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[Album de la semaine] «Herbert», d’Ab-Soul : que des bonnes ondes!


Cette fin d’année n’aura pas été avare en sorties de qualité dans le monde foisonnant du rap US et, plus généralement, anglophone (coucou Little Simz et Stormzy).

Pour ce 52e et dernier album de la semaine de 2022, on pouvait remonter tout le mois de décembre avec l’embarras du choix : Metro Boomin, Mike, SZA, $uicideboy$, GloRilla, The Alchemist… même le vieux de la vieille Kool G Rap était de la partie! Et puisqu’il ne fallait en garder qu’un, le choix d’Ab-Soul était tout désigné. Pourquoi? Parce qu’on aime tous une bonne histoire de «come back», particulièrement quand elle a pour protagoniste un rappeur complet et talentueux et que son absence a à voir avec une certaine idée de l’enfer, dont il est sorti avec succès. Six ans presque jour pour jour séparent Do What Thou Wilt (2016) et Herbert. Un laps de temps qui implique à lui seul que l’artiste, qui s’est fait une spécialité des textes introspectifs (et pas franchement joyeux), avait des tas de choses sur le cœur qu’il voulait déballer.

Un titre personnel (le prénom de l’artiste, Herbert Anthony Stevens pour l’état civil), une photo d’enfance comme pochette… À première vue, Herbert n’échappe pas aux poncifs de l’album-thérapie d’un artiste qui se met à nu. Ab-Soul s’en défend en partie : «Mes secrets mourront avec moi», souligne-t-il (Gang’Nem). Il en dévoile quand même quelques-uns, et pas des moindres. Le quart du collectif Black Hippy (avec Kendrick Lamar, Jay Rock et Schoolboy Q) lance, pour commencer, un Message in a Bottle qui, prévient-il, «ne s’ouvrira pas de lui-même». «Mon ego est mort, je ne vois pas de menace», rappe encore Ab-Soul. Herbert nous apprend qu’au long de ces six dernières années, il a survécu à une tentative de suicide, bataillé avec une souffrance mentale, perdu ses deux meilleurs amis (dont Mac Miller). Alors non, cet album personnel ne sera pas tout à fait comme les autres…

Ab-Soul se refuse à tout misérabilisme et fait le récit de ses années les plus dures en retenant qu’il en est sorti meilleur

Pour en saisir la teneur, il faudrait commencer par la fin : Positive Vibes Only, voilà le fin mot de l’histoire. Ou comment, en 18 titres et un peu plus d’une heure de musique, Ab-Soul se refuse à tout misérabilisme, déballe sa vie depuis l’enfance, sous forme de flash-back furtifs qui apparaissent ici et là, et fait le récit de ses années les plus dures en retenant surtout qu’il en est sorti meilleur. Grâce, peut-être, à tous ceux qui l’entourent et qui donnent de la voix sur ce nouvel album, ses potes de TDE toujours présents (Lance Skiiiwalker, Zacari et SiR) et plus encore. Avec Jhené Aiko, il se livre à une très belle réflexion sur la solitude (The Wild Side); plus tard, le compagnon de cette dernière, Big Sean, est à son tour invité à partager les vibes West Coast de Go Off. Seul ou en équipe, sur des productions «low tempo» ou des «beats» agités, Ab-Soul use de tous ses attributs de caméléon – le flow élastique avant toute chose – pour dresser un autoportrait réfléchi et honnête.

Celui qui aime toujours autant citer Nas et Jay-Z (et qui ne manque pas de le faire encore une fois ici) et qui aime se donner des surnoms du genre «KRS-Two» et «3Pac», sous-entendant sans finesse qu’il se voit comme l’avenir du rap, contrebalance les jeux de mots avec une sentence définitive : «J’aime m’appeler le dieu du rap, mais rapper, c’est une nécessité» (Gotta Rap). Les rimes comme échappatoire spirituelle, débitées sur des ambiances soul et jazz motivantes et exécutées avec un talent remarquable – Herbert, le morceau-titre et, sans surprise, le plus intime et mélancolique, réunit la sainte trinité Ab-Soul, Kendrick Lamar et James Blake –, frappent juste, fort, et là où il faut. Ab-Soul était peut-être ailleurs, son retour rappelle à quel point il est immense.

Ab-Soul – Herbert

Sorti le 15 décembre

Label Top Dawg Entertainment

Genre hip-hop