Accueil | A la Une | Impôts frontaliers : «Il y aura des potentiels perdants»

Impôts frontaliers : «Il y aura des potentiels perdants»


Nouvelle méthode ou prolongation de l'ancienne ? Les frontaliers doivent encore patienter un peu. Photo : Adobe Stock

La nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise, suspendue ces deux dernières années, pourrait être appliquée dans les prochains mois : une nouvelle qui crée déjà quelques remous.

C’est une épée de Damoclès qui menace les frontaliers en ce début d’année : la convention fiscale franco-luxembourgeoise, suspendue pour les années fiscales 2020 et 2021, pourrait faire son grand retour pour les impôts de 2023. 

Pour rappel, cette nouvelle convention, signée en 2018 par le ministre des Finances, Pierre Gramegna et son homologue français, Bruno le Maire, vise à éviter une double imposition des frontaliers français, en passant d’un “taux effectif” à un “crédit d’impôt” en France. 

Mais dans les faits, de nombreux ménages ont vu leurs montants d’impôts augmenter, notamment les couples mixtes (l’un travaillant en France, l’autre au Luxembourg) ou ceux disposant de revenus fonciers dans l’Hexagone, tout en travaillant au Grand-Duché. Des augmentations qui ont “forcé” les deux États à revoir leur copie et à suspendre l’application de ce nouveau texte pour un temps donné. 

Deux ans plus tard, des discussions seraient en cours pour mettre en place un «moratoire» cette année encore : «Il doit y avoir une rediscussion dans les prochaines semaines, pour regeler à nouveau cette convention fiscale pour cette année, mais ce n’est pas encore confirmé», avance prudemment Julien Dauer, directeur de l’association Frontaliers Grand Est.

Des discussions politiques, «d’État à État» essentiellement, même si le ministère des Finances luxembourgeois renvoie la balle chez son voisin, évoquant un «sujet avant tout français».

Concrètement, ça changerait quoi ? 

Cette nouvelle convention fiscale changerait donc de méthode, et s’alignerait sur la plupart des standards OCDE et des autres publics frontaliers. «La précédente règle, c’était de reporter son salaire brut luxembourgeois, moins les cotisations, moins les impôts payés au Luxembourg. La nouvelle règle, si elle est appliquée, c’est de reporter uniquement son salaire brut, moins les cotisations», explique Julien Dauer. 

Et c’est là toute la problématique : la France se retrouve à imposer les revenus mondiaux en totalité, «mais la double imposition est bien éliminée», appuie le directeur de Frontaliers Grand Est. «D’un point de vue citoyen, forcément, on a l’impression d’être imposé deux fois : on déclare son revenu luxembourgeois en France et on voit que la charge fiscale augmente, donc c’est légitime. Mais d’un point de vue fiscal, c’est autorisé». 

Qui est concerné ? 

L’impact de ce «changement de méthode» dépendra bien évidemment de la hauteur des revenus français et luxembourgeois. «On ne peut pas faire de généralité en disant que tout le monde va passer à la caisse, mais il y aura des frontaliers qui vont payer un peu plus d’impôts en France sur leurs revenus français. Il y aura des potentiels perdants, c’est sûr». 

Célibataires avec revenus locatifs en France, couples mariés avec l’un travaillant au Luxembourg et l’autre en France, pluripensionnés (touchant une retraite à la fois en France et au Luxembourg) ou encore indépendants avec revenus d’activités en France… risquent ainsi de passer à une autre tranche d’imposition. Par exemple, à salaire équivalent, si l’on prend un revenu de 50 000-70 000 euros bruts par an, il peut y avoir une charge fiscale différente de l’ordre de 1 000 à 3-4 000 euros. 

«Je pense que le Luxembourg reste attractif malgré tout, je ne suis pas sûr que cela ait un impact très important, sauf si un contribuable paie plusieurs milliers d’euros en plus, peut-être réfléchira-t-il à délocaliser sa source de revenu…», s’interroge Julien Dauer. 

Une réponse d’ici avril ? 

Une perspective qui n’enchante personne et qui mobilise déjà certains frontaliers. C’est notamment le cas de Jérémy Jotz, frontalier français travaillant au Luxembourg, qui a lancé en début d’année une pétition sur le site de l’Assemblée nationale, demandant la «prolongation de l’ancienne convention fiscale» pour cette année, invitant à trouver une «solution pérenne pour neutraliser l’impôt à 100%.» 

«On espère avoir une réponse définitive d’ici avril», avance de son côté Julien Dauer, qui invite tous les frontaliers à se tenir informés des prochaines décisions. En effet, la date limite de déclaration en ligne en France est fixée au 7 juin pour la Moselle et au 30 mai prochain pour la Meurthe-et-Moselle.

Un commentaire

  1. Quand une convention a été mal rédigée car mal pensée, il faut tout simplement l’abroger et recommencer un réfléchissant un peu plus.