quelques lignes.
Des Luxembourgeois «pas comme les autres»
Parmi d’autres propositions, l’ASTI remet sur la table la question de la répartition équitable des réfugiés dans les communes du Luxembourg – 4e pays de l’UE à accueillir le plus de réfugiés par habitant : «Les autorités communales doivent suivre la tendance nationale et prendre conscience du partage de la responsabilité», argumente-t-il, rappelant que certaines communes ont concédé des efforts disproportionnés ces derniers mois par rapport à d’autres.
Sur le front des inscriptions sur les listes électorales, si la capitale annonçait le mois dernier que seuls 7% de ses habitants étrangers y figuraient – alors qu’ils représentent près des trois quarts de sa population – l’ASTI veut rester confiante : «Le nombre d’électeurs étrangers potentiel est cinq à six fois plus important par rapport à 2017, et puis beaucoup ont acquis la nationalité luxembourgeoise entre temps et n’apparaissent plus dans les statistiques», analyse Sergio Ferreira qui compte aussi sur les deux mois restants jusqu’à la date butoir du 17 avril 17 heures. «On ne s’attend pas à une ruée, mais on sait, par expérience, que c’est dans les dernières semaines que les inscriptions s’enchaînent.»
Quant à la place des candidats étrangers ou d’origine étrangère sur les listes présentées cette année par les partis, il semble qu’elle soit plus large qu’au dernier scrutin, avec un bémol cependant : «La double nationalité de ces candidats est systématiquement précisée. On continue donc à leur dire qu’ils ne sont pas des Luxembourgeois comme les autres.»
Des commissions ouvertes aux frontaliers
Issu d’une consultation publique menée en 2019, le projet de loi sur le «vivre-ensemble interculturel» présenté hier par la ministre de l’Intégration, Corinne Cahen, doit réviser le texte en vigueur datant de 2008 et dont le seul modèle d’intégration passe par l’acquisition de la nationalité. Cette révision met l’accent sur la participation citoyenne locale, notamment à travers de nouvelles «commissions communales du vivre-ensemble interculturel» ouvertes aux travailleurs frontaliers exerçant dans la commune. La Chambre des députés se penchera sur la future loi ces prochains mois.