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[Album de la semaine] Gaz Coombes, trésor caché


Gaz Coombes

Turn the Car Around

Sorti le 13 janvier

Label Virgin

Genre rock / pop

Il a connu son heure de gloire au beau milieu des années 1990, avant de disparaître des radars. Doucement, discrètement. S’il a tenu les rênes de Supergrass durant dix-sept ans, on se souvient surtout de trois albums de belle facture, dont le premier, I Should Coco, qui redonna de la vigueur à la britpop alors coincée dans une lutte intestine entre ses deux principaux représentants : Oasis et Blur. Avec ses deux copains (Mick Quinn, Danny Goffrey) et son frangin Robert, Gaz Coombes allait jouer au trublion, chapeau vissé sur la tête et sourire insolent, avec ce disque expéditif, punk dans son ADN et à l’aura joviale, porté par le tube Alright qui se chante à tue-tête, particulièrement quand les temps sont lourds.

Un hymne à la joie qui fait toujours son petit effet, comme lors de la cérémonie d’adieu en hommage à Taylor Hawkins, feu batteur des Foo Fighters, en septembre dernier à Wembley. Là, jouant à domicile, Gaz Coombes retrouvait ses ex-camarades et un public toujours prompt à entonner en chœur leur chanson ô combien fédératrice. Une simple parenthèse, toutefois, dans une carrière menée dans l’ombre, longue d’une décennie, et pas toujours couronnée de succès, à tort. C’est vrai, il n’a sûrement pas le charisme d’un Liam Gallagher, ni le talent touche-à-touche d’un Damon Albarn, mais le musicien d’Oxford montre, à un rythme régulier, qu’il est l’un des auteurs-compositeurs le plus inspiré du Royaume-Uni.

Ainsi, à son seul crédit, on lui doit déjà quatre disques. Si sa toute première escapade en solo, Here Come the Bombs (2012), porte en elle la maladresse des débuts, les suivants, Matador (nommé en 2015 pour le Mercury Prize) et World’s Strongest Man (2018), ont conforté son talent pour concocter de savantes mélodies joliment orchestrées. Ce que confirme, de façon plus mémorable encore, ce Turn the Car Around, l’une des belles surprises d’une année encore avare en propositions alléchantes. À travers neuf morceaux courant sur un peu plus de trente minutes, Gaz Coombes, aujourd’hui la quarantaine bien tassée, témoigne que l’âge n’a pas d’emprise sur lui. Mieux, il le rend meilleur de jour en jour.

L’expérience, l’ancienneté ou la fameuse maturité de l’artiste (c’est selon) lui permettent d’abord de poser sur papier des textes sans prétention. «Ils capturent les hauts et les bas de la vie, et tout ce qu’il y a entre les deux!», explique-t-il sur son site, apparemment toujours aussi facétieux qu’à époque. Mais ce qui marque ici, c’est surtout sa capacité à s’affranchir du cadre standard de la pop pour s’aventurer vers d’autres territoires musicaux. Turn the Car Around fait ainsi des embardées vers le rock, la soul et la folk, avec même quelques dérapages, certes controlés, du côté de l’électronique. Le tout renforcé par la présence, en son bord, de choristes féminines.

Gaz Coombes, chauffeur en chef, affiche dans sa conduite une maîtrise impressionnante pour marier les contrastes et diluer le spleen dans des chansons lumineuses. Un disque qui, s’il jouit une nouvelle fois de la production de Ian Davenport, musclée à plus d’un titre, brille surtout par sa structure, sa subtilité et sa tenue. Qu’on se le dise, l’ex-frontman de Supergrass n’a jamais semblé autant à son aise dans son avancée en solitaire, prouvant que sa créativité est sans limite et ses envies inassouvies. Pierre après pierre, il construit une œuvre qui n’a rien à envier à d’autres. Il serait temps, au-delà de Londres, de s’en rendre compte.

L’ex de Supergrass n’a jamais semblé autant à son aise dans son avancée en solitaire