Le président russe Vladimir Poutine a ordonné jeudi à son armée d’observer un cessez-le-feu en Ukraine à l’occasion du Noël orthodoxe les 6 et 7 janvier, la première trêve d’ampleur depuis le début de l’invasion il y a près d’un an, que Kiev a de son côté qualifiée d' »hypocrisie ».
Cette annonce intervient après un appel en ce sens du patriarche orthodoxe russe Kirill, mais aussi une proposition du chef de l’État turc Recep Tayyip Erdogan, qui a téléphoné à Poutine dans la matinée.
« Compte tenu de l’appel de Sa Sainteté le patriarche Kirill, je charge le ministre russe de la Défense d’introduire un régime de cessez-le-feu sur toute la ligne de contact entre les parties en Ukraine à partir de 12h le 6 janvier de cette année jusqu’à minuit, le 7 janvier », a dit le président russe, cité dans un communiqué du Kremlin.
Il a en outre appelé les forces ukrainiennes à respecter cette trêve afin de donner la possibilité aux orthodoxes, la confession majoritaire en Ukraine comme en Russie, d' »assister aux offices la veille de Noël, ainsi que le jour de la Nativité du Christ ».
Ce cessez-le-feu constitue la première trêve à caractère général depuis le début de la guerre, seuls des accords locaux ayant été jusqu’alors conclus comme par exemple pour l’évacuation des civils de l’usine Azovstal à Marioupol (sud-est) en avril.
« La Russie doit quitter les territoires occupés, c’est alors seulement qu’il y aura une +trêve temporaire+. Gardez votre hypocrisie », a réagi sur Twitter le conseiller de la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak.
La Turquie en médiatrice ?
Dans sa conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, Erdogan avait quant à lui proposé un « cessez-le-feu unilatéral » destiné à soutenir « les appels à la paix et les négociations entre Moscou et Kiev ».
Le président turc, qui se pose en médiateur dans le conflit, s’est aussi entretenu jeudi avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky sans pourtant mentionner une demande de « cessez-le-feu unilatéral ».
Poutine lui avait dans un premier temps répondu que la Russie était prête à un « dialogue sérieux » avec l’Ukraine à condition que celle-ci se plie aux exigences russes et accepte les « nouvelles réalités territoriales » nées de l’invasion de ce pays en février.
Moscou a revendiqué en septembre l’annexion de quatre régions occupées au moins partiellement par son armée en Ukraine, malgré une série de revers militaires sur le terrain, sur le schéma de celle de la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014.
Volodymyr Zelensky insiste pour un retrait total des forces russes de son pays, Crimée comprise, avant tout dialogue avec Moscou. Dans le cas contraire, il promet de reprendre par la force les territoires occupés.
À l’occasion de ses discussions avec Erdogan, Poutine a en outre une nouvelle fois dénoncé le « rôle destructeur des pays occidentaux » dans le conflit du fait de leurs livraisons d’armes, cruciales pour l’effort de guerre ukrainien.
Le chef de l’État russe a accusé les Occidentaux de « gaver le régime de Kiev d’armes et d’équipements militaires et de lui fournir des informations opérationnelles et de ciblage ».
Membre de l’Otan, la Turquie ne s’est pas associée aux sanctions contre la Russie et tente de maintenir une position de médiatrice entre Kiev et Moscou. Elle a ainsi joué un rôle-clé en particulier dans l’accord permettant l’exportation des céréales ukrainiennes.
Le patriarche russe Kirill n’a quant à lui que peu d’influence en Ukraine depuis que ce pays s’est doté d’une Église indépendante en 2018-2019 et que celle restée loyale à Moscou a rompu les liens avec la Russie en mai du fait de l’invasion.
Gravats et verre brisé
Cette trêve a été annoncée par Poutine moins d’une semaine après une frappe ukrainienne dans la nuit du Nouvel An qui a fait au moins 89 morts à Makiïvka, dans l’est de l’Ukraine. Un bombardement particulièrement meurtrier que l’armée russe a dû reconnaître, fait extrêmement rare, et qui a suscité des critiques en Russie à l’encontre du commandement militaire.
Sur le front en Ukraine, les bombardements se poursuivaient jeudi avec notamment la mort d’une femme et de son fils de 12 ans dans un bombardement russe à Beryslav, près de Kherson, dans le sud, selon le chef adjoint de l’administration présidentielle Kyrylo Tymochenko.
Deux personnes ont également été tuées et trois autres blessées dans une frappe sur un village dans la région de Zaporijjia, également dans le sud, selon le gouverneur Oleksandre Staroukh.
Des habitants de la ville de Tchassiv Iar, dans l’est, ont raconté jeudi à l’AFP qu’un missile russe avait touché un immeuble avant l’aube, blessant un homme et une femme.
L’explosion a laissé des tas de gravats et de verre brisé à l’extérieur du bâtiment et a soufflé les fenêtres d’un bâtiment et d’un hôpital avoisinants.
Olena, une habitante de Tchassiv Iar, s’est aventurée à l’extérieur pour acheter de la nourriture pour ses trois chiens, tandis que les tirs d’artillerie se faisaient entendre au loin, en direction de la cité de Bakhmout, l’épicentre des combats.
« Quand ça deviendra très dur, nous quitterons la ville », a-t-elle déclaré à l’AFP. « J’ai trois chiens. Je partirai si quelqu’un veut bien les prendre, mais personne ne le veut ».
Dans ce contexte, les États-Unis et l’Allemagne prévoient de franchir une « nouvelle étape qualitative » dans leurs livraisons d’armes à l’Ukraine.
Selon plusieurs médias, Berlin compte livrer des véhicules blindés de combat d’infanterie de type « Marder ».