Ses créations ont décollé sur les réseaux sociaux pendant la pandémie : l’artiste Danny Cortes recrée en miniature les lieux de son quartier de Brooklyn, témoins de l’esprit hip-hop de la ville. Son art intéresse tant les rappeurs que les maisons de vente aux enchères.
Avec ses mains agiles et ses yeux d’enfants, Danny Cortes recrée en miniature les décors urbains et imprégnés de culture hip-hop de New York. Un passe-temps au départ, devenu source de succès chez les rappeurs – jusqu’à la maison de vente Sotheby’s. «Nous ne cessons jamais d’être des enfants (…) Qui n’aime pas les jouets ? Qui n’aime pas les miniatures ?», sourit l’artiste de 42 ans, assis au milieu de toutes sortes d’objets de récupération, dans son atelier de Bushwick, un quartier de Brooklyn.
Sur sa table, une création en cours, réplique d’une façade en briques décaties et sales. Près de fenêtres murées pend un cageot en plastique qui sert de panier de basketball. «Cela représente mon enfance (…) tout ressemblait à ça, abandonné, vide», «(il y avait) beaucoup de drogue dans le quartier», décrit-il en travaillant sa matière, du polystyrène. Dans les années 1980 jusqu’au début des années 1990, New York était l’épicentre de l’épidémie de crack, qui s’était propagée dans les quartiers défavorisés des grandes villes américaines, en particulier sur la côte Est.
Parmi les autres créations récentes de Danny Cortes, un modeste restaurant chinois à l’enseigne jaune abîmée et dont les murs en briques mauves et rouges sont parsemés de graffitis. Devant l’établissement – le vrai –, l’artiste, casquette sur son visage rond et blouson noir, sourit encore en racontant que le rappeur new-yorkais Joell Ortiz, qui a grandi tout près, voulait absolument se l’offrir. Le prix ? «Dix mille dollars», répond Danny Cortes. «La première pièce que j’ai vendue valait 30 dollars et j’étais si heureux», se remémore-t-il.
Atmosphère «crasseuse et rude»
L’artiste fabrique des objets de collection à partir des décors urbains les plus ordinaires, «ces petites choses devant lesquelles on passe chaque jour» et qu’on finit par oublier, mais qui font le paysage de la mégapole. L’une de ses premières signatures est un simple frigo à glaçons, un meuble blanc barré des lettres «ICE» qui trône sur les trottoirs de nombreuses épiceries, le plus souvent recouvert de graffitis, autocollants et affiches, qu’il reproduit méticuleusement au pinceau.
Son répertoire comprend aussi la fameuse camionnette du glacier dont les petits New-yorkais connaissent encore le son du carillon, et que l’on aperçoit notamment dans le film de Spike Lee Do the Right Thing (1989). Des images typiques et nourries de nostalgie sur lesquelles il ajoute les effigies de rappeurs locaux mythiques, comme Notorious B.I.G. ou le Wu-Tang Clan.
Danny Cortes n’a pas toujours été artiste. Mais la pandémie a changé sa vie, le poussant à faire d’un loisir une activité plus assidue, lui qui avait enchaîné des métiers dans la vente, la construction, ou dans un refuge de sans-abris. Lorsqu’il a exposé ses premières créations sur les réseaux sociaux, «ça a juste décollé», résume-t-il. Le label artistique Mass Appeal, dont Nas, légende du rap de New York, est l’un des piliers, lui a commandé un modèle de «ghetto blaster» pour la couverture du minialbum Hip Hop 50 Vol. 1, de DJ Premier, sorti cet été.
Nous ne cessons jamais d’être des enfants (…) Qui n’aime pas les jouets? Qui n’aime pas les miniatures?
En mars dernier, quatre de ses œuvres ont aussi atterri dans une vente aux enchères «hip-hop» de la maison Sotheby’s, dont un camion de glace parti pour 2 200 dollars. «Il sait vraiment capturer cette atmosphère crasseuse et rude, dans laquelle le hip-hop des années 1990 est né à New York», loue Monica Lynch, ancienne présidente du label Tommy Boy Records – qui avait notamment signé Queen Latifah et De La Soul – et consultante pour cette vente.
Par son travail, Danny Cortes veut aussi «documenter» un espace «qui change en permanence», notamment son quartier de Bushwick, aujourd’hui repaire branché d’artistes et symbole d’une gentrification qu’il ne regrette pas. «Je pense que c’est bien, c’est plus sûr. Même si Bushwick sera toujours Bushwick, il y a plus d’opportunités», affirme-t-il. Son art ne se limite pas à Brooklyn. Il a aussi réalisé la réplique miniature d’un restaurant d’Atlanta pour son propriétaire, le rappeur 2 Chainz.