DJ, producteur et généreux soutien des artistes, Pedro Winter fête les 20 ans de son label, Ed Banger, vecteur du rayonnement de la «French Touch» dans le monde.
«En 2025, j’aurai 30 ans d’activisme dans l’electro, j’ai organisé ma première soirée en 1995», raconte Pedro Winter. Le Parisien de 47 ans à l’allure de Viking cool, cheveux longs conservés de ses jeunes années de skateur, est omniprésent dans le paysage de la «French Touch».
En 2006, à Coachella, en Californie, Pedro Winter est derrière les Daft Punk (dont il a été le manager de 1996 à 2008, bien qu’ils ne soient pas signés sur Ed Banger) pour un concert mythique. La même année, un clip de Justice, étalon du label, remporte un trophée MTV face à Kanye West, qui monte sur scène pour protester.
Mais Pedro Winter – Busy P quand il devient DJ – ne passe pas son temps l’œil dans le rétro. L’année 2024 marquera «le retour de Justice» et 2023 est bien occupée, entre le développement d’un nouvel artiste, Varnish La Piscine, et les célébrations des 20 ans.
Le 3 mars, Ed Banger donnera une soirée à Londres devant 6 000 personnes. À Paris, la station de métro Pigalle est dédiée depuis mercredi dernier au label. Et l’Hyper Weekend Festival, qui a eu lieu le week-end dernier, inaugure une exposition sur Ed Banger à la Maison de la radio et de la musique.
«Pedro est un entrepreneur qui fait briller à l’international ce patrimoine français, la musique électronique : éclat, notoriété, reconnaissance et poids économique», salue Didier Varrod, directeur musical des antennes de Radio France et patron de l’Hyper Weekend Festival. Pedro Winter ambitionne également d’investir chacun «des 20 arrondissements de Paris avec un événement éphémère». Comme un «Ed Burger», par exemple, fast-food aux «menus tirés des noms d’artistes du label».
«Travail, famille, party»
Il serait réducteur de ne voir en lui qu’un petit génie de la communication, dont on retrouve les traces dans le look de rockeurs de Justice, ou encore la croix que le duo utilise pour logo. Didier Varrod insiste : «C’est un entrepreneur qui reste un artiste.»
Un des musiciens du label, Myd, abonde : «Je suis venu voir Pedro avec des morceaux, tout part de là, de la musique, bien avant de répondre à la question « quel sera mon logo? »», confiait l’artiste en 2021, année de sortie de son premier album, Born a Loser.
Dire que pendant les trois mois où il a étudié le droit, Pedro Winter pensait devenir avocat. Avant des rencontres décisives, les Guetta (David et Cathy, alors rois de la nuit parisienne), puis les Daft Punk, quand le Paris electro n’est qu’un village dans les années 1990.
«Très tôt, j’ai voulu être derrière les artistes, ça date de quand j’accompagnais ma mère (NDLR : responsable des relations presse pour RTL) à des concerts.»
Avoir 20 ans pour un label indépendant est «un bel objectif» qu’il ne s’était «pas forcément fixé». «C’est un peu de sérénité et un peu de fierté, celle d’avoir aidé des artistes à poser la première pierre», explique ce père de deux fillettes.
Le jour où on ne s’amusera plus, on mettra la clé sous la porte
Les enfants d’Ed Banger, outre Justice et Myd, s’appellent Mr. Oizo (alias musical de Quentin Dupieux), SebastiAn (sollicité comme producteur par Frank Ocean), Cassius… «Que des hommes : cette critique, je l’encaisse, mais ce n’était pas une philosophie», devance Pedro Winter.
Depuis dix ans, seule la Franco-Américaine Uffie, qui a longtemps fait partie de la famille Ed Banger mais qui n’a sorti qu’un disque (Sex Dreams and Denim Jeans, 2010), était la touche féminine du label. Mais celui-ci s’est ouvert à des réalisatrices et photographes comme Charlotte Delarue, Leslie David ou Alice Moitié. Auparavant, So Me (Bertrand Lagros de Langeron), graphiste vedette, définissait l’identité visuelle.
Ed Banger dans dix ans? «Pas fort en projection», Pedro Winter veut «profiter au maximum tous les jours avec ce qui nous est arrivé». La famille a pleuré les morts accidentelles de DJ Mehdi, en 2011, et Philippe Zdar en 2019.
Zdar, moitié de Cassius et collaborateur des Beastie Boys, avait déniché le local parisien du label. DJ Mehdi avait trouvé le nom, jeu de mot sur «headbanger», danse du fan de metal. L’esprit potache demeure. «Le jour où on ne s’amusera plus, on mettra la clé sous la porte», conclut Pedro Winter. La devise maison reste d’actualité : «Travail, famille, party».