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Hausse de la TVA : la valse des prix


Relevés le 1er janvier, les taux de TVA impactent déjà les prix à la hausse un peu partout, même si certains commerçants préfèrent encore attendre. Premiers touchés, les petits cafés font la grimace.

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Dans les cafés et restaurants, l’inflation des prix des boissons alcoolisées a démarré, mais l’impact sur la consommation reste difficile à évaluer. (Photos : AFP/Hervé Montaigu)

« Les clients sont fâchés avec moi, mais je n’y suis pour rien ! » Au café l’Évasion, à Esch, Rosalie a ajusté ses prix dès le 1er janvier. « Pas le choix ! » La bière est passée de 2 à 2,30 euros, le Martini de 3,50 à 4 euros, la coupe de champagne de 7 à 8 euros. « Ils auraient dû répartir la hausse sur plusieurs années, là, ça fait trop d’un coup », peste Rosalie, dans une grogne largement répandue. « L’interdiction de fumer nous avait déjà fait très mal, on va finir par fermer », enchaîne-t-elle, convaincue que les clients renonceront à prendre un verre de plus.

Le discours revient en boucle derrière les comptoirs. Rue du Brill, dans la Métropole du fer, Nelson, installé depuis six mois, n’a pas modifié les tarifs de son bar lounge, mais compte désormais « acheter moins cher » en se fournissant « au Portugal ou en Belgique ». Plus loin, Albert, vingt-six ans de café à Esch, a « tout augmenté de 20 centimes » en « attendant de voir ». Le demi a grimpé à 2,10 euros. « Je ne peux pas augmenter plus, avec le peu de monde que j’ai déjà », glisse-t-il devant une caisse qui s’est « réduite de moitié en quelques années », avec un trou de 40 % depuis l’interdiction de fumer. « Ceux qui gagnent 6 000 euros ont sûrement eu leur paie qui a augmenté de 14 %, mais pas les pauvres qui travaillent 18 heures par jour ! », tacle-t-il. À la brasserie D&G, la réaction est sans ambages : « Tout le monde se plaint et 80 % des gens ne prennent plus qu’une boisson. »

Des relevés du Statec laissent entrevoir un étalement de la hausse sur l’ensemble du premier trimestre : « Les cafetiers et restaurateurs annoncent qu’ils vont augmenter leurs prix, mais ils ne l’ont pas tous déjà fait. Ils attendent de voir ce que fait la concurrence », relève un analyste. « Au lieu d’augmenter la bière de 40 centimes d’un coup, certains petits cafés procèderont par touches successives de 10 centimes, afin de garder leurs clients », constate François Koepp, secrétaire général de la Fédération nationale des hôteliers, restaurateurs et cafetiers, l’Horesca. Selon lui, la hausse ne sera pas intégrale, avec des restaurants qui voudront par exemple « conserver le prix d’appel d’une bouteille de vin à 29,90 euros », sous une barre symbolique. Rappelons que le service de nourriture et de boissons sans alcool reste au taux super-réduit de 3 %, imbattable en Europe. « La hausse des prix n’est pas seulement due à la TVA », prévient déjà François Koepp, qui signale « une vague de commerçants dont le loyer a grimpé subitement de 20 à 40 % ! »

> »Les petits souffrent beaucoup plus »

De façon générale, les établissements les plus en forme ont moins d’appréhension à relever leurs tarifs. Au Madison, place de l’Hôtel-de-ville à Esch, Jacky a répercuté entièrement la hausse, la bière passant de 2 à 2,40 euros, le verre de vin de 2,10 à 2,40, le gin tonic de 5,80 à 6,80. « On est obligé, on ne peut pas rogner sur nos marges. J’ai une clientèle plutôt âgée qui va payer le prix pour boire un verre. Les gens trouvent cela anormal, mais ils font avec. »

Au Bouneweger Stuff, café branché de Luxembourg, l’inflation a aussi eu lieu, mais Bernard Michaux n’est pas inquiet : « Pour la bière et le vin, on a pris une petite part sur notre profit, mais il était impossible de garder les mêmes prix qu’en 2014. On a peu de remarques, je crois que notre clientèle est prête à payer un peu plus. Une bière à 2,70 euros, ce n’est pas excessif. » Et de se sentir relativement solide : « Pour les grands cafés en ville, ça va aller. C’est la quantité qui fait notre marge. Les plus petits vont souffrir beaucoup plus, ils n’ont pas la même clientèle et peuvent moins facilement augmenter leurs prix. »

Dans cet autre bar d’ambiance de la capitale, où la hausse a été répercutée intégralement le 1er au matin, avec malgré tout « des arrondis favorables au client », la responsable ne craint pas d’érosion de la consommation, même si « les gens ne sont pas super-contents ». « On n’a pas le choix, c’est partout pareil. On est encore en dessous des autres pays européens », relève-t-elle. Le taux de 17 % reste en effet le taux « normal » de TVA le plus bas de l’UE, la plupart des pays se situant entre 20 et 25 %.

L’Horesca estime qu’un cafetier moyen, avec un chiffre d’affaires de 60 000 euros, verra ses revenus chuter de 3 600 euros. L’Horesca avait demandé, en vain, d’épargner la bière et le vin, les boissons les plus vendues, de cette hausse sur une taxe jugée « injuste », car frappant autant les petites bourses que les plus aisées. Les établissements les plus modestes, pour certains déjà à peine au-dessus de l’équilibre, risquent ainsi de trinquer davantage. « Quarante centimes de plus pour une bière, cela paraît peu de chose, mais cela a un impact quand on gagne peu et que tout augmente par ailleurs, sauf le salaire », témoigne un client.

De notre journaliste Sylvain Amiotte

 

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