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Belvaux : «Madame Witzeg», à la recherche d’une nouvelle perspective de l’inclusion 


Lynn, Myriam et Ben s’occupent du bar et du service dans ce nouveau restaurant inclusif.  (Photo : trisomie21asbl/victor wolff)

L’ASBL Trisomie21 a ouvert un restaurant, «Madame Witzeg», piloté par des personnes porteuses du syndrome de Down et atteintes d’un handicap. Le projet se veut un moyen d’expression par la voie de la restauration.

Il y a de ça deux mois, Joël Delvaux se livrait, dans les colonnes du Quotidien, sur la nécessité d’éliminer les peurs et les appréhensions liées au handicap. En ce sens, le secrétaire syndical et responsable du département des Travailleurs handicapés (DTH) de l’OGBL recommandait davantage de politiques actives en matière d’accès au marché au travail, avec pour aspiration première la construction d’une société inclusive et à la portée de toute personne en situation de handicap, qu’il soit d’ordre physique, mental ou cognitif. Si la question de l’emploi pour ce pan de la population demeure sous-investie dans le bloc législatif, en témoigne le manque de contrôles sur les quotas, les ministères de la Famille et du Travail soutiennent plusieurs structures dont le fonctionnement est adapté aux besoins spécifiques des travailleurs en statut de handicap.

Parmi elles, le tout nouveau restaurant de l’ASBL Trisomie21, «Madame Witzeg», dont les quartiers se situent au rez-de-chaussée de la résidence Op der Waassertrap, à Belvaux. Dans cette enseigne, la prise de commandes, le service et la cuisine sont assurés par une équipe de travailleurs détenant le statut spécifique de salarié handicapé. Dans les rangs, des personnes porteuses du syndrome de Down – également désigné comme trisomie 21 – ou d’un handicap mental déterminées à égayer les papilles des clients, le tout dans un cadre jovial et raffiné.

Le restaurant est situé au rez-de-chaussée de la résidence Op der Waassertrap, à Belvaux. Photo : trisomie21/steven kukawka

« Nous ne voulons pas une relation d’encadré-encadrant »

Les similarités avec les ateliers de la Ligue HMC ou de l’APEMH ne confèrent pas au restaurant le même rôle, puisque la méthode appliquée par l’association est sensiblement différente : «Ces deux structures font un excellent travail depuis les années 80, mais nous voulons faire plus. Ici, c’est moins grand, donc on peut travailler de manière plus personnalisée. Nous ne voulons pas une relation d’encadré-encadrant, mais une équipe, détaille Martine Eischen, présidente de l’ASBL Trisomie21, qui ne nie pas la réalité. C’est là que c’est difficile, car ils n’ont pas l’habitude, ils peuvent perdre leurs repères, mais il faut favoriser un maximum l’autonomie.»

En cinq ans, l’association a forgé et peaufiné l’idée d’une structure où des personnes atteintes de trisomie 21 pourrait «pleinement exprimer leur potentiel», avec à la clé, la découverte d’une voie professionnelle : «On s’est renseigné sur ce qui existait à l’international et on s’est rendu dans plusieurs restaurants, dont un en France, Le Reflet, qui a eu beaucoup de succès», narre Martine Eischen. Cet établissement nantais, où la majorité de l’équipe est composée de personnes porteuses d’une trisomie 21, a mis en place plusieurs aménagements facilitant les gestes, la conception des plats et la prise de commandes.

La formule, aussi pertinente soit-elle pour favoriser l’intégration par la restauration, n’est pourtant pas évidente à répliquer au Grand-Duché. D’une part, l’ASBL a dû composer avec les conséquences de la pandémie mondiale, qui a retardé l’élaboration du projet. De l’autre, elle a rencontré des difficultés à trouver du personnel, alors que la Ligue HMC ou l’APEMH polarisent de nombreuses opportunités d’emploi pour les personnes atteintes d’un handicap : «Pour pouvoir ouvrir, on voulait une dominance de personnes porteuses de T21, afin de mettre spécifiquement en avant leur potentiel», explique Martine Eischen, elle-même maman d’une fille porteuse du syndrome de Down. Pour ne rien arranger, la durée de stage a été raccourcie à un maximum de six semaines, quand bien même elle peut être augmentée à douze semaines si le poste correspond à leurs qualifications.

L’inauguration a eu lieu samedi dernier, avec de nombreux invités et des mets de qualité. Photo : trisome21/victor wolff

«Une atmosphère positive»

À force d’usure et en rappelant que la trisomie 21 n’est pas un critère exclusif pour une embauche au restaurant, «Madame Witzeg» a pu voir le jour. D’abord pour une phase de test, lancée en octobre, le temps d’obtenir les autorisations correspondantes, d’agencer les lieux et de permettre à l’effectif de s’approprier les lieux : «La carte n’est pas trop grande, mais elle est très raffinée. Le service est bienveillant, car on veut faire ça sans stress et dans une atmosphère positive», pose la présidente de l’association, qui en appelle à l’empathie en cas de légers retards ou d’oubli. Et si des déboires se présentent, les travailleurs qui se sentent oppressés, mal à l’aise ou pris en étau, peuvent faire le vide dans une pièce conçu pour faire redescendre la pression.

Les ateliers protégés du Luxembourg

À ce jour, il existe 27 ateliers protégés au Grand-Duché. Ces dispositifs sont conçus comme un lieu de travail dont la structure et le fonctionnement sont adaptés aux besoins spécifiques et aux facultés individuelles de la personne qui a eu le statut de salarié handicapé. L’objectif est de proposer un travail salarié utile et productif aux capacités individuelles de la personne. À cette fin, des mesures d’insertion, d’accompagnement et de suivi professionnel sont définies par les responsables de l’atelier protégé. Il existe une large variété de ces lieux de travail, qui s’articulent autour de la poterie et de la céramique, comme à la KeramikFabrik d’Esch-sur-Alzette, gérée par l’ASBL Autisme Luxembourg, ou le jardinage à Wiltz, encadré par la société coopérative Coopérations. Plus d’informations sur le site internet gouvernement.lu.

Seulement quelques mois après la première expérience, et une semaine après l’inauguration, l’équipe rayonne déjà de talents et de bonne volonté : «Des personnes comme Edoardo, porteur du syndrome de Down, est déjà très ambitieux. Il apprend vite, il prépare des plats formidables tout seul… Il est extraordinaire.» Le jeune homme, à l’instar de Lynn qui s’avère tout aussi autonome, peut compter sur les conseils avisés d’un chef allemand de renommée, Steven, qui les accompagne et les guide dans la conception et la préparation.

Un système de commande optimisé

Sur le front du service et du bar, Ben, Bob et Myriam, dont la nature des handicaps est variée, prennent également leurs repères, sous le regard parfois soucieux mais attentionnée de deux éducatrices : «Ils sont tellement fiers et heureux d’avoir fait quelque chose de valorisant dans la journée. C’est cette satisfaction personnelle qu’il faut aller chercher», clame Martine Eischen. De plus, leur travail est facilité par un système de commande optimisé, où le client peut faire part de ses désirs au personnel en choisissant sa propre personnalité. Un moyen d’éviter toutes contraintes liées à l’écriture, la parole ou l’écoute.

Avec 35 couverts, le restaurant n’en est qu’à ses balbutiements, mais le succès pointe déjà le bout de son nez, en témoignent les nombreuses réservations pour la semaine d’ouverture. Désormais, les mets de «Madame Witzeg» n’attendent plus que vous.

Informations utiles : le restaurant est ouvert du lundi au vendredi, de 12 h à 15 h, avec la possibilité de prendre des plats à emporter. Réservation par tél. au (+352) 621 73 73 91 ou par courriel à info@madame-witzeg.lu. Madame Witzeg a également lancé un financement participatif, dont les liens sont disponibles sur www.trisomie21.lu.