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Maria a connu la clandestinité : «On avait peur de retourner là-bas»


Maria (à g.) n’avait que 11 ans lorsqu’elle est arrivée du Kosovo avec sa famille.  (Photos : fabrizio pizzolante)

Bien qu’elles partagent le même statut administratif, les personnes en situation de séjour irrégulier ont toutes des parcours de vie très différents, comme l’illustre un livret publié par l’ASTI.

Alors que de nombreuses idées fausses circulent sur leur compte, l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI) décrit, dans une brochure, ce que traversent réellement les personnes en situation irrégulière au Luxembourg. Loin du cliché du «migrant illégal venu profiter du système» brandi par certains, on découvre des situations profondément humaines, et surtout inextricables, face au labyrinthe administratif.

Tirés des histoires vraies de personnes accompagnées ces dernières années par l’équipe du Guichet info migrants, une série de portraits met en scène le casse-tête des démarches pour l’obtention d’un titre de séjour en règle, et ses conséquences dramatiques.

Akhil, 23 ans, a fait le voyage depuis le Népal pour venir étudier au Grand-Duché. Une fierté pour sa famille, qui y a mis les économies d’une vie. Malheureusement, il ne s’attendait pas à des loyers et un coût de la vie aussi élevés : ses ressources s’épuisent. Sans pouvoir régler son second semestre universitaire, son titre de séjour lui est retiré. Il doit quitter la chambre d’étudiant qu’il occupe, et se débrouiller pour survivre, en travaillant au noir dans un restaurant.

Sans ressource pour régler ses frais universitaires, Akhil a perdu son titre de séjour étudiant.

Quant à Binta, originaire de Guinée-Bissau, installée au Luxembourg depuis 20 ans, mariée et mère de deux enfants, c’est la situation de sa maman qui lui cause du souci. Tandis qu’elle a grandi au Portugal, pays dont elle a la nationalité, sa mère est restée vivre à Lisbonne. Jusqu’à un accident de la vie la privant de son autonomie. Personne sur place pour s’occuper de la dame : Binta l’accueille chez elle, et introduit une demande de regroupement familial pour laquelle des preuves de soutien financier sont nécessaires. Or, sa mère perçoit sa retraite, elle ne peut simplement plus vivre seule. La demande est rejetée, mais pas le choix, la grand-mère doit rester.

Goran, lui, est originaire de Serbie. À 25 ans, le jeune homme est employé illégalement sur des chantiers, alors que sa famille a été déboutée de sa demande d’asile introduite lorsqu’il était encore mineur. Scolarisé depuis neuf ans au Luxembourg, il parle parfaitement le luxembourgeois. Le ministère l’informe qu’il peut obtenir une autorisation de séjour : il suffit de renouveler son passeport serbe. On lui demande une preuve de résidence, un acte de naissance original, une lettre officielle du ministère luxembourgeois, tout cela traduit et assermenté, et un paiement de 65 euros. Un vrai parcours du combattant qui le décourage.

L’histoire d’Alice ressemble à beaucoup d’autres. Amoureuse d’un résident luxembourgeois, elle l’épouse au Brésil avant de le rejoindre. Il lui promet qu’il s’occupera des papiers nécessaires pour son titre de séjour. Mais les mois passent et elle s’inquiète. Chaque fois qu’elle l’interroge, il devient violent. Elle finit par découvrir qu’il n’a rien entamé, et furieux, il l’agresse avant de la mettre à la porte. Traumatisée, Alice se réfugie chez une amie avant de se retrouver à la rue, en situation de séjour irrégulier. Son mari coupe tout contact.

Une adolescence dans l’illégalité

Elle, vient enfin de voir situation régularisée, après une dizaine d’année dans la clandestinité : Maria Stankovic, 21 ans, avait partagé son expérience face aux journalistes lors de la dernière conférence de presse de l’ASTI. «Je suis arrivée au Luxembourg avec mes parents et mes sœurs en 2012. Originaires du Kosovo, nous avons introduit une demande d’asile, qui a fini par être refusée deux ans plus tard. On nous a alors demandé de quitter le territoire. Mais on avait peur de retourner là-bas…», se souvient-elle. La famille tente un recours, avec l’aide d’avocats, mais sans résultat.

«Alors que ma petite sœur n’avait que 11 mois, nous avons abandonné le foyer qui nous hébergeait par peur d’être expulsés, et on a vécu dans la rue. C’est un ami de mon père qui nous a aidés», poursuit-elle.

Au niveau scolaire, Maria a toujours été intégrée à l’école publique et aurait souhaité poursuivre vers un apprentissage : «Je travaillais depuis deux mois quand mon contrat a été annulé, faute de titre de séjour. J’ai alors suivi des cours du soir pour être diplômée, tandis que l’ASTI nous soutenait pour plaider notre cause. On a finalement pu se rendre en Serbie pour boucler d’ultimes démarches et obtenir un titre de séjour», souffle la jeune femme.

Illustrée par l’artiste Charl Vinz et éditée avec le soutien financier du réseau Picum qui défend les droits des migrants sans papiers en Europe, la brochure de 26 pages est consultable en ligne sur le site internet de l’ASTI.

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